Alger - 07- Occupation Française

Le Putsch d'Alger de 1961 et les Manifestations en France


Le Putsch d'Alger de 1961 et les Manifestations en France
Contexte Historique
Le putsch d'Alger, également connu sous le nom de « putsch des généraux », est une tentative de coup d'État qui s'est déroulée du 21 au 26 avril 1961, en pleine guerre d'Algérie (1954-1962). Cette guerre, marquée par une lutte acharnée entre le Front de Libération Nationale (FLN) algérien et l'armée française, a profondément divisé la société française et l'appareil militaire. Après sept ans de conflit, l'opinion publique en métropole, lassée par les pertes humaines et les coûts économiques, aspirait à une résolution.
Le général Charles de Gaulle, revenu au pouvoir en 1958 à la faveur d'une crise politique liée à la guerre d'Algérie, avait progressivement évolué vers une politique d'autodétermination pour l'Algérie. Le 16 septembre 1959, il évoque pour la première fois le « droit des Algériens à l'autodétermination ». Le référendum du 8 janvier 1961, approuvé à 75 % par les électeurs en métropole et en Algérie, conforte cette orientation. Cependant, cette perspective est perçue comme une trahison par les partisans de l'Algérie française, notamment parmi les cadres militaires et les colons européens (pieds-noirs).
La goutte d'eau qui déclenche le putsch est la conférence de presse de De Gaulle le 11 avril 1961, où il déclare que l'Algérie deviendra un « État souverain » et que le conflit représente un fardeau économique pour la France. Ces propos, jugés provocateurs par les tenants de l'Algérie française, galvanisent une frange de l'armée prête à s'opposer par la force à la politique gaulliste.
Le Déroulement du Putsch
La Nuit du 21 au 22 Avril 1961
Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, quatre généraux en retraite – Maurice Challe, Edmond Jouhaud, André Zeller et Raoul Salan – orchestrent une prise de pouvoir à Alger. Soutenus par le 1er Régiment Étranger de Parachutistes (1er REP) et d'autres unités d'élite comme le 1er Régiment Étranger de Cavalerie (1er REC), les putschistes s'emparent rapidement des points stratégiques de la ville : le Gouvernement Général, la radio, l'aéroport, le Palais d'Été et l'état-major interarmées. Le général Fernand Gambiez, commandant en chef en Algérie, et Jean Morin, délégué général, sont arrêtés.
À 8h45 le 22 avril, Maurice Challe s'exprime sur Radio-Alger : « Officiers, sous-officiers, gendarmes, marins, soldats et aviateurs : je suis à Alger avec les généraux Zeller et Jouhaud et en liaison avec le général Salan pour tenir notre serment : garder l'Algérie ». Les putschistes proclament l'état de siège et forment un « Conseil supérieur de l'Algérie », dénonçant le « gouvernement de capitulation » de De Gaulle. Leur objectif est clair : relancer une offensive militaire contre le FLN pour « pacifier » l'Algérie et maintenir le territoire sous contrôle français.
Réaction en Métropole
À Paris, le gouvernement est informé dès la nuit du 21 avril grâce aux services de renseignement et à la police judiciaire d'Alger, qui surveillaient les préparatifs du putsch depuis des mois. Le général Jacques Faure, chargé d'organiser un coup de force à Paris, est arrêté dès le 22 avril, décapitant le complot en métropole. Le conseil des ministres proclame l'état d'urgence, et De Gaulle décide d'assumer les pleins pouvoirs en invoquant l'article 16 de la Constitution.
Le 23 avril à 20h, De Gaulle, revêtu de son uniforme militaire, prononce une allocution télévisée mémorable. Il qualifie les putschistes de « quarteron de généraux en retraite » et de « groupe d'officiers partisans, ambitieux et fanatiques », dénonçant leur entreprise comme un « pronunciamiento militaire » menant à un « désastre national ». Il ordonne à tous les Français, et en particulier aux soldats, de désobéir aux ordres des insurgés : « J’interdis à tout Français, et d’abord à tout soldat, d’exécuter aucun de leurs ordres ». Il conclut par un appel vibrant : « Françaises, Français, aidez-moi ! ».
Le même soir, le Premier ministre Michel Debré dramatise la situation en appelant les Parisiens à se rendre aux aéroports pour empêcher un éventuel débarquement de parachutistes putschistes : « Dès que les sirènes retentiront, allez-y à pied ou en voiture, convaincre des soldats trompés de leur lourde erreur ». Bien que cet appel soit perçu comme exagéré rétrospectivement, il reflète la crainte d'une extension du coup d'État à la métropole.
La Mobilisation Populaire
