Le cours du pétrole du brent à Londres a clôturé ce début janvier 2008 à plus de 100 dollars le baril, suivi de la dépréciation du dollar dont l'euro dépasse 1,47 dollar un euro. Mais pour comprendre les déterminants du prix du pétrole, il est utile de rappeler que la consommation d'énergie a connu une évolution depuis que le monde est monde, surtout depuis la révolution industrielle à nos jours et que les différentes sources d'énergie sont en concurrence : charbon, pétrole, gaz, nucléaire, les énergies renouvelables dont le solaire, éolienne, géothermique. Et que le marché du pétrole est un marché mondial alors que le marché du gaz est plus segmenté (l'idée d'une OPEP gaz étant un projet non réalisable à court terme). Comme il est utile de préciser, qu'il faut manier prudemment les données sur le niveau des réserves du pétrole et du gaz (évitons des débats byzantins) qui dépend à la fois des découvertes substantielles tenant compte des nouvelles technologies, du rythme d'exportation actuel, de la consommation intérieure, des coûts importants et de l'évolution du prix de cession : un gisement peut être rentable à 70 dollars le baril et non rentable à 30 dollars, les gisements marginaux de pétrole pouvant être rentables à la différence des gisements marginaux de gaz s'ils sont éloignés des lieux de connexion. Aussi, cinq facteurs essentiels intimement liés me semblent être les fondamentaux de l'évolution du prix du brent, le prix du gaz étant indexé sur le cours du pétrole (1). 1. Le premier facteur fondamental qui explique l'envolée des cours du pétrole est premièrement l'expansion inégalée de l'économie mondiale. Les rapports du FMI et de la Banque mondiale de 2006/2007 constatent que les prochaines années verront une croissance mondiale soutenue tirée surtout par les pays émergents ayant atteint en 2006/2007 un niveau de croissance quasi-record de 7%. Et bien qu'il faille s'attendre à un ralentissement en 2008, cette croissance restera probablement supérieure à 6%, soit plus du double de celle des pays à revenus élevés, laquelle devrait s'établir à 2,6%. A cet effet, l'évolution du taux de croissance de l'économie mondiale, et notamment de la Chine (qui sera certainement la 3ème puissance économique mondiale, détrônant l'Allemagne fin 2008 risquant de devenir, le premier horizon 2030, actuellement la deuxième importatrice de pétrole/gaz) et de l'Inde (dont la population pour les deux pays approche les 30/35% de la planète), la croissance russe avec une forte consommation intérieure, influent le niveau du prix du brent du fait du déséquilibre offre/demande. Cette dynamisation de l'économie mondiale avec sa financiarisation accrue par la domination des actionnaires et des fonds de pension notamment américains, explique qu'elle a pu absorber ces hausses de prix sans incidences majeures, les pays les plus pénalisés étant les pays pauvres du tiers-monde. Les différentes concentrations des grandes compagnies des hydrocarbures, notamment les dernières fusions tenant compte du contrôle à l'aval des différents segments des arbres généalogiques du pétrole et du gaz, source de forte valeur ajoutée, et le contrôle par les compagnies des services qui seront soumis aux règles de l'OMC à l'horizon 2010, montrent clairement une maîtrise globale de ces hausses de prix à l'aval, laissant une fraction de l'amont aux pays producteurs de l'OPEP qui se cantonnent dans le brut ou le semi-brut. Des mécanismes ont été mis en place pour absorber cette hausse, mécanismes favorisés par le recyclage des pétrodollars qui s'investissent dans les pays développés contribuant indirectement comme les pays du Golfe à la croissance des pays développés. 