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Dans la pièce d’à côté de Hamid Grine Confessions intimes


Publié le 09.05.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MERIEM GUEMACHE

C’est un récit sur fond de drame que nous livre Hamid Grine dans son livre intitulé Dans la pièce d’à côté (Éditions Gaussen). Le 14 mai 2015, le jour de sa reconduction en tant que ministre de la Communication, sa femme trouve la mort dans de terribles circonstances. Électrocutée dans le jardin de la résidence d’état de Club des Pins, elle ne pourra pas être sauvée. Commence alors une période de deuil pour l’ancien ministre qui raconte sa lente descente aux enfers, dans ce récit intimiste.
Il se livre sur tout : la vie d’avant le jour «j», sa rencontre à l’université avec Meriem son épouse en 1976, l’harmonie dans son couple durant 39 ans de vie commune, la complicité avec ses deux enfants, et puis la tragédie et le chamboulement qui en a suivi dans sa vie personnelle.

Dernière scène, dernière fois où il voit sa femme vivante ce matin du 14 mai 2015 «Juste avant de fermer la porte du jardin, je me retourne pour la regarder. Elle me fait un petit signe de la main et me lance "Prends soin de toi... à tout à l’heure mon grand !"»

Le lendemain sa femme est enterrée au cimetière de Garidi à Kouba. «Devant le drapeau national recouvrant Meriem, les femmes poussent de stridents youyous en son hommage (...) à quelques minutes du dernier voyage sans espoir de retour chez elle, je lui découvre le visage pour les adieux dans un silence de mort.»

Hamid Grine fait un flash-back souvenir. Il nous partage ses années fac à l’université d’Alger où il fait des études de sociologie et sa rencontre avec la femme de sa vie. «Quand Meriem est apparue dans mon ciel, manquant d’air sous le régime de Boumediène, j’étais sur le point de prendre le large pour la France avec mes meilleurs amis. Meriem m’a définitivement fixé en Algérie. Mes amis sont partis sans moi. Ils n’avaient pas Meriem.»

Après l’enterrement, le ministre se plonge dans le travail. Il maintient tous ses rendez-vous afin d’occuper son esprit. «Mon emploi du temps était déjà chargé, je le surcharge pour les trois mois à venir : visite sur le terrain dans les différentes wilayas, réunions, audiences... Ainsi je vais m’abîmer dans le travail. Non pour oublier mais pour tenir.» Boumerdès marque sa première apparition officielle après la mort de sa femme. «Je sens les regards peser sur moi. J’ai pris soin de raser ma barbe de trois jours (...) Mon double public parle, donne une conférence de presse devant une cinquantaine de journalistes (...) Mon double fait le job même s’il est minimum».

Hamid Grine rembobine le film de sa vie de couple. Il culpabilise d’avoir été parfois blessant avec sa défunte épouse : «Parfois mon impulsivité me jouait des tours et je la blessais sans le vouloir. Ma parole dépassait ma pensée. Mais je me reprenais vite. Et elle pardonnait aussitôt en me disant chaque fois : ‘’Ne recommence plus !’’ J’étais incorrigible (...) En quarante ans, Meriem m’avait toujours fait passer avant elle. Pour tout : le meilleur morceau de viande, le meilleur fruit, la meilleure part de gâteau...».

Dans ce récit, le journaliste-écrivain évoque l’insistance de certains politiques afin qu’il convole en justes noces quelques jours après la disparition de sa conjointe. «Qu’attendez-vous pour vous marier ?» le questionne-t-on régulièrement. «La question me paraît tellement saugrenue, tellement déplacée, tellement blessante pour mon épouse et moi-même que je n’en crois pas mes oreilles».

Il raconte aussi que certains se sont gargarisés de son malheur. Hamid Grine cite un poème de Saint Augustin dont a été tirée la phrase qui a donné son titre à ce récit «L’amour ne disparaît jamais. La mort n’est rien. Je suis seulement passé dans la pièce d’à côté. Je suis moi, vous êtes-vous. Ce que nous étions les uns pour les autres nous le sommes toujours...»

La préface de l’ouvrage est signée Boualem Sansal. «La confession de Hamid Grine, magicien de l’impressionnisme en littérature, aidera celles et ceux à qui la mort a ravi un grand amour, et les a laissés seuls, orphelins à jamais, du moins ici-bas.»

Hamid Grine signe un récit sur le deuil après la perte d’un être cher. «La douleur ne se partage pas. Elle est interne, elle se vit», écrit-il.

Meriem Guemache

Dans la pièce d’à côté de Hamid Grine. Éditions Gaussen. 2022.254 p.

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