Alger - A la une

La stratégie de la France au Sahel : le tonneau des danaïdes '


Par Mostefa Zeghlache,
ancien diplomate
III ? Lutte antiterroriste au Sahel : quelle stratégie de sortie de crise '
Lorsqu'on évoque la crise au Sahel, on pense automatiquement à l'Algérie, pays frontalier. Les autorités algériennes ne pouvaient demeurer indifférentes envers cette problématique sachant que la sécurité de l'Algérie est liée à celle de la région. Le soutien multiforme que porte notre pays aux pays frontaliers du Sahel ne date pas d'aujourd'hui. Depuis l'indépendance, notre pays n'a ménagé aucun effort pour contribuer à la paix, à la stabilité et au développement de cette région.
S'agissant de la lutte antiterroriste, notre pays, qui a souffert du fléau du terrorisme et qui en est venu à bout par ses propres moyens, a également été visé par son expansion au Sahel avec l'enlèvement de diplomates algériens à Gao, en avril 2012, l'attaque terroriste contre le complexe gazier à Tiguentourine en janvier 2013, et en octobre 2021, la mort, selon la presse, d'un ressortissant algérien tué au Mali «par erreur» par les soldats de la Minusma.
Outre le soutien politique, diplomatique et humanitaire constant aux pays sahéliens, l'Algérie a grandement contribué à la création, en avril 2010, du Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cemoc), dont le siège est à Tamanrasset. Il s'agit d'une structure militaire regroupant les états-majors d'Algérie, de Mauritanie, du Mali et du Niger, chargée de «coordonner et de mener des opérations de localisation et de destruction des groupes terroristes». Le Cemoc dispose d'une Unité de fusion et de liaison dont la mission est de lui fournir «les informations sécuritaires, tactiques et opérationnelles nécessaires à la conduite d'opérations conjointes contre le terrorisme et les différentes activités de contrebande». Il s'agit là, à n'en point douter, d'un important organe de coordination régionale de la lutte antiterroriste au Sahel.
Par ailleurs, Alger abrite le siège du Centre africain d'études et de recherche sur le terrorisme créé en 2002, opérationnel depuis 2004. Les pays du Sahel peuvent tirer profit de son expertise.
Fondamentalement, la vision algérienne de lutte antiterrorisme diffère de celle qui prévaut actuellement au Sahel. Cette vision découle de l'expérience acquise par notre pays en la matière basée autant sur la fermeté avec les extrémistes que sur le dialogue national inclusif, sans ingérence étrangère, notamment extra-africaine. L'objectif étant de trouver une solution nationale avec, si nécessaire, une coordination régionale et un soutien de l'Union africaine et/ou des Nations Unies.
C'est une position constante que réitère le ministère de la Défense nationale (MDN) sur son site web à l'issue de la réunion du Conseil des chefs d'état-major des pays membres du Cemoc tenue à Bamako, le 9 février 2021. À cette occasion, le général-major Mohamed Kaïdi avait mis l'accent sur «la nécessité de conjuguer les efforts dans une coopération franche et sincère entre les pays du champ, basée essentiellement sur l'échange de renseignements et la coordination des actions, de part et d'autre de la frontière, en comptant en premier lieu sur nos propres forces et moyens».
C'est le message qu'Alger a répété à Bah N'Daw lors de sa visite en Algérie en mars 2021 et à l'issue de laquelle il avait exprimé sa satisfaction du soutien algérien sans lequel «nous n'aurions pas pu nous en sortir», avait-il déclaré.
Compter sur soi est, certes, une règle intangible pour l'Algérie, mais la coopération militaire et du renseignement au niveau des frontières et dans un cadre régional est souhaitée. Cette vision a été également réitérée par le chef d'état-major algérien à son homologue mauritanien en visite à Alger, en janvier 2021. Le responsable militaire algérien a appelé à «tirer profit, de manière plus optimale, des mécanismes de coopération sécuritaire disponibles, en particulier celui du Cemoc». L'approche militaire doit être soutenue par une stratégie de développement économique et social et un dialogue avec tous ceux qui récusent l'action violente et associer oulémas, prédicateurs et imams modérés afin de «tarir les sources du terrorisme et isoler davantage les extrémistes» (site a.com.fr du 12.01.21).
La position algérienne envers la crise au Sahel se singularise aussi par le refus de bases militaires étrangères et du paiement de rançons aux groupes terroristes.
