De la construction à la semence de pomme
de terre… En plus de trois décennies, Brahim Hasnaoui a conjugué l'entreprise
avec l'innovation.
Un aventurier «dans le bon sens du
terme». Tout le contraire des météorites qui ont traversé, sans laisser de
traces, l'univers des affaires en Algérie.
C'était dans le milieu des années 70, à
une époque où l'on se demandait encore à partir de quel nombre d'employés une
entreprise privée devenait «exploiteuse», un petit entrepreneur privé de 26 ans
discute avec le Directeur général de la Sonelec dans son bureau au complexe
électronique de Sidi-bel Abbès. Objet de la discussion : la construction d'un
centre de formation que des entreprises publiques n'arrivaient pas à réaliser.
Le DG de Sonelec a un problème concret et sérieux: pour lancer la production de
téléviseurs, il faut des ouvrières qualifiées. Et comme cela ne tombe pas du
ciel, il revient à la Sonelec de les former. Chez elle. Allez vers ce jeune
privé lui a paru la seule solution. Il lui explique cependant la gravité de sa
décision en le fixant droit dans les yeux : «Vous savez ce que je fais ? J'enlève
un marché aux entreprises publiques pour le donner au privé. Vous échouez et
nous sommes bons pour la prison à vie tous les deux». Mohamed Ghrib, le DG de
la Sonelec à l'époque n'a pas été en prison pour avoir osé sortir du «cadre».
Le jeune entrepreneur qui se souvient avec émotion de la scène s'appelle
Hasnaoui Brahim. Et les 11 blocs du centre de formation ont été livrés dans les
délais pour que les ouvrières soient préparées à la fabrication des
téléviseurs. La réputation de Brahim Hasnaoui commence à se faire. Ce diplômé
en génie rural quelques années plutôt, n'avait pourtant à cette époque qu'une
petite expérience dans la réalisation. Commencée justement avec l'étude et la
réalisation de l'approvisionnement en eau du grand chantier du complexe SONELEC
de Sidi Bel Abbès, sa ville natale.
«Il y a du travail derrière»
Depuis le petit entrepreneur a constitué
patiemment son groupe. Sur trois longues décennies, tout le contraire des
météorites qui ont peuplé le ciel de l'économie algérienne avant de
disparaître. Il y a du «travail derrière», disent ceux qui le connaissent. Si
plus de trois décennies plus tard, Sidi Bel Abbès est la ville d'Algérie où le
taux d'occupation par logement (TOL) est le plus bas d'Algérie, ne l'imputez
surtout pas au hasard. Cherchez plutôt l'explication dans le travail, le
volontarisme industriel et la «capitalisation d'expérience», terme
qu'affectionne particulièrement Hasnaoui Brahim. Les réalisations dans la bonne
ville de Bel Abbes sont nombreuses (logements, hôpitaux, blocs universitaires,
institut de recherche, bâtiments administratifs, centres d'affaires, siège de
banques). Hasnaoui a tout simplement créé un pôle d'excellence dans la
réalisation en bâtiment en industrialisant les procédés de construction, puis
en essaimant son savoir faire. Entreprendre, montrer que c'est possible,
diffuser, voilà en somme la démarche de Hasnaoui qui a réussi à faire baisser
le cout du m² bâti et démocratisé le logement social. La formule, il la livre à
tous ceux que cela peut intéresser : usiner au préalable le maximum d'éléments
de la construction, même «un mortier révolutionnaire prêt à l'emploi» et fixer
les équipes pour accumuler les savoir-faire. L'expérience a fait école. Ce qui
le motive ? «Ce n'est pas l'argent, mais l'idée qu'avec un peu de moyens
financiers et une ingénierie bien orientée on peut trouver des solutions aux
problèmes vitaux du plus grand nombre de personnes». Qu'est-ce qui est vital en
Algérie ? Se loger, bien sûr ! Se nourrir aussi. En 2006, il devient, avec la
Sodea, le premier producteur maghrébin de semence de pomme de terre de
pré-base.
Maitriser et innover
Un retour vers l'ingénierie agronomique,
un amour de jeunesse : modernisation des plans et techniques culturales,
introduction de nouvelles plantes fourragères dans les hauts plateaux pour
réhabiliter les parcours, et faire baisser le prix du mouton. En entrant sur le
«front» de la semence de pommes de terre, il s'attire une solide détestation
des importateurs. C'est que mine de rien, il s'attaque à un monopole, celui des
Hollandais et des importateurs. Avant que cela ne soