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Rachid Bouchareb. Réalisateur du film Indigènes « Toutes les scènes du film sont réelles, chaque personnage existe »


C’est à la résidence de l’ambassadeur de France que nous avons pu accrocher Rachid Bouchareb, à Alger, pour la sortie de son film Indigènes. Il ne s’attardera pas sur l’absence des comédiens, dont Djamel Debouze à qui on a refusé le visa. Pour lui, le plus important est que le film soit vu par un maximum d’Algériens… pour que l’histoire soit mieux connue, pour que les Algériens replongent dans leur passé… A lui la parole.
A la projection presse, les réactions étaient mitigées. Certains ont estimé que vous avais mis en valeur les « indigènes » qui se sont enrôlés pour combattre les nazis pour l’argent et l’amour de la patrie, mais pas ceux qui l’ont fait pour les promesses de liberté, proférées par le gouvernement français…

Tout est dit dans le film à travers les dialogues. Certains sont partis pour l’argent, d’autres pour voir du pays, c’est ce que j’ai retrouvé dans le travail d’archives. Ces gens, je les ai rencontrés, j’en ai vu plus d’une centaine, en Algérie, au Maroc, au Sénégal, en France… Ils m’ont tous raconté leur vie, les Algériens en particulier, ceux qui ont épousé des Alsaciennes, des Marseillaises, ceux qui sont rentrés en Algérie et qui ont vécu Sétif, ceux qui voyaient un destin meilleur en France… dans le film, il y a tout ce qu’on m’a raconté, moi je n’ai rien inventé. Le personnage d’Abdelkader, à travers son discours sur la liberté, l’égalité, la justice, représente ceux qui sont partis se battre pour la liberté. Abdelkader, c’est le révolutionnaire, c’est Benbella, ceux qui ne l’ont pas compris doivent revoir le film. Tout est dans les dialogues ! A part retranscrire des témoignages au cinéma, je n’ai rien fait d’autre. Toutes les scènes du film sont réelles, chaque personnage existe.

Concernant les acteurs, comment s’est fait votre choix ?

Avant de faire le film, j’ai été voir les quatre acteurs et je leur est demandé s’ils étaient intéressés de jouer dans un film sur la seconde guerre mondiale, ils ont été tout de suite d’accord. Pour moi c’était formidable, ils vont se retrouver en uniformes avec des armes, ça raconte un peu l’histoire de leurs arrière- grands-pères, j’ai retrouvé leurs actes de décès, stipulant qu’ils sont morts sur le champ de bataille en 14-18. Tout le monde peut faire l’expérience, il suffit d’aller sur le site du ministère français de la Défense, pour retrouver des noms.

La mise en scène d’Indigènes est stupéfiante, comment s’est passé le tournage ?

C’était difficile tous les jours, mais c’était un tel plaisir, je savais que j’étais en train de faire plus qu’un film, un témoignage fort. On était tous émus, on savait que ce n’était pas que du cinéma. On était en train d’ouvrir un chapitre de l’histoire, méconnue par le peuple français et même en Afrique du Nord. On savait qu’on allait provoquer un choc. On a lancé sur internet (indigene-lefilm.com) un appel fait par des associations, avec l’avis de le télécharger et de l’envoyer au président français J. Chirac. En trois semaines, 60 000 personnes l’ont téléchargé et envoyé. Une vraie machine ! Il fallait que l’injustice soit réparée. Et ça a marché !

Et vous pensez que quelque chose pourrait se passer ici aussi ?

Je ne sais pas, mais on en a bien besoin. Besoin de connaître l’histoire de ces hommes, remonter plus loin, savoir que sous Napoléon, beaucoup d’Algériens ont également servi.

Pour en revenir au film, le panneau aurait très bien pu signer la fin…

S’il s’arrête sur le panneau il n’y a plus de débat. Il fallait qu’on voit que ce n’est pas fini, qu’on attend une réponse et une solution. C’est pour ça je voulais aller en 2006, pour qu’on voit que ces hommes sont encore là, certains encore en vie, qu’ils attendent depuis 47 ans qu’on leur donne une reconnaissance et leurs soldes. Si je finis en 45, il n’y a pas de lien à aujourd’hui, et pas de débat politique.

Et votre prochain film ?

Je compte faire la suite historique : le 8 mai 1945, la guerre d’Indochine. J’ai déjà recueilli beaucoup de témoignages. Ce ne sera pas pour tout de suite, là je suis en vacance pour un an ou plus. Je ne suis pas pressé, je veux faire un film dont je suis sûr de l’histoire. Il me faut deux à trois ans pour faire un bon scénario et donc, faire un bon film.


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