S'agissant des bases étrangères, la conception algérienne est en symbiose avec celle de l'Union africaine dont le Conseil paix et sécurité appelle constamment les pays membres à «l'extrême vigilance lors de la signature d'accords militaires devant aboutir à l'installation de bases militaires».
Néanmoins, les accords de coopération militaire et sécuritaire entre pays non africains et les pays du Sahel sont en augmentation depuis une dizaine d'années et celui des bases militaires suit.
Le versement de rançons aux terroristes est une préoccupation importante pour l'Algérie qui a joué un rôle-clé dans l'adoption de la résolution 2133 du 27 janvier 2014 du Conseil de sécurité demandant aux «Etats membres d'arrêter tout paiement de rançons pour obtenir la libération d'otages».
Pourtant, le 27 octobre 2020, les services de sécurité algériens ont arrêté, à l'ouest du pays, un terroriste transportant avec lui 80 000 euros. Il a avoué que cette somme constituait une partie du montant de la rançon que la France avait payée, avec l'assentiment des autorités maliennes, pour obtenir la libération de 4 otages. Il s'agissait d'une Française, d'un opposant politique malien et de 2 ressortissants italiens, libérés contre le paiement aux terroristes de 30 millions d'euros et la libération de 207 éléments terroristes dont il faisait partie.
Les autorités françaises qui nient les faits n'ont pu empêcher le GSIM de confirmer, le 21 novembre 2020, dans un enregistrement vidéo, avoir obtenu une rançon de 30 millions d'euros et la libération de 207 de ses éléments armés en contrepartie de la libération des quatre otages.
À cette occasion, l'Algérie a dénoncé les «parties étrangères», comprendre Paris et Bamako, qui ont payé une «rançon conséquente» aux terroristes. Mais ce n'est pas une «première», puisque, selon le New York Times de juillet 2014, «Paris aurait payé à Al-Qaïda quelque 58,1 millions de dollars de rançon entre 2008 et 2014». D'ailleurs, la décision de libérer des terroristes a engendré le mécontentement au sein même des troupes françaises qui craignent d'être parmi les prochaines victimes de ces mêmes terroristes libérés.
Selon les rapports de sécurité algériens, l'argent des rançons, le trafic d'êtres humains et le trafic de drogue sont les principales sources de financement des groupes terroristes dans la région du Sahel et du Sahara. Le versement de rançons aux groupes terroristes est qualifié par Alger de «pratique inadmissible et contraire aux résolutions de l'ONU» qui «entrave les efforts de lutte contre le terrorisme et de tarissement de son financement».
Et pourtant, du côté français, on n'a eu de cesse de vouloir intégrer l'Algérie dans la stratégie de lutte antiterroriste conçue par Paris et incluant les 5 pays sahéliens.
En décembre 2017, lors d'une visite à Alger, le président français, outre ses discussions avec les autorités politiques du pays, avait rencontré à Zéralda l'ancien chef d'état-major pour s'entendre dire, des deux côtés, le refus de l'Algérie de prendre le train en marche derrière une locomotive extra-africaine, en terre africaine.
Depuis les amendements constitutionnels du 1er novembre 2020, notamment l'alinéa 2 de l'article 91 qui prévoit la possibilité pour le président de la République d'envoyer des unités de l'ANP à l'étranger, «après approbation à la majorité des 2/3 de chaque chambre du Parlement», des voix se sont élevées tant en Algérie qu'en France pour déduire que le verrou a sauté pour la participation de l'armée algérienne au Sahel surtout depuis la décision de réduction des effectifs militaires français.
La confusion a été accentuée par le président français lorsqu'en marge du sommet de N'Djamena du G5 S, il avait évoqué «une confirmation d'un réengagement algérien et marocain» qualifié d'«important pour la stabilité de la région» et évoqué «une nouvelle page de coopération sur le terrain... entre le Mali et l'Algérie» déchaînant une vague d'indignations tant officielles que populaires en Algérie. Un démenti du MDN du 22 février 2021 qualifiait de «fausses et inadmissibles... les allégations dénuées de tout fondement» qui prêtent à l'Algérie l'intention d'envoyer des troupes «pour participer à des missions militaires en dehors de nos frontières nationales sous le chapeau de puissances étrangères, dans le cadre du G5 Sahel». Le même jour, le MAE algérien a réitéré cette position lors d'un entretien avec la chaîne TV France 24. A cette occasion, le diplomate a déclaré que l'Algérie «n'enverra pas de forces militaires au Mali» et précisé que la Constitution autorise, certes, l'envoi de troupes à l'étranger, mais dans le cadre du maintien de la paix sous la supervision de l'ONU, de l'Union africaine ou de la Ligue arabe».