Le 24 avril 1961, une mobilisation massive s'organise en France métropolitaine en réponse au putsch. Les partis politiques, de gauche comme de droite, et les syndicats, notamment la CGT et la CFTC, appellent à une grève générale d'une heure et à des manifestations pour défendre la République. Des millions de salariés descendent dans les rues à Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux et dans de nombreuses autres villes, dénonçant la tentative de coup d'État etLes manifestations, qualifiées de « monstres » par les archives d’Ouest-France, réunissent des foules considérables, témoignant d’un large soutien à De Gaulle et à la légalité républicaine. À Paris, la ville est en quasi-état de siège, avec une forte présence policière et des civils prêts à obstruer les pistes d’aéroports pour empêcher toute action militaire.
En Algérie, l’appel de De Gaulle, relayé par les postes à transistor largement répandus, touche directement les soldats du contingent. Ces jeunes appelés, souvent indifférents à la cause de l’Algérie française, refusent de suivre les ordres des officiers putschistes. Certains avions ne décollent pas pour des « raisons techniques », et des unités restent dans leurs casernes, affaiblissant l’élan des insurgés. Cette « victoire du transistor » est considérée comme un facteur clé de l’échec du putsch.
L’Échec du Putsch
Dès le 24 avril, des fissures apparaissent dans le camp des putschistes. À Mers-el-Kébir, la Marine refuse de se joindre à la sédition, et les généraux de Pouilly et Gouraud, commandant respectivement l’Oranie et le Constantinois, rejettent l’ultimatum des insurgés. Bien que Gouraud se rallie temporairement, il se retire rapidement. Le manque de soutien des officiers de haut rang et l’hostilité des appelés fragilisent le mouvement.
Le 25 avril, face à l’isolement croissant et à la résistance en métropole, Maurice Challe invite les ralliés à regagner leurs cantonnements. Le putsch s’effondre après seulement quatre jours. Challe et Zeller se constituent prisonniers, tandis que Jouhaud et Salan entrent en clandestinité pour rejoindre l’Organisation Armée Secrète (OAS), un groupe terroriste pro-Algérie française. Le 1er REP, fer de lance du putsch, est dissous, et ses membres se replient au camp de Zeralda.
Conséquences
Répression et Amnistie
Challe et Zeller sont condamnés à 15 ans de détention, tandis que Jouhaud et Salan, jugés par contumace, écopent de la peine de mort, commuée en détention à vie par De Gaulle en 1962. Tous seront amnistiés en 1968, six ans après l’indépendance de l’Algérie. La dissolution du 1er REP et d’autres unités impliquées marque une purge dans l’armée française.
Accélération de la Décolonisation
Le putsch, loin de freiner la politique de De Gaulle, l’accélère. Un mois plus tard, des négociations avec le FLN s’ouvrent à Évian, aboutissant aux accords du même nom en mars 1962 et à l’indépendance de l’Algérie en juillet 1962. L’échec du putsch renforce également la présidentialisation du pouvoir sous la Ve République, De Gaulle consolidant son autorité face à l’armée.
Impact sur l’Armée et la Société
L’événement révèle les tensions entre le pouvoir politique et l’armée, qui s’était arrogé un rôle central en Algérie depuis le début du conflit. De Gaulle en profite pour réformer l’institution militaire, la redéployant vers des missions internationales et la dotant de la dissuasion nucléaire. En métropole, les manifestations du 24 avril 1961 témoignent d’une société française majoritairement acquise à la fin de la guerre, bien que profondément divisée sur la question coloniale.
Analyse et Héritage
Pour l’historien Guy Pervillé, le putsch avait peu de chances de succès en raison de la forte personnalité de De Gaulle, du soutien massif de l’opinion métropolitaine et de l’absence d’une perspective politique claire chez les putschistes. Maurice Challe, focalisé sur une victoire militaire rapide, sous-estime la complexité politique du conflit. L’implication supposée de la CIA, bien que controversée, ajoute une dimension internationale à l’événement, certains suggérant un encouragement américain à Challe pour contrer l’anti-atlantisme de De Gaulle.
Le putsch d’Alger reste un épisode clé de la guerre d’Algérie, illustrant les fractures profondes au sein de la France coloniale. Les manifestations du 24 avril 1961, en réunissant des millions de Français contre l’insurrection militaire, incarnent un moment de sursaut républicain, consolidant l’autorité de De Gaulle et scellant le sort de l’Algérie française.
Sources

Archives d’Ouest-France, 24 avril 2025
Lumni Enseignement, 29 juin 2023
L’Histoire, 21 avril 2021
Herodote.net, 29 août 2019
Wikipédia, « Putsch des généraux », 16 décembre 2002
Wikipédia (anglais), « Algiers putsch of 1961 », 16 décembre 2002
Cairn.info, « Le putsch (22-25 avril 1961) », 2021
Geo.fr, 19 avril 2021
Irénées, « Échec d’un coup d’État à Alger », non daté
Anadolu Ajansı, 21 avril 2022
Sud Ouest, 21 avril 2021
Encyclopædia Universalis, 29 janvier 2025
Publications sur X, 21-23 avril 2025


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