Alger - Revue de Presse


Suite et fin Ce qui nous amène à la conclusion que «La démocratie n?est en fait qu?une ligne d?horizon politique, un idéal (au sens strict du terme) vers lequel tendent des méthodes de gouvernement, car dans les faits, aucun système politique n?est complètement démocratique car un tel type de gouvernement supposerait une information totale et transparente, un niveau d?éducation et/ou d?instruction homogène dans la population citoyenne, l?empêchement constitutionnel de tout abus de pouvoir voire de tout risque de concentration des pouvoirs...» C?est sans doute ce qui a fait dire à Winston Churchill: «La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes.»(http://fr.wikipedia.org/wiki/Pensée_démocratique)Pour ce qui est de l?expérience algérienne et jusqu?aux événements d?octobre 1988, l?Algérie se proclamait, à l?instar des démocraties populaires, comme une république démocratique et populaire, mais étions nous véritablement un pays démocratique ? Quand on sait que la démocratie se fonde essentiellement sur le multipartisme, l?égalité réelle et concrète de tous les citoyens devant les choix de société, sur la garantie effective des libertés fondamentales, notamment: liberté de conscience et de culte, liberté d?expression, liberté de réunion et d?association, liberté de la presse, absence d?arrestations arbitraires, l?existence d?un système judiciaire basé sur des lois librement établies par le peuple ou ses représentants et respectées par le gouvernement et ses administrés, égalité devant la loi, un système judiciaire indépendant. Quand on sait aussi qu?une démocratie populaire est avant toute chose une dictature, la dictature d?un parti unique, l?absence de multipartisme, ce qui empêche la constitution d?une opposition libre. Quand on sait qu?une démocratie populaire c?est aussi l?absence de liberté d?expression, de liberté de réunion et d?association, de liberté de la presse. Quand on sait que le régime algérien a été basé, depuis le coup d?état de 1965 appelé pompeusement « redressement historique », sur la domination d?un parti unique et l?interdiction des autres partis, et sur l?absence de contrôle populaire des dirigeants de l?état et de l?économie et qu?à l?instar de toute les démocraties populaires, le régime algérien a, depuis son instauration en 1965, pratiqué la pensée unique, le parti unique, le syndicat unique, l?association de la jeunesse unique, la presse unique et j?en passe, nous savons à quoi nous en tenir.Depuis cette date et jusqu?à l?explosion sociale d?octobre 1988, le système F.L.N a régné sans partage, un système hermétiquement clos, un système dans lequel, même l?histoire, comme l?écrit Benjamin Stora : « a été massivement utilisée pour justifier le sens d?une orientation politique_ Selon Benjamin Stora, le passé se reconstruit sans cesse pour structurer un présent où règne un parti unique. Pendant ce temps, la mémoire de la révolution algérienne part en lambeaux. Mémoire de ceux qui ont fait cette révolution comme mémoire du fait révolutionnaire lui-même, acte fondateur de la République algérienne. Le passé ne sert plus d?explication du présent, pour élargir les champs des possibles, mais recouvre le présent pour faire disparaître le futur. » STORA Benjamin Messali Hadj : le retour d?une figure (http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie/communication.php3? id_article=256).Beaucoup de choses ont été dites sur le règne de ce système, beaucoup d?écrits ont tenté de mettre en exergue la faillite de ce système de gestion dans lequel le clanisme, le clientélisme et le népotisme ont été érigés en mode de gouvernance et de partage de la rente. Un système qui s?est maintenu sous perfusion à grand renfort de pétrodollars jusqu?au jour où cette manne, cette rente a commencé à s?effriter poussant ce système à son écroulement vers la fin des années 80. La chute des cours du pétrole ainsi que la baisse de la valeur du dollar ont fini par venir à bout de la belle unité apparente de ce système. Lakehal (1992, p.268) parle d?échec dans le combat pour l?indépendance économique et culturelle après trente années d?expérience, échec qu?il attribue aux trois tares des jeunes nations qui sont selon lui : « le populisme, formidable arme du despote ; la bureaucratie, ingénieuse astuce du tricheur ; et la corruption, coutume ancestrale du traître».Certes, si on peut dans une certaine mesure attribuer l?effondrement de l?état F.L.N. à l?effondrement économique induit par l?effondrement des cours du pétrole et de la baisse drastique du cours du dollars qui a mis à nu l?ampleur de la décadence de ce système, cela n?explique cependant pas le déchaînement de la violence qu?a connu le pays par la suite. Si le problème était seulement économique on n?aurait certainement pas assisté à un tel effondrement de l?état et à une telle désagrégation des valeurs sociales et culturelles.Il se trouve que la situation qu?a vécu l?Algérie et qu?elle continue à vivre encore aujourd?hui ne peut s?expliquer seulement par l?