2. La second raison liée à la précédente est à l'importance du niveau de consommation qui, tenant compte de la révolution technologique, serait selon certaines prospectives la suivante : la part du pétrole et du gaz passerait respectivement entre 2000 et 2040 de 40 et 22% à 20 et 25% avec le retour du charbon 25% expliquant la stratégie américaine à la fois de geler son exploitation de charbon dont les réserves prouvées uniquement en charbon sont le double en termes d'efficacité énergétique que les réserves d'Arabie Saoudite - et d'étendre son influence politique et militaire sur les régions à forte potentialités énergétiques (Moyen-Orient). Ainsi, la dépendance énergétique tant des USA que de l'Europe devrait passer de 50% à plus de 70% horizon 2020 avec l'entré de la Chine qui a importé pour plus de 45 milliards de dollars US annuellement d'hydrocarbures en 2006/2007. D'où d'ailleurs les rivalités économiques actuelles entre les USA et la Chine pour l'Afrique expliquant la position de cette dernière sur le Darfour, et expliquant la présence active des USA au Moyen-Orient, en mer Caspienne et en Irak. Concernant la place de l'approvisionnement en gaz de l'Europe de l'Algérie, il est utile de rappeler qu'en 2006 sa part représente 10%, 24% pour la Russie et 17% pour la Norvège et, selon un rapport récent de la commission de Bruxelles, cette part, si les tendances ne sont pas renversées entre 2020/2040, serait de 40% pour la Russie, 30% pour l'Algérie (sous réserve de nouvelles découvertes) et 25% pour la Norvège expliquant le dernier rapport de la commission de Bruxelles de vouloir atténuer cette dépendance tant vis-à-vis de Sonatrach que de Gazprom. Pour notre pays, l'objectif est une exportation de 85/100 milliards de mètres cubes gazeux, notamment à travers les réseaux Galsi et Medgaz, la construction de GNL, certes, permettant une relative indépendance, mais demandant du temps. C'est dans ce cadre que rentrent les grands projets comme le Nigal (gazoduc Nigeria - Europe via Algérie) nécessitant un financement de plus de 10 milliards de dollars US qui est toujours malheureusement en gestation et dont les tensions sécuritaires au Nigeria ne faciliteront pas la réalisation, ou la connexion des gisements tchadiens de gaz qui sont des projets structurants pour l'Afrique. Cela traduirait dans la réalité les objectifs du NEPAD, dont les réalisations concrètes sont actuellement loin des espérances. En fait, le contrôle de l'énergie au niveau mondial est au coeur de la stratégie géostratégique américaine (d'ailleurs chinoise et européenne) sous-tendant toute la stratégie militaire. Pour preuve, le Parlement américain, en juillet 2007, a voté une motion contre toute tentative de création d'un OPEP gaz, craignant qu'un cartel de gaz réunissant entre autres les plus grands producteurs potentiels, notamment la Russie, le Qatar, l'Iran, le Venezuela, aurait d'énormes conséquences pour son industrie d'armement affectant ses capacités de défense, car les substances issues du gaz sont largement utilisés dans l'industrie de l'armement comme les industries chimiques, plastiques et les matériaux composites. Troisième facteur, la stratégie des pays développés à travers les taxes sur les huiles, les lobbys influents aux USA, qui n'ont pas intérêt à un prix bas en deçà d'un certain seuil pour éviter la fermeture des puits marginaux, notamment au Texas, le stockage ou le déstockage et des capacités de raffinage qui sont faibles surtout lorsqu'on sait que la marge bénéficiaire est extrêmement réduite, expliquant la faiblesse de l'investissement. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les taxes des pays développés dans le prix final à la pompe peuvent représenter selon les pays développés entre 50 et 70%, ces Etats développés accaparant ainsi une fraction importante de la rente pétrolière et gazière pour alimenter leurs budgets. Et lorsqu'on cible que l'OPEP, la part de cette dernière (du fait de la situation en Irak qui constitue potentiellement la deuxième puissance exportatrice mondiale en termes de réserves de pétrole) représente en 2006/2007 environ 40% de la production commercialisée, les pays non l'OPEP représentant environ 60% - (Russie par exemple premier producteur de gaz et second dans le pétrole). Par ailleurs, cette envolée du prix du brent s'explique par le fait que les stocks d'essence aux USA, en cette période de forte consommation, sont faibles. Quatrième facteur, les phénomènes