Alger - Revue de Presse

Les barbes atteignent les cerveaux



Dans un pays où l'économie ne crée pas d'emplois, il s'agitd'une emploi nouveau : chasseur de signes. Lesquels ? Ceux supposés de lachristianisation dite en plein essor en Algérie et ceux de l'Occident qui «hait l'Islam et nous jalouse une religion » révélée pour tous mais arabisée endouce et privatisée au fil des siècles. Un chasseur de signes n'est pas donc unislamiste type, ni un fanatique actif ni un musulman traditionnel. C'est justeun oisif idéologique et économique qui s'habille de tout cela et se lève chaquematin pour surveiller les géométries, prendre des photos et les envoyer auximams et aux journaux. D'où ces photos publiées dans certains journaux avec descommentaires surréalistes. Un poteau sous la forme d'une croix, un stylofabriqué dans le même genre, un protège-cahier avec la croix de David, un jouetcapable d'une christianisation subliminale... etc. Dernières trouvaillessignalées par les chasseurs de signes : une moquette de voiture qui ressembleau tracé du nom de Dieu et un poster pour enfants avec des étoiles en arrière-fondet le dessin d'une fillette comptant jusqu'à six. Interprétation : il s'agitd'une manoeuvre sournoise d'un fabricant de tapis de voiture pour souiller lenom divin et du « six » de l'étoile de David, donc du « sionisme internationalqui veut nous voler notre religion ». En Algérie, cette chasse des signes enest devenue une maladie collective, honteuse et ridicule. A en suivre lachronique on en éprouve de la pitié : c'est si insultant de voir l'intelligencede tout un peuple consacrée à interpréter la géométrie par la paranoïa et àfaire croire que l'Occident qui nous colonise par les estomacs, les satellites,les armes et les concepts, va s'attarder à nous coloniser par des tapis devoiture et des dessins scolaires. C'est croire que l'Occident est aussi idiotqu'on l'est soi-même et croire que l'on peut sauver ses croyances rien qu'ensurveillant les poteaux. Bien sûr ce comportement n'est pas nouveau : lorsqu'onchasse les mal voilées, puis les couples, puis les barbes, puis les étrangers, onfinit toujours par tomber malade. Collectivement, en vrac, esprits, Etat etjournaux compris.Le plus amusant dans cette maladie de l'âme qui n'existeplus, est dans l'histoire de ces signes : il y a une décennie, la mode était àla découverte du nom d'Allah sur le dos de quelques poissons, en regardant lesbranches d'un palmier sous un certain angle et sur lefront de quelques veaux miraculeux. La mode est aujourd'hui dans la découvertedu nom Divin dans les produits manufacturés de l'Occident. La conclusion ? Unbon partage : la nature est pour « nous », la technologie est contre « nous ». Dieus'affirme dans la nature, l'Occident dans la technique. Le chasseur de signesn'en tire pas la conclusion qu'il lui faut maîtriser la technologie etrespecter la nature. Le passage de l'âge de la cueillette à celui de lafabrique ne se fait pas. Il y a même régression de l'âge de la cueillette verscelui de la chasse, du présage et de la machette. C'en est affreux à vivre à etpartager malgré soi. Résumer une religion à ces infantilismes ne vaut pas mieuxque la résumer à un court-métrage banal comme celuisigné par un député néerlandais d'extrême droite. Les caricatures ne sont pasuniquement danoises. Elles peuvent être locales, de chez nous et avec le mêmeeffet risible et la même dose d'insultes faite à certains hommes et à leurscroyances.Croire résumer une religion dans une caricature étant aussiidiot que de croire que Dieu s'adresse aux hommes par le dos des poissons etpas par la voie des coeurs.



Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)