La lutte antiterroriste n'est pas seulement une question de moyens militaires, comme le rappelle le président algérien le 11 octobre 2021. S'agissant du Mali, il avait souligné que «c'est une affaire de pauvreté et de développement» et que l'armée algérienne «ne s'enlisera jamais dans les bourbiers». Pour sa part, le MAE algérien a, lors d'une visioconférence organisée par le Conseil de paix et sécurité de l'UA sur «La lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent en Afrique», rappelé les fondamentaux de la vision algérienne de la lutte antiterroriste en Afrique en ces termes : «Face à cette menace croissante qu'est le terrorisme, nous ne pouvons en effet sous-estimer l'importance d'une approche globale qui va au-delà de la dimension sécuritaire pour s'attaquer aux facteurs structurels de la radicalisation et de l'extrémisme violent.» Par ailleurs, le ministre est intervenu durant les travaux de la 2e réunion ministérielle conjointe UA-UE à Kigali (Rwanda), le 23 octobre, pour rappeler que la stratégie algérienne repose sur des liens «indissociables de sécurité, de paix et de développement et souligner que le «partenariat avec l'UE doit consolider les fondements du développement socio-économique et humain, de la bonne gouvernance et la promotion de la réconciliation nationale, tracée et appliquée par les Etats africains, à travers la double équation alliant unité/diversité et centre/environnement».
L'approche algérienne de la crise au Sahel n'attire certainement pas à notre pays la sympathie de certains pays comme la France, qui tente de le mettre devant le fait accompli et même de lui forcer la main. La déclaration de Macron sur un réengagement de l'Algérie au Sahel relève de cette logique. De la même façon que l'on est en droit de s'interroger sur la vraie nature de la décision de retrait militaire français des 3 bases de Kidal, Tessalit et Tombouctou d'ici le début de 2022, lorsqu'on sait que ces bases, surtout celle de Kidal, ne sont pas éloignées de la frontière algérienne et que la lutte armée Azawad et le terrorisme sont nés et se sont développés dans cette région du Mali et qu'enfin, ni la Minusma ni l'armée malienne n'ont les capacités militaires pour relever avec efficacité ces défis. D'ailleurs, la force onusienne a perdu, depuis sa constitution, près de 200 hommes au Mali.
La déclaration de Macron du 2 octobre sur la question mémorielle entre notre pays et la France avait provoqué l'ire des dirigeants algériens et entraîné la fermeture de l'espace algérien aux avions militaires français, impactant ainsi l'effort logistique de guerre de la France au Sahel.
Last but not least, une rumeur démentie par le MAE algérien en octobre 2021 attribuait à l'Algérie une implication dans le financement d'une partie du projet d'accord entre les autorités maliennes et le groupe Wagner. Le porte-parole du MAE a dénoncé «les parrains d'un pays voisin» d'être derrière cette «manipulation malveillante».
La perception algérienne de la sécurité régionale inclut la coordination avec les autorités des pays voisins du Sud dans la lutte antiterroriste, la lutte contre la criminalité transfrontalière et l'endiguement du fléau de l'immigration clandestine qui constitue une menace à la sécurité du pays et une question de santé publique de premier plan à cause de la pandémie de coronavirus qui n'épargne aucun pays dans le monde. Ces deux défis alimentent des réseaux maffieux qui, à leur tour, constituent une importante source de financement du terrorisme et du trafic en tous genres, y compris de personnes.
Cependant, si la lutte antiterroriste a parfois besoin d'assistance internationale, elle reste fondamentalement une question de gouvernance. Rappelons seulement que depuis les indépendances, l'Afrique de l'Ouest ? majoritairement francophone ? a connu près de 50 putschs militaires, devenant ainsi une des régions les plus instables du continent.
Indépendamment de la politique française au Sahel, les pays sahéliens sont connus non seulement pour être parmi les plus «appauvris» du monde, mais également ceux où la bonne gouvernance et la démocratie semblent absentes du lexique des dirigeants.
Depuis l'indépendance, l'Etat et ses démembrements locaux sont absents de nombreuses localités notamment au nord du Niger et du Mali. Cette situation «a pour principal corollaire la difficulté d'accès de la population aux services essentiels de base, comme la santé, l'éducation, la justice», engendrant le désespoir, la colère des populations et leur indifférence à l'égard d'un «système politique néopatrimonial et clientéliste» dirigé par des élites «occidentalisées» corrompues.
