Algérie

Adelaïde à Oran



Adelaïde à Oran «C’est là le paradoxe suprême de la pensée que de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même ne puisse penser.» Sören Kierkegaard On serait tenté de croire qu’Adelaïde est le prénom d’une belle femme, ce genre de femme dont on tomberait facilement amoureux. La femme fatale. On n’en est pas loin. Présentement, il s’agit d’une ville du sud de l’Australie qui, en 1836, prit le nom de la femme du Roi britannique de l’époque, William IV... Adelaïde est marquée par un climat méditerranéen et abrite le plus beau jardin botanique du pays. Avec une population de plus d’un million d’habitants, elle compte trois universités de standard international. On pourrait même trouver des points communs avec la ville d’Oran. Mais Adelaïde va désormais faire rougir de honte les dernières consciences qui rasent les murs de cette planète des singes qu’est devenue précisément Oran.Prenons d’abord connaissance de cette fabuleuse histoire qui nous est parvenue de la lointaine Adelaïde. Une belle histoire comme celles qui manquent à notre imaginaire d’Oranais borné par la sinistrose de la quotidienneté. Profitant de leurs vacances aux Etats-Unis, un touriste australien et sa famille décidèrent d’aller visiter le Mexique pour une semaine. Fan de cactus, l’homme rapporta une variété rare et chère de un mètre de haut. De retour à la maison, les services douaniers australiens lui ont rappelé l’obligation légale de mettre le cactus en quarantaine durant 3 mois. Passée cette période, il reçut son cactus, l’a planté dans son jardin et, avec le temps, celui-ci poussa jusqu’à atteindre la taille de 2 mètres. Un soir, alors qu’il arrosait son jardin après une journée chaude de printemps, il aspergea légèrement le cactus. Il fut étonné de voir la plante frissonner de haut en bas, et en lui redonnant de l’eau le cactus se mit de nouveau à frissonner. Ne pouvant dissimuler son étonnement, il appela au téléphone la mairie qui le dirigea vers le département jardinage. Après quelques transferts, on le mit en contact avec l’expert en cactus qui lui posa quelques questions. Quelle taille a-t-il ? A-t-il déjà fleuri ? Etc. Finalement l’expert pose la question la plus insolite: « Est-ce que votre famille est dans la maison?» L’homme répondit oui. L’expert en cactus lui dit alors de sortir de la maison IMMEDIATEMENT, de l’attendre à l’extérieur et qu’il serait chez eux au bout de 20 minutes. Quinze minutes plus tard, 2 camions de pompiers, 2 voitures de police et une ambulance arrivèrent toutes sirènes hurlantes. Un pompier descendit du camion et demanda: «Etes-vous l’homme au cactus?» L’homme répondit oui. Le pompier fit signe à un homme habillé avec ce qui ressemblait à une combinaison d’astronaute, avec des bombonnes pour respirer et un long tuyau attaché dessus. Il entra dans le jardin, alluma un lance-flammes et arrosa de feu le cactus de haut en bas. Après quelques minutes l’homme au lance-flammes s’arrêta, le cactus fumait, la moitié de la clôture avait brûlé et une partie du jardin avait été piétinée. A ce moment, l’expert en cactus apparut et rassura le propriétaire du jardin en lui apportant un morceau calciné du cactus ; il lui expliqua que le cactus était entièrement creux et qu’il était rempli de tarentules mangeuses d’oiseaux. Cette espèce d’araignée pond ses œufs dans cette variété de cactus, les œufs éclosent et les araignées grandissent jusqu’à la taille adulte. Une fois grandes, elles se libèrent. Le cactus explose et environ 150 araignées poilues en sont projetées. Elles étaient prêtes à sortir. Cette histoire, au-delà de son caractère anecdotique et insolite, avec tout ce qu’elle a de pathétique, nous enseigne d’une manière édifiante sur les deux éléments fondamentaux de toute société viable: la notion de citoyen et l’esprit de commune. D’Adelaïde à Oran, c’est un long et périlleux voyage de l’affirmation de ces deux éléments à leur négation. Comment pourrait-on réagir à Oran face à ce genre d’événements? Est-il déjà né cet Oranais féru de botanique et de jardinage et qui ne peut résister à la tentation de ramener dans ses bagages un cactus, fut-il d’une variété rare, à l’occasion d’un voyage en Amérique Latine? Certainement que cet oranais, ami des plantes, existe, mais il préfère vivre sa passion ailleurs, là où ça devient possible. Comme à Adelaïde. Car, dans l’ambiance d’Oran mortellement médiocre, Houari et botanique ne semblent pas faire bon ménage. C’est comme les clous, l’un chasse l’autre. Et l’on comprend que même les marginaux n’ont plus envie de vivre à Oran, à la manière de ces pauvres malheureux harraga qui fuient la ville et sa malédiction. Ils s’en vont au péril de leur vie, préférant être emportés par les flots que périr dans l’enfer d’Oran. Si cette histoire de cactus s’est déroulée à Oran, quelle aurait été son épilogue? Aurait-on pris le soin de mettre le cactus en quarantaine à son arrivée à l’aéroport? Et ce brave oranais tout fier de son cactus bien planté au milieu du jardin, en remarquant le frémissement bizarre de la plante, aurait-il eu la délicatesse d’appeler les services de la commune pour éclaircir le mystère? Supposons qu’il ait suffisamment d’audace pour franchir ce pas, l’employé qui aurait eu le privilège de prendre cette communication aurait du mal à contenir son fou rire au point qu’il proposerait de décerner à cette doléance le titre de blague de l’année. Cette histoire nous enseigne que citoyen et commune sont les deux faces d’une même pièce, chacun étant le reflet de l’autre. Dans le cas d’Oran, c’est l’image monstrueusement décadente que se renvoient citoyen et commune, au point où l’on ne retrouve ni l’un ni l’autre. Ce qu’il y a d’abord et surtout, c’est ce complice acharnement à détruire l’espace vital, comme si le pacte qui unit le citoyen et sa commune est fondé sur cette passion obsessionnelle de l’anéantissement. Face aux grenouillages des citoyens, le bâtiment colonial qui abrite la mairie prend de plus en plus une allure ridicule. En effet, face à tant de défis à relever dans la gestion de la ville, la seule réponse que donne la mairie d’Oran c’est cette extrême concentration au mètre carré d’incompétence et de mauvaise foi. Parler de citoyen et de commune à Oran relève de l’art du ‘fouttage’ des gueules. On aurait à gagner à faire d’Adelaïde la destination privilégiée des Oranais. C’est là-bas qu’il faudra désormais aller de plus en plus fréquemment pour apprendre à vivre mieux, pour apprendre à être citoyen, pour apprendre à gérer une ville. A quand le jumelage d’Oran et d’Adelaïde? A quand un vol direct Oran-Adelaïde? Adelaïde, au secours.. !   Brahim Zeddour


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