Algérie - A la une

AD gladium
Par Sarah HaidarL'actualité : Thalassa consacre un reportage au littoral algérien dont la bande-annonce gonfle d'orgueil des millions de citoyens. Le chef de l'Etat fustige et menace l'opposition et la presse. Soufiane Djilali répond aux attaques de Amar Saâdani et tente de le ridiculiser du simple fait qu'il fut jadis drabki. Des centaines d'internautes se félicitent du boycott de «Constantine, capitale de la culture arabe» par certains artistes kabyles”'entre les paysages grandioses, les diatribes de café maure déguisées en discours politiques et l'ethnocentrisme agressif, l'actualité ressemble à une bande dessinée d'un gars qui s'ennuie. D'abord, de nombreux Algériens ressentent une fierté incommensurable, orgasmique et vont tous s'agglutiner devant leur télé pour admirer la beauté de leur pays à travers la caméra d'une chaîne française. Pendant une heure, beaucoup mettront de côté leur méfiance naturelle de tout ce qui se dit dans les médias français sur l'Algérie ; beaucoup penseront que cette France qui nous a colonisés durant 132 ans, qui veut semer le chaos chez nous, qui légalise le mariage homo et qui persécute les musulmans, n'est finalement pas aussi pourrie que ça puisqu'elle vient de nous consacrer un reportage sympa qui glorifie notre sublime littoral. Ainsi, ces images éblouissantes de beauté signent enfin la reconnaissance de cet Autre tant haà? et tant désiré envers notre merveilleux pays ; une victoire contre tous les ennemis réels ou imaginaires de l'Algérie, une preuve que nous vivons sur un paradis terrestre et que tout ce qui se dit en ce moment, à l'intérieur comme à l'extérieur, est l'expression d'une jalousie ou d'une malveillance”? Curieusement, c'est dans ce même paradis qu'un message présidentiel utilise des termes invraisemblables pour rappeler à l'ordre certains rabat-joie déguisés en hommes politiques, lesquels, évidemment, sont les représentants de la maléfique main étrangère qui, entre deux reportages contradictoires, veut détruire cette belle contrée tranquille et florissante. Et puis, une querelle par médias interposés entre Amar Saâdani et Soufiane Djilali donne à peu près ceci : l'un accuse l'autre de ne représenter que sa personne et de n'avoir aucune assise réelle au sein du peuple ; ce à quoi l'autre réplique que lui, au moins, a fréquenté l'université algérienne et n'a jamais été drabki ni danseur ! Autrement dit : l'argument politique consiste ici à utiliser l'ancienne carrière artistique de l'adversaire pour remettre en cause ses compétences car, comme tout le monde le sait, l'art en Algérie est encore plus honteux que la corruption ! Enfin, plusieurs artistes kabyles annoncent leur boycott de «Constantine, capitale de la culture arabe» sans pour autant préciser s'ils ont été invités ou s'ils devancent simplement la proposition en tranquillisant leurs fans effarouchés par le mot «arabe» ! Etrange car l'un d'entre eux n'a pas hésité une seconde à participer à l'Année de l'Algérie en France en 2003, événement propagandiste, alors que venaient d'être tués une centaine de manifestants kabyles désarmés. Autant dire que l'engagement change souvent de consistance : en trente ans, nous sommes passés d'un Ferhat dont les concerts étaient de véritables meetings politiques et d'un Matoub tombé sous les balles d'un commando estampillé terroriste, à un boycott d'une manifestation culturelle motivé par la simple mention «arabe» dans son intitulé”? L'engagement a maigri et a pris un sacré coup de vieux mais surtout une connotation vulgaire puisqu'il aurait pu imposer à tous ces artistes de ne plus mettre les pieds sur une scène officielle depuis le massacre de 2001. Or, c'est autrement plus facile de surfer sur la vague de l'anti-arabe primaire et de niveler le débat par le bas”'voilà donc l'actualité : un mélange de béatitude triviale, de misère politique et de noble combat transformé en querelle ethnique”? Mais peu importe : nous avons un littoral que le reste du monde nous envie et nous le découvrirons tous ensemble sur une chaîne télé !S.'h.


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