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Nos universités Juste un mot



Nos universités                                    Juste un mot
C'est volontairement que nous empruntons notre titre au réalisateur soviétique, Marc Donskoï, qui avait, à la fin des années trente, adapté au cinéma l uvre littéraire magistrale de Maxime Gorki, sa célèbre trilogie : L'enfance, En gagnant mon pain, Mes universités.
A l'heure de cette rentrée une grande peine nous envahit, lorsque nous constatons que ni nos enfants, ni nos étudiants ne peuvent ni lire ces livres ni voir ces films, car il ne reste presque plus de librairies et surtout de cinéma dans notre pays... c'est dommage !
Nous aimerions aussi parler, en ces jours de rentrée universitaire, de notre vie d'étudiant à Alger, dans les années soixante. C'était une vie simplement normale mais tellement agréable. Nous évoquerons, avec un brin de nostalgie, la cité universitaire de Ben Aknoun, que nous appelions «Cuba». Nous habitions là, dans des chambres individuelles, avec toilettes et douches et des agents compétents «faisaient nos chambres» chaque matin. Nous tenons à rappeler cela, car nous ne pouvons imaginer ni accepter, qu'aujourd'hui, des étudiants logent dans ces mêmes chambres à six, voire à huit. Une question angoissante nous taraude souvent l'esprit : comment peuvent-ils travailler sans table aucune dans leurs «piaules» '
Rappelons aussi que la cité était mixte, avec pavillons pour garçons et pavillons pour filles, séparés certes, et que nous n'avions jamais connu ni violence ni agression et encore moins de viols, comme l'avait affirmé sans rougir et toute honte bue un haut dirigeant politique de l'époque, Gaïd Ahmed, patron de l'appareil du parti. Il avait en réalité inventé et utilisé cet énorme mensonge pour interdire la mixité dans les cités universitaires, ce qui est malheureusement toujours le cas encore aujourd'hui. Cette décision lamentable représente, de notre point de vue, l'un des premiers signes indicateurs de la régression. Au risque de rendre jaloux nos étudiants actuels, disons leur aussi que la cité comportait un pavillon pour étudiants mariés. Tous ces pavillons étaient séparés par des jardinets et des terrains de sport. Les rosiers grimpaient jusqu'à nos balcons'
Le restaurant, installé en plein milieu de la cité, nous accueillait comme un restaurant normal, sans bousculade ni chaîne. Lorsque nous apprenons que nos étudiants, aujourd'hui, passent des heures avant de recevoir leur plateau, une immense tristesse nous envahit. Ont-ils droit, comme nous à l'époque, au café de «âmi Saïd», que nous dégustions après le repas sur la belle pelouse entourant le foyer de la cité. Ce foyer, espace d'activités et de rencontres, nous recevait chaque semaine, en soirée, pour un film, une conférence ou un spectacle. Comment oublier le double tour de chant de Taous Amrouche, celui d'Idir, de Djamel Allam ' Les représentations théâtrales de Slimane Benaïssa ou de Abdelkader Alloula ' Les conférences de Mouloud Mammeri ou de Bachir Hadj Ali ' Les films empruntés à la cinémathèque, présentés et animés par les membres du ciné-club ' Et, en fin d'année, le bal des étudiants de médecine ou de pharmacie '
Les week-ends, nous nous retrouvions tous pour admirer et supporter nos magnifiques équipes de foot, de hand ou de volley. Les cours étant dispensés à la fac centrale, les transports étaient assurés avec une régularité presque parfaite. Tous les étudiants de l'époque auront sûrement la larme à l il en se rappelant le bus de 23h30, au sein duquel officiait «Errouji», le receveur. Il nous ramenait de la Grande-Poste à Ben Aknoun, et n'avait jamais une seconde de retard. Ce bus était d'autant plus important pour nous qu'il nous recueillait après le film de 21h, projeté dans l'une ou l'autre des nombreuses salles de cinéma d'Alger. Nous avions même le temps de prendre un dernier verre au bar Le Coq en compagnie de Jean Sénac, ce «poète fou» qui ne quittait jamais sa gandoura et qui aimait tant bavarder avec les étudiants. Pour clore cet inventaire mémorable, il nous faut ajouter que nous lisions Le Monde dans le bus.
Si nous nous permettons de dire tout cela aujourd'hui, c'est surtout pour redonner confiance et espoir à nos étudiants et aussi nous poser la question : comment un pays si riche peut-il abandonner ses enfants aujourd'hui' Notre espoir, qui ne nous quitte jamais, est qu'avec la nouvelle rentrée et la nouvelle équipe gouvernementale les choses commenceront à changer enfin. L'autre espoir, petit celui-là, et que les parents qui ont apprécié notre texte le refilent à leurs enfants.
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