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Alger, centre de gravité dans la crise malienne


Alger, centre de gravité dans la crise malienne
Hasard de l'accidentologie du transport aérien et de la géographie, un crash d'avion, celui d'un aéronef affrété par le pavillon algérien, éclaire sous un jour nouveau la sphère d'influence géopolitique qu'est le Mali, au c?ur de l'aire crisogène représentée par l'Afrique subsaharienne. Les efforts de localisation du lieu de la catastrophe, la récupération des boites noires et la participation à l'élucidation des circonstances de l'accident, fonctionnent aussi comme un baromètre de l'influence diplomatique de certaines puissances concernées, à des degrés divers, par le conflit au Mali.Il s'agit en l'occurrence de l'Algérie, pays frontalier, de la France, ancienne force coloniale et d'intervention militaire récente (Serval) et, en arrière-plan, le Maroc qui brûle d'envie de réintégrer le giron africain par le portail sahélien. Les facteurs de l'influence française sont évidents. Ses capacités technologiques, son savoir-faire sécuritaire, et le fait même d'avoir eu à déplorer le plus grand nombre de victimes lui confèrent, ipso facto mais pas de jure, un rôle de premier plan dans la gestion de la crise post-crash. Sans oublier évidemment son statut d'ancienne puissance coloniale et de force d'intervention militaire récente contre le djihadisme terroriste au Nord-Mali. Pour autant, la France, une fois la fin de la mission Serval actée, ne joue plus un rôle diplomatique majeur dans la crise malienne. Fini donc le temps où son chef de la diplomatie disposait en la personne de l'actuel ambassadeur à Dakar, le chevènementiste et arabisant Jean-Félix Paganon, un chargé de mission sur la question du Sahel et d'AQMI. Aussi, après s'en être remise un temps à la CEDEAO et à l'activisme central du président burkinabe Blaise Compaoré, elle a, en sous-main, encouragé les efforts du Maroc pour jouer un rôle dans la recherche d'une solution politique au Mali. Un pays pourtant loin des frontières internationales reconnues du Maroc et qui ne jouxte même pas le Sahara Occidental occupé. Mais tout fonctionne comme si le royaume alaouite considérait le Sahel comme un hinterland et le Mali comme sa porte principale d'entrée. Cette prétention à y trouver un rôle diplomatique et à y exercer une influence par le biais de la coopération économique et militaire, a le don d'irriter passablement l'Algérie qui considère, à juste titre, que le royaume chérifien ne fait pas partie des pays du «Champ», c'est-à-dire les Etats du Sahel et les pays limitrophes. Pas plus qu'il n'est membre de la CEDEAO et de l'Union Africaine et alors même qu'il a rompu ses relations diplomatiques avec tous les pays africains qui ont reconnu la RASD, membre de plein droit de l'UA. Logique géographique et logique géopolitique produisent donc une logique diplomatique. Du point de vue du Maroc, la crise malienne, qui a favorisé l'expansion des mouvements islamistes radicaux au Nord du pays, pourrait avoir un effet domino sur l'ensemble du Sahel, l'Afrique de l'Ouest et le Maghreb. Cette crainte surfaite explique le rôle diplomatique que veut surjouer un Palais royal soucieux de revenir en puissance sur la scène africaine. Propension à s'immiscer dans un conflit dont elle ne subit pas les coups directs et les contrecoups différés, vérifiée à plusieurs reprises. Dont une toute dernière fois lorsque Mohamed VI a reçu en janvier dernier à Marrakech le SG du MNLA, mouvement indépendantiste touareg que le Maroc entend utiliser comme levier de son influence dans le dossier de la crise au Nord-Mali. L'Algérie, pour sa part, a toujours exercé une influence très importante au Sahel, estimant que la résolution de la crise passe par un dialogue inclusif et ordonné, sous ses bons auspices de puissance régionale directement concernée et subissant sur son propre territoire les conséquences du conflit malien. Elle a alors tenu depuis 1990 un rôle d'intercesseur, de facilitateur et de conciliateur indispensable et incontournable dans la crise. Comme ce fut le cas avec les accords de 1990, 1994, 2006, 2007, 2008 et plus récemment en juillet dernier. Compréhensible par conséquent de ne pas voir d'un bon ?il le Maroc s'introduire subrepticement dans sa zone d'extension géopolitique pour se replacer, à son détriment, en tant que puissance importante sur la scène africaine. Et les voies d'accès ne manquent pas, comme de former 200 imams et 600 soldats maliens à la lutte antiterroriste. Où d'assurer encore son implantation via Maroc Télécom, présent en force au Mali après avoir racheté «Malitel». C'est ainsi que la crise malienne offre une opportunité pour le Maroc afin de sortir de son long isolement. Et de poursuivre sa reconquête diplomatique de l'Afrique, dans l'optique de se repositionner comme une puissance régionale, obsédée par l'idée de devenir un contrepoids de l'Algérie en Afrique. L'enjeu stratégique de la crise au Mali explique ainsi l'activisme sans précédent du Maroc. Rabat a également saisi l'occasion de sa présidence au Conseil de Sécurité de l'ONU, pour organiser une réunion sur les risques de la crise du Mali. Faire feu de tout bois, mais sans trop d'illusions pour l'instant, car Alger reste malgré tout le centre de gravité dans la crise malienne.N. K.


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