boursiers spéculatifs et les tensions géopolitiques dont le bouclier antimissile américain en Europe et la réponse de la Russie à travers la stratégie de Gazprom, certaines tensions avec les ex-républiques soviétiques où transite le gaz russe, au Moyen Orient et avec l'Iran sur le nucléaire, porte de l'Asie, puissance régionale à terme, grand producteur, influençant certains pays riverains à grandes potentialités énergétiques (chiites) et surtout contrôlant une grande partie du passage maritime des exportations des hydrocarbures des principaux pays du Golfe à travers le détroit d'Ormuz, dont les réserves mondiales sont de plus de 60% de la planète. Sans oublier les conflits internes au Nigeria, ce pays produisant, selon l'Agence internationale de l'Energie dans son dernier rapport 2007, moins de 2 millions de barils/jour accusant un déficit de plus de 800.000 barils/jour. Cinquième facteur, la valeur réelle du brent en termes de parité de pouvoir d'achat par la prise en compte tant de l'inflation mondiale que des fluctuations du dollar et de l'euro qui ont des répercussions directes sur la valeur monétaire, lorsqu'on sait que ces six dernières années le dollar s'est déprécié d'environ 47% par rapport à l'euro, l'Algérie exportant son pétrole et gaz en dollars et important de l'Europe plus de 60% en euros. Ainsi et sans prise en compte de l'inflation mondiale, un cours de 100 dollars le brent représente en réalité 53 dollars en termes de parité de pouvoir d'achat en euros et 100 milliards de dollars de réserves de change 53 milliards d'euros. L'envolée des prix de certaines denrées durant les années 2006/2007, comme le blé et le lait qui ont vu le cours presque doubler s'expliquant à la fois par des conditions climatiques, mais également par l'élévation du niveau de vie des Chinois et des Indiens, le Brésil et sur l'extension de l'éthanol comme source d'énergie (Brésil), ce qui aura des incidences structurelles et non conjoncturelles sur le prix de certaines denrées alimentaires et sur la consommation d'eau au niveau mondial. D'une manière générale, au vu du rythme actuel de consommation (d'où la poussée du nucléaire à des fins pacifiques posant la question à la fois de la maîtrise de la radioactivité et des gisements d'uranium), il y aura épuisement des réserves d'hydrocarbures dans 30/40 ans. Cependant, il ne faut pas avoir une vision pessimiste sur l'avenir car l'histoire nous apprend que la science peut apporter des réponses aux besoins de l'humanité en matière d'énergie. Car il est utile de rappeler les techniques des 3 D et récemment des 4 D permettant de visualiser certaines structures géologiques, de révéler des réservoirs dans des structures connues, accroissant les succès des forages qui représentent entre 50 et 60% des coûts d'exploration. Ces techniques, avec l'usage croissant des satellites dans des bandes d'infrarouge, permettent de balayer rapidement de vastes zones à potentiel géologique et d'élever de deux à cinq la productivité, alors que les coûts n'augmenteraient que de 20 à 40% par rapport au forage classique, et d'augmenter les taux de récupération de 30 à 40% pour certains gisements. Et que la production offshore qui n'en est qu'à ses débuts. Pourtant, cette consommation excessive d'hydrocarbures peut être dangereuse pour l'avenir de l'humanité impliquant l'urgence d'un nouveau modèle énergétique à moyen et long terme, car il faut être réaliste, nous renvoyant à l'application des accords de Kyoto pour protéger l'environnement. Or, les énergies renouvelables ne représentent que 6% de la consommation d'énergie pour l 'Europe contre une moyenne mondiale de 14%, ce taux devant probablement augmenter à l'avenir. Le réchauffement planétaire constitue un risque grave, la hausse de la production signifiant que les émissions annuelles de gaz à effet de serre augmenteront de l'ordre de 50% d'ici à 2030, et qu'elles doubleront probablement d'ici à 2050, en l'absence de réformes de grande portée. Et l'on va vers le risque de la destruction de notre planète si demain la Chine devient le