Les exactions commises par les militaires contre la population se répètent et peuvent entraîner la mort de citoyens. Dans son rapport de juin 2020, Amnesty International a recensé 199 incidents au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Au Burkina Faso qui subit fréquemment des attaques terroristes sanglantes, des sources sécuritaires indiquent qu'entre avril 2015 et mai 2020, il y a eu 1 219 civils et 436 militaires tués par les terroristes et 588 civils tués par... l'armée burkinabaise !
L'ONU et la Minusma attestent que l'impunité est quasi totale et qu'«aucun militaire incriminé n'a été vraiment sanctionné ni un membre des milices progouvernementales» inquiété. Pire, l'insécurité et son corollaire, la lutte antiterroriste, sont, pour certains, une opportunité pour s'enrichir. Ce fut la teneur du dernier message du soldat nigérien Irkoy-Tamo, adressé, avant de succomber à ses blessures, le 18 mai 2020, à un juge. Sur un bout de papier taché de sang, il avait écrit ne chercher «ni honneurs militaires ni pleurs et lamentations», mais voulait être rassuré que le juge montera «un dossier solide contre ceux qui ont transformé cette guerre en business».
Au Niger, de 2014 à 2019, plus de 76 milliards de francs CFA (116 millions d'euros) ont été détournés dans le cadre de contrats d'armements, selon l'Inspection générale des armées.
Au Mali, l'Assemblée nationale a adopté, le 5 octobre 2019, sur proposition de l'opposition, une résolution portant création d'une Commission spéciale d'enquête parlementaire en vue de «mener des investigations sur les faits de détournements et de malversations financières dans le secteur de la défense». Elle n'a abouti à aucune décision.
Au Burkina Faso, c'est la mobilisation de la société civile qui a permis l'arrestation de l'ex-ministre de la Défense et des Anciens combattants, J. C. Bouda, pour détournement de fonds.
La corruption touche beaucoup de secteurs d'activité publics et privés et n'est pas le fait du seul secteur de la défense. Mais en période de menace terroriste qui n'épargne ni civils ni forces de l'ordre et met en danger l'existence même de l'Etat, les forces de sécurité et de défense sont aux avant-postes de la résistance nationale. Et pour cette raison, elles sont appelées à faire plus d'efforts que d'autres secteurs pour que règnent en leur sein probité, transparence et efficacité. De leur engagement patriotique et de la confiance et du soutien que lui apportent les citoyens dépend la victoire. Ces facteurs contribuent également à constituer des armées nationales fortes, rehaussent la crédibilité des institutions du pays auprès de la communauté internationale et encouragent son appui financier et matériel, notamment militaire. La crise au Sahel n'est pas exclusivement sécuritaire. Loin s'en faut.
En 2014, selon la Banque mondiale, 45,4% des Nigériens vivaient sous le seuil de pauvreté alors que la population augmente de 4,6% chaque année. En 2020, ce pays avait un PIB par habitant et par an de 550§, soit l'un des taux les plus bas au monde. Selon l'Unicef, en 2015, le taux de fécondité au Niger était le plus élevé au monde avec 7,6 enfants par femme en moyenne ! L'analphabétisme touche près de 50% de la population au Mali et au Niger. Ces facteurs, accentués par la mal-gouvernance, sont source de désespoir pour les populations majoritairement abandonnées à leur sort et devenues des proies faciles pour l'extrémisme terroriste.
Si la stratégie de lutte antiterroriste de la France au Sahel a montré ses limites après plus de 8 années de mise en ?uvre et des milliers de victimes civiles et militaires et ressemble de plus en plus au supplice du tonneau des Danaïdes, «l'impasse demeure parce que les Etats sahéliens ne sont pas en mesure de traiter les racines de l'insurrection : l'absence de perspective économique et sociale pour une large partie de la jeunesse montante, la misère, l'absence de protection et de service public de base dans de vastes territoires, l'impunité des crimes, la faiblesse des services régaliens et la mauvaise gouvernance», le non-respect des droits de l'Homme, la corruption et l'instabilité politique... soit tous les ingrédients qui favorisent le radicalisme dont tirent profit l'intégrisme et le banditisme.
Pour comprendre la crise du Sahel, loin des académiciens attitrés, écoutons la société civile sahélienne parler. Moussa Tchangari, secrétaire général de l'ONG nigérienne Alternative Espaces Citoyens, a publié une étude intitulée «Sahel : aux origines de la crise sécuritaire. Conflits armés, crise de la démocratie et convoitises extérieures». Il écrit : «Cette guerre, si elle doit être gagnée, ne le sera qu'avec la construction d'un nouveau contrat politique et social restituant au peuple sa souveraineté et créant les conditions d'une vie digne pour les millions de personnes qui en sont aujourd'hui privées.»