économique. Ce qui a le plus contribué à l?effondrement de ce sytème c?est l?abscence totale de concertation sociale, l?abscence d?osmose entre le peuple et ses dirigeants. Un peuple mis totalement à l?écart, un peuple qui n?a malheureusement toujours été considéré que comme une abstraction et non comme «source de tout pouvoir»comme le veut une véritable démocratie. Rousseau écrivait dans son ouvrage «Du contrat social» «que le fondement même de l?existence du peuple repose sur le contrat social. En termes kantiens on peut dire que le pouvoir politique dans la mesure où il repose sur le contrat social est la condition de possibilité de l?existence du peuple en tant que peuple et non en tant que simple agrégation. « (...) Cet acte d?association produit un corps moral et collectif, composé d?autant de membres que l?assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. » La question de la légitimité d?un pouvoir reposant sur le contrat social ne se pose donc plus. L?autorité politique n?est en effet plus une violence faite au peuple mais ce qui lui permet d?exister. »Aucun système politique ne peut donc se maintenir sans ce contrat social dans lequel un peuple accepte, comme l?écrit Rousseau, de s?aliéner à une autorité parce qu?il se sait à l?origine des lois et qu?il peut les changer. Pour Rousseau, c?est donc le peuple qui est la source de tout pouvoir, il est le « souverain ». Et c?est parce qu?il est souverain que le peuple, ne se soumet jamais à des lois s?il ne les a pas lui-même voulues. En effet, aucun système social ne peut se maintenir sans l?adhésion consciente et volontaire des citoyens à partir d?un contrat social qui établi pour toutes ses composantes une réelle égalité des droits et des devoirs. Dans cette situation, nous ne sommes plus dans le cadre d?un acte de soumission mais, comme l?écrit Rousseau, en face d?un acte de souveraineté, qui n?est pas « une convention du supérieur avec l?inférieur, mais une convention du corps avec chacun de ses membres : Convention légitime, parce qu?elle a pour base le contrat social, équitable, parce qu?elle est commune à tous, utile, parce qu?elle ne peut avoir d?autre objet que le bien général, et solide, parce qu?elle a pour garant la force publique et le pouvoir suprême. Rousseau ajoute que tant que les sujets ne sont soumis qu?a de telles conventions, ils n?obéissent à personne, mais seulement à leur propre volonté...» (Rousseau, 1966, p. 70).  La chute des cours du pétrole ainsi que la baisse de la valeur du dollar ont fini par venir à bout de la belle unité apparente de ce système.  Aucun contrat social n?est donc possible en l?absence de cet acte de souveraineté qui permet aux citoyens d?adhérer pleinement et sciemment aux conventions qu?ils auront établies d?un commun accord. Cependant, cet acte de souveraineté, ne peut être que si à la base il y a une réelle osmose sociale, qui n?est pas seulement une osmose horizontale, c?est-à-dire une osmose qui concerne seulement les différentes composantes de la société, mais aussi et surtout, une osmose verticale, c?est-à-dire une osmose entre toutes les structures et hiérarchies sociales et notamment entre le peuple et ses dirigeants, osmose qui permet au peuple, au souverain, de participer activement à la gestion sociale et politique de la « Cité », une osmose verticale qui permet à chaque membre, à chaque citoyen d?être éligible à un poste de souveraineté. Sans cette participation citoyenne active, sans cette implication citoyenne directe par le biais de l?éligibilité et du suffrage universelle qui sont les seules conditions pouvant permettre à tout citoyen de postuler et même d?accéder à n?importe quelle magistrature, y compris la magistrature suprême, le mot démocratie ne resterait qu?un vain mot.C?est donc pour toutes ces raisons que le système FLN, s?est désagrégé, s?est disloqué et a fini par donner naissance à une crise politique et sociale sans précédent dans l?histoire de notre pays. C?est parce que ce système a toujours fonctionné en vase clos, excluant toute participation populaire et toute concertation. C?est parce que le personnel politique de l?époque à refusé toute idée de partage du pouvoir et de renouvellement des élites dirigeantes. C?est parce qu?il a refusé au peuple, seul véritable détenteur de la souveraineté, de participer activement à la gestion social et politique du pays. C?est parce que ce peuple a été marginalisé, méprisé piétiné qu?il a fini par se révolter d?où l?explosion d?octobre 88. Pourquoi dans les grandes démocraties nous n?assistons presque jamais à une contestation aussi radicale du pouvoir. La réponse et simple, les mécanismes qui régulent la société : droit de grève, élection libre, multipartisme réel et efficace, participation et implication citoyenne dans le renouvellement des élites politiques (les exemples de la Pologne et du Brésil sont édifiants à plus d?un titre puisque des syndicalistes, des enfants du peuple, un électricien et un ouvrier métallurgiste sont arrivés à se faire élire à la magistrature suprême de leurs pays). Si dans ces sociétés, il n?y a presque jamais de contestation radicale, c?est donc tout simplement parce que le peuple, le souverain, reste malgré tout la seule et véritable source du pouvoir, c?est parce que les élections et le suffrage universel ne sont pas un vain mot et ne sont pas manipulable. C?est parce que les citoyens ont confiance dans le fonctionnement de leur démocratie. Ils savent pertinemment qu?en dernière instance la parole leur revient pour faire et défaire les hommes politiques qui n?ont aucun moyen de manipuler les urnes. Ils savent aussi que le suffrage universel est une réalité tangible et à ce titre l?exemple du Venezuela mérite d?