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Le Recteur de la Grande Mosquée de Paris au Soir d’Algérie :«Renforcer l’identité algérienne dans le monde»



Le Recteur de la Grande Mosquée de Paris au Soir d’Algérie :«Renforcer l’identité algérienne dans le monde»
Publié le 23.03.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MAYA ZERROUKI

Entretien réalisé par notre correspondante à Paris,
Maya Zerrouki

La Grande Mosquée de Paris s’active comme à l’accoutumée afin de répondre aux demandes spécifiques de ses fidèles en ce mois sacré de Ramadhan. Intervenant sur plusieurs fronts entre l’organisation des prières de tarawih, des repas solidaires en passant par le projet de traduction du noble Coran, le recteur Chems-Eddine Hafiz nous révèle les coulisses d’une organisation qui vise à donner à cette prestigieuse institution son véritable esprit cultuel, culturel et solidaire.

Le Soir d’Algérie : En ce début du mois sacré de Ramadhan, la Grande Mosquée de Paris redouble ses activités et ce, sur plusieurs fronts. Quels sont les principaux évènements à retenir ?

Chems-eddine Hafiz : Tout d’abord, nous marquons l’organisation des prières de tarawih. C’est une tradition qui est très appréciée par la communauté musulmane, puisque près de 7 000 fidèles sont au rendez- vous tous les soirs et dans toutes les mosquées de France.
La nouveauté est que cette année, nous avons pu faire venir des imams d’Algérie en contrat de courte durée pour accompagner les fidèles pendant les prières de tarawih.
Il faut savoir que depuis le 31 décembre 2023 et sur décision du président Macron, il n’y a plus d’imams détachés en France. La dernière promotion d’imams venus d’Algérie était en septembre 2021, ils étaient 59 pour une durée de 4 ans. Au total, 120 imams étaient venus exercer en France à partir de Turquie, du Maroc et d’Algérie pour accompagner les fidèles dans l’exercice de leur foi.

Ces imams viennent donc en renfort ? Ils ont donc un statut particulier ?

Oui car nous manquons cruellement d’imams formés en France. Nous recensons 1 000 imams seulement pour 2 600 lieux de culte ! Nous avons reçu 110 imams de différentes régions d’Algérie pour ce mois de Ramadhan pour un mois avec un visa de courte durée. Bien évidemment, nous vérifions le niveau de formation, les orientations… Oui, c'est un statut particulier et nous sommes heureux de proposer à nouveau cette prestation à nos fidèles.

Le mois de Ramadhan marque également un grand élan de solidarité avec les démunis notamment à la rupture du jeûne. Nous avons remarqué un impressionnant dispositif dans ce sens. Comment cela est organisé ?

C'est la fédération de la Grande Mosquée de Paris et dans toutes les régions de France qui unit ses efforts pour organiser les repas solidaires. J’ai donné instruction pour distribuer des repas dans toutes les gares et les lieux publics et pas uniquement dans les mosquées. Nous distribuons environ 600 repas jour. À Barbès par exemple, nous sommes aidés par l’association «Table ouverte» qui distribue ces repas chauds à tous les nécessiteux sans distinction de race ou de religion. Et c’est sur les fonds propres de la Grande Mosquée de Paris. Nous espérons réitérer l’expérience de l’année dernière où nous sommes intervenus dans 35 villes de France.

Un concours de récitation du Coran est lancé à nouveau cette année, quelle en est la particularité ?

Nous préparons en effet la 2ème édition du concours «Les chevaliers du Coran» qui est un concours de récitation par les jeunes et nous décernerons un prix au lauréat durant la nuit du destin au 27ème jour de ce mois sacré. Nous organisons ce concours avec une association en Algérie et avec le ministère algérien des Affaires religieuses. L’année dernière, nous avions retransmis cette cérémonie sur Radio Coran et cette année ce sera avec la télévision algérienne. D’ailleurs, une retransmission de la djoumoua a eu lieu en direct vendredi dernier sur toutes les chaînes de TV algériennes.

Vous êtes également sur un projet de traduction du noble Coran en français. Quel en est l’état d’avancement ?

C’est un sujet qui me tient vraiment à cœur. Il y a eu plusieurs candidatures et nous avons déjà sélectionné 4 traducteurs. 2 femmes et 2 hommes à qui nous allons faire passer des tests de niveau. En parallèle, nous mettons en place un conseil scientifique composé de théologiens et d’experts venus de plusieurs pays d’Europe comme le Danemark, l’Espagne, l’Autriche et la suède où un expert vient de réaliser une traduction de l’arabe vers le suédois et nous a donc fait part de son expérience. Nous sommes donc en phase de recenser toutes les personnes qualifiées pour rejoindre ce grand projet. Nous comptons lancer les premiers travaux après le mois de Ramadhan inchallah.

Avez-vous besoin de l’aval d’institutions comme la Ligue mondiale des pays musulmans pour valider cette traduction ?

En principe non. Mais bien évidemment, il faudra travailler avec les grandes institutions notamment saoudiennes et égyptiennes qui ont déjà travaillé sur des traductions du Coran. Il y a l’institut du Roi Fahd en Arabie saoudite qui a déjà fait des traductions dans toutes les langues actuellement usitées dans le monde.
Il y a cependant 3 points sur lesquels j’aimerais revenir en matière de traduction comme le statut de la femme, l’appel au meurtre et le racisme inter-religieux. Après de multiples recherches et de multiples échanges avec des experts et des théologiens, il me semble que les traductions actuelles ne sont pas conformes à l’original et font passer le Coran pour un texte sanguinaire et belliqueux. J’aimerais revenir sur ces notions avec les spécialistes et détecter les nuances cachées derrière un mot comme frapper ou tuer. Je doute fort que l’Islam qui est une religion d’amour et de bonté prône ce genre de pratiques. Cela pose un vrai problème de liberté de conscience d’adapter le Coran à notre époque actuelle. Comme vous le savez, l’Islam n’est pas une religion de guerre mais une religion de paix. C’est la religion du juste milieu.

Vous accompagnez également la vie des musulmans de France à travers la création d’associations et ou de soutiens à des associations existantes dans différents domaines. Quel en est la portée ?

Nous venons de créer l’association Awassir qui en bel arabe veut dire les liens afin d’accompagner la mosquée dans toutes ses activités culturelles et sociales. C’est une passerelle qui vient renforcer les liens entre la France et l’Algérie. Nous allons envoyer cet été 2 000 jeunes en colonie de vacances et 300 personnes âgées en cure thermale en Algérie. Il est important pour nous de renforcer ces liens et de trouver de l’aide auprès de personnes bénévoles et motivées.
Nous travaillons également sur l’enseignement de la langue arabe avec ce qu’elle peut véhiculer comme culture et identité algérienne. Nous avons constaté un grand déficit dans ce sens et la demande est palpable, y compris chez ceux qui ne pratiquent pas mais qui fréquentent la mosquée comme pour trouver un lien d’attache avec leur culture d’origine.
Notre ambition ne s’arrête pas là et nous pensons aussi à créer un lobbying pour fédérer les musulmans. Nous venons de lancer un conseil européen de coordination que j’ai baptisé Amel afin de regrouper les Algériens et travailler sur l’image de l’Islam et du musulman avec des experts, des imams, des muftis, des présidents d’associations de Suède, de Moldavie, de Croatie ou encore de pays d’Europe occidentale comme la France et la Grande-Bretagne.
Mon grand objectif est de renforcer l’identité algérienne dans le monde.
M. Z.

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