Ce contrat ne peut émaner que du dialogue national que les «assises nationales de la refondation» sont censées prendre en charge. Mais la tâche ne semble pas aisée pour le régime actuel qui a lancé la 1re phase de ces assises au plan local, le 11 décembre. Car sitôt commencées, ces assises font l'objet de critiques, voire de rejet de la part de certaines forces politiques maliennes. C'est le cas du «Cadre stratégique permanent (CSP)», une structure commune formée par la Coordination des mouvements de l'Azawad, la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d'Alger et la Coordination des mouvements de l'inclusivité (CMI), formée aussi d'ex-rebelles qui considère que «l'organisation unilatérale par le gouvernement a exclu les mouvements signataires de l'accord d'Alger de 2015». Dans une interview à Jeune Afrique du 11 juin 2021, l'imam Mahmoud Dicko, qui considère que «ce n'est pas à la France que l'on demande de discuter avec qui que ce soit» et soutient le dialogue avec les «compatriotes» (terroristes), a appelé au boycott de ces assises au motif que les autorités de transition favorisent le «clanisme» dans leur démarche. Pendant ce temps, nombreux sont les jeunes Sahéliens qui ne voient d'autre remède à leur précarité que l'exil clandestin vers d'autres pays dont l'Algérie à la recherche du minimum vital, avec l'espoir de pouvoir retourner vivre au pays...un jour... peut-être.
C'est une évidence que d'affirmer que la France tente de préserver le statu quo néocolonial en soutenant des régimes politiques qui, le plus souvent, sont les premiers responsables des difficultés de leurs peuples. Sur le plan politique, la France a formé des élites autochtones francisées pour assurer la pérennité de son hégémonie sur les pays sahéliens nouvellement indépendants. Ces élites ont failli dans leur mission de sortir leurs pays du sous-développement. Leur pouvoir et celui de la France sont aujourd'hui contestés par les jeunes générations de l'internet et de la société civile qui ne se reconnaissent pas dans ce système fondamentalement corrompu et inégalitaire qu'elles dénoncent parfois violemment.
On est en droit d'exprimer toutes sortes de réserves à l'égard de la stratégie militaire française au Sahel, mais on ne peut reprocher à la France comme à d'autres puissances extra-africaines de promouvoir et défendre leurs intérêts géostratégiques et économiques dans la région.
Les coups d'Etat constituent la négation de la pratique politique démocratique et sont condamnables. Mais le processus de dialogue initié par les autorités maliennes mérite d'être pris en considération.
Si la volonté de Bamako est de sortir le pays de la violence et de l'insécurité afin de rendre la normalité politique, économique et sociale au pays, ce processus mériterait le soutien de la communauté internationale. Sa réussite servira d'exemple pour d'autres pays du Sahel.
Pour terminer, on peut ajouter que l'on peut être d'accord avec le Premier ministre malien lorsqu'il évoque un «abandon en plein vol» par la France. Mais il serait utile de reconnaître que nombreux sont les dirigeants africains à avoir pris l'habitude de voyager en VIP et en first class, dans des avions de fabrication étrangère et pilotés par des étrangers. L'absence de ces pilotes crée le désarroi chez ces hommes politiques qui, apparemment, n'ont jamais songé ni à faire construire des avions par leurs pays ni à former leurs jeunes pour les piloter...
Les maux sont connus. Les remèdes aussi. Compter sur soi dans tous les domaines doit être la règle. Car il n'y a pas de pays pauvres mais des situations extrêmes (sécheresse, inondation, crise alimentaire et sanitaire...) auxquelles les Etats nationaux ne peuvent faire face seuls. Tous les pays du monde ont leurs propres potentialités humaines et économiques à faire fructifier. Ceux du Sahel ne font pas exception. Le sous-développement n'est pas une fatalité. L'histoire de beaucoup de nations le prouve.
M. Z.
1- «Sahel-Algérie : le brasier méridional» notre article paru sur Le Soir d'Algérie du 19-1-2020
2- «Le Sahel et le Sahara entre crises et résiliences» - Emmanuel Grégoire - Dans Hérodote 2019/1 (172)
3-https://francais.rt.com/france/ 79712-liberation-dotages-chef-detat-major-armees-reagit-propos-sophie-petronin.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)