être cité avec le refus du peuple de suivre le Président Chavez dans son désir de révision constitutionnelle pour accéder éventuellement à une troisième magistrature. Ce refus ne veut nullement signifier que les vénézueliens n?aiment pas Chavez. Je crois même que c?est le président le plus charismatique et le plus populaire que ce pays ait jamais connu. En refusant de suivre Chavez dans cette aventure, les vénézueliens, ont tout simplement démontré qu?ils sont plus attachés à la démocratie qu?au charisme de leur président. Même Poutine n?a pas essayé de s?attaquer à une révision constitutionnelle malgré son désir de rester président parce qu?une révision constitutionnelle est toujours lourde de conséquences. En effet, quel crédit politique aurait une nation, si celle-ci change de constitution comme on change de chemise. Si cela est, qui empêcherait demain n?importe quel président de changer et d?adapter la constitution à ses convenances. Une constitution doit être inviolables. Du moins certaines de ses dispositions, notamment celles qui consacrent la démocratie et l?alternance au pouvoir. Parce que sans alternance au pouvoir, il n?y a point de démocratie.Pour conclure nous dirons que si octobre 88 a été un sursaut salutaire, une révolution, un « ras le bol » contre un système fait de népotisme et de corruption est dans lequel il n?y avait de place que pour les caciques du régime. Et même si ce sursaut salutaire a permis l?instauration de la démocratie et du multipartisme en Algérie, démocratie qui reste encore à parfaire et qui demeure, qu?on le veuille ou non, l?une des plus grandes victoires et l?un des plus grands acquis de la société civile algérienne depuis l?indépendance du pays à nos jours, il reste que le chemin vers une vraie démocratie, une démocratie qui ne serait plus un vain mot, mais une réalité palpable et tangible est encore long et semé d?embûches. Ce qui se passe aujourd?hui, en effet, ne nous encourage guère à l?optimisme et nous pousse à croire qu?aucune leçon ne semble avoir été tirée de certaines pages malheureuses de notre histoire. Encouragés par l?extraordinaire embellie financière due à l?envol des cours du pétrole sur les marchés internationaux, les démons du passés sont entrains de resurgir et les mêmes réflexes sont entrains de se remettre en place. Les mêmes errements, les mêmes atermoiements, le même refus d?écouter, de dialoguer, le même mépris affiché à l?égard des revendication socioprofessionnelles et de la société civile dans son ensemble sont entrain de se répéter. Tous les ingrédients qui ont mené à octobre 88 et par la suite à la fameuse décennie noire sont entrain de se reconstituer. Le parti unique est entrain de refaire peu à peu surface par le fait d?une classe politique qui ne pense ni au bien être de ce peuple ni à la pérennité de ses institutions, une classe politique dont la survie immédiate est la seule préoccupation. Machiavel n?aurait pas fait mieux, lui qui nous décrit tellement bien dans son ouvrage « Le prince » (Bordas, 1990) cette situation de réalisme politique qui consiste à voir l?homme tel qu?il est, passionné et avide lorsqu?il est question de politique, et pour qui il est impossible de prendre et de conserver le pouvoir si l?on n?est pas à la fois «renard et lion».De ce point de vue, nos hommes politiques semblent avoir été à bonne école et c?est ainsi qu?une nouvelle constitution dont on ne connaît pas encore les vrais tenants et aboutissants est entrain de se concocter dans un silence assourdissant, une constitution dont le peu d?information qui en a filtré n?est pas fait pour nous rassurer et nous fait craindre le pire pour l?aventure démocratique algérienne, aventure qui pourrait n?avoir été en définitive qu?un intermède le temps que le pouvoir se ressaisisse aidé en cela par cette nouvelle embellie financière qui lui permettra sans nulle doute, encore une fois, de se remettre en selle. C?est comme si l?histoire est entrain de se répéter, cependant, et si c?est le cas, il faut tirer les leçons de cette histoire, toutes les leçons et méditer cette citation de Winston Churchill, encore lui : « Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur ». * Université Mentouri Constantine



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