plus gros consommateur d'énergie. D'où l'importance d'une action en vue pour les économies d'énergie qui accusent une avancée dans les pays développés. En ce qui concerne l'Europe, la commission de Bruxelles extrapole sur une économie d'énergie d'environ 18% en misant sur l'efficacité énergétique des bâtiments qui représentent une consommation d'énergie de plus de 40% de l'ensemble de la communauté économique européenne pour le chauffage - l'eau chaude -, le refroidissement et l'éclairage. En conclusion, pour notre pays, comme j'ai eu à le démontrer dans deux articles parus au niveau international, dans les revue mondiales (Gaz d'aujourd'hui - novembre 2002 et Pétrole et gaz arabes PGA du 06 avril 2003 Paris France), l'énergie restera au centre de notre développement en encourageant le partenariat, l'investissement privé national et international. A ce titre, outre la dynamisation de l'aval et particulièrement de la pétrochimie en partenariat créatrice de valeur ajoutée et d'emplois, des énergies renouvelables dont le solaire, il y a lieu de favoriser comme substitution aux carburants classiques (essence normal - super - gasoil) les carburants gazeux, GPLc (le bupro éventuellement) ou le GNW dans certaines grandes agglomérations, supposant des réseaux de distribution et une nouvelle politique fiscale plus attractive, tout cela étant conditionné par un nouveau modèle de consommation énergétique malheureusement embryonnaire. Sonatrach devra éviter la dispersion à travers des investissements qui ne concernent pas ses métiers de base et, seule, n'a pas actuellement les moyens techniques et scientifiques pour des découvertes importantes au moindre coût, la fuite des cerveaux étant générale à tous les secteurs. Sinon, une fraction importante de ses recettes sera consacrée à l'investissement, amenuisant par voie de conséquence le budget de l'Etat. En effet, fait d'une dépendance plus grave, le poste assistance technique (paiement des compétences étrangères) au niveau de la balance des paiements entre 2004/2007 commence à prendre la place du poste de l'endettement extérieur qui a été réduit grâce aux remboursements anticipés. L'économie algérienne est une économie rentière, il n'y a aucun génie à attendre le cours du prix du brent et le cours du dollar expliquant ce paradoxe de la relative aisance financière (100 milliards de dollars de réserves de change janvier 2008) et la stagnation de la sphère réelle (trop d'obstacles dans la mise en oeuvre d'affaires selon le rapport de la Banque mondiale de 2007, l'Algérie étant classée en mauvaise position, 125ème), la détérioration du pouvoir d'achat accélérée par une concentration des revenus au profit de couches rentières que l'on atténue paradoxalement par une corruption socialisée. Reflet de cette situation qui a des répercutions sur le taux de croissance (moins de 3% en 2006 selon la Banque mondiale et le FMI avec un léger redressement en 2007 prévision de 4% malgré d'importantes dépenses monétaires essentiellement publiques traduisant la mauvaise gestion à tous les niveaux) et le taux de chômage réel (plus de 20% selon une note du FMI d'août 2007 incluant la sphère informelle sans compter la création de faux emplois rentes à travers les actes de solidarité mais ne créant pas de valeur ajoutée), plus de 98% des exportations en devises en 2006 (idem en 2007) sont le fait des hydrocarbures à l'état brut. Cela témoigne de la faiblesse des sections hors rente, du fait de la panne de la réforme globale dont la réussite repose sur la bonne gouvernance, l'entreprise et le savoir qui est actuellement marginalisé, richesse plus importante que toutes les réserves de pétrole et de gaz. Méditons la récente rencontre sur la jeunesse, où le président de la République a établi le constat de l'échec de l'actuelle politique de l'emploi et par là du manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique et sociale.
*Expert international
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Posté par : sofiane
Ecrit par : Abderrahmane Mebtoul *
Source : www.lequotidien-oran.com