Algérie - Revue de Presse

Alger-Tripoli : les retrouvailles


Alger-Tripoli : les retrouvailles
La visite de deux jours à Alger du président du Conseil national de transition libyen (CNT), Moustapha Abdeljalil, la première du genre du plus haut responsable du nouveau régime libyen à l'heure actuelle, s'est terminée comme elle a commencé.
Ces deux moments ont été marqués par le faste et le respect mutuel. Mieux encore, cette visite tant attendue, mais que beaucoup d'observateurs appréhendaient quelque peu, aura finalement permis à l'Algérie et à la Libye de se retrouver. L'ancien ministre libyen de la Justice d'El Gueddafi, dont l'arrivée, dimanche après-midi dans la capitale algérienne a été célébrée par des coups de canon, est reparti, en effet, hier à Tripoli avec les honneurs et en plus avec la qualité d'un ami. Cela après avoir eu droit tout au long de son séjour à des égards dignes des plus grands chefs d'Etat.
Ce traitement de faveur semble avoir été fortement apprécié autant par Moustapha Abdeljalil, lui-même, que par les membres de la délégation qui a fait le déplacement avec lui. Les échos de sa visite parvenus depuis Tripoli restent aussi largement positifs. Le président du CNT, qui s'est longtemps fait désirer avant de prendre la décision d'accepter l'invitation que le président Bouteflika lui a adressée l'automne dernier, paraissait d'ailleurs détendu et souriant à chacune de ses apparitions. Sa déclaration, faite à l'issue de son tête-à-tête avec le président Bouteflika, au cours de laquelle il a glorifié les peuples algérien et libyen, la fraternité algéro-libyenne «qu'il faut renforcer» laisse penser, à tout le moins, que le gros des divergences entre les deux Etats est aplani et que leurs relations bilatérales sont désormais sur une courbe ascendante.
Pour favoriser les discussions, mettre à l'aise son invité et lui faire sentir qu'il est avec des «frères», le chef de l'Etat n'a pas hésité à déployer des trésors de diplomatie et surtout à employer le langage de l'affect. Et pour cela, il a appelé à la rescousse Abdelhamid Zouba, ex-entraîneur national de football et ancien joueur de la glorieuse équipe du Front de libération nationale, qui se trouve être l'ancien coach de Moustapha Abdeljalil, lorsque celui-ci évoluait durant les année 1970 en tant que joueur au sein du club Akhdar El Baidha. Ce n'est pas tout : M. Zouba était accompagné de Tayeb Bouhafs également ancien entraîneur de football qui avait, à la même époque, drivé aussi le club pour lequel jouait M. Abdeljallil. Devant tant de considérations, il aurait été difficile, en effet, pour le président du CNT de continuer à percevoir l'Algérie en tant qu'ennemie.
Coups de canon, tapis rouge et football
Les formes mises par les autorités algériennes pour recevoir l'un de ceux qui a, dès le mois de mars 2011, signé l'acte de décès de la désormais ex-Jamahiriya, dénotent clairement de leur volonté de faire aboutir au plus vite le processus de normalisation de leurs relations bilatérales avec «la nouvelle Libye» engagé par Abdelaziz Bouteflika et Moustapha Abdeljalil à la mi-novembre au Qatar, en marge du 1er Forum des pays exportateurs de gaz. L'empressement manifesté par les Algériens à renouer le contact avec les Libyens peut déjà se justifier par leur souci d'éviter de tomber dans le piège de l'enfermement régional et d'aider Tripoli à endiguer au plus vite les effets des graves dommages collatéraux générés au double plan interne et externe par l'effondrement du régime du colonel El Gueddafi. L'accélération des échanges politiques et sécuritaires algéro-libyens s'impose, d'autant que le contexte sécuritaire régional connaît une dégradation aussi inquiétante que vertigineuse depuis l'éclatement d'une rébellion touareg dans le nord du Mali. Il n'est pas interdit de penser que Moustapha Abdeljalil ait eu les mêmes soucis en tête en venant à Alger. D'ailleurs, il ne s'en est pas caché, hier, lors de sa courte déclaration à la presse publique.
Pour éviter, sans doute, que cette visite qualifiée de «hautement importante» ne soit parasitée ou ne se termine par une fausse note, le protocole a pris le soin de tenir à l'écart de l'événement la presse. Cette gestion millimétrée de l'événement a d'ailleurs fait que les informations concernant les discussions entre les deux parties ont filtré au compte-gouttes. Il a fallu attendre de connaître le profil des participants à la réunion, hier, des délégations des deux pays pour comprendre effectivement que les discussions ont touché à de nombreux sujets (sécurité, gestion de la frontière commune, énergie, commerce, industrie, collectivités locales et diplomatie), y compris à ceux qui fâchent. Par ceux qui fâchent, il faut comprendre, bien sûr, le cas des membres de la famille du défunt Mouammar El Gueddafi qui ont trouvé refuge en Algérie.
Le dossier de la famille d'El Gueddafi clos
Sur cette question précise, il ressort à travers des déclarations de Salem Messaoud Kanane, membre du CNT, que la Libye a décidé de ne plus en faire un point de fixation. Les responsables libyens se sont toutefois dits disposés à offrir leur aide à l'Algérie dans le cas où la progéniture d'El Gueddafi essaierait une nouvelle fois de faire parler d'elle. En d'autres termes, Tripoli attend du gouvernement algérien qu'il tienne à l'avenir les fils et surtout la fille de l'ancien leader libyen «en laisse». «La Libye apprécie et comprend les positions humanitaires de l'Algérie qui a accueilli des membres de la famille El Gueddafi. Cependant, nous sommes prêts à aider nos frères algériens en cas de comportement ou d'agissement de la part de ces personnes, pouvant porter atteinte aux intérêts et à la sécurité de la Libye», a fait savoir, à ce propos, M. Kenane dimanche, lors d'un tour de table avec ses homologue algériens dimanche soir.
La nouvelle sera d'ailleurs confirmée par M. Abdeljalil, lui-même, au cours de la déclaration qui a sanctionné la fin de sa visite.
Si le chef du CNT a fini par céder sur le dossier des enfants d'El Gueddafi, il n'est cependant pas reparti bredouille. Le président Bouteflika l'a assuré, en effet, que l'Algérie ne sera pas un refuge aux membres de l'ancien régime libyen qui pourraient constituer une «menace» pour la sécurité de la Libye.
Ces assurances, ou mieux encore la parole donnée par les autorités algériennes, paraissent avoir permis à M. Abdeljalil de regagner Tripoli tranquille et surtout de se concentrer davantage sur les moyens d'arrêter les conflits tribaux sanglants qui déchirent son pays et de réussir la prochaine élection de l'Assemblée constituante libyenne. Sur ce plan, il peut désormais compter sur le soutien de l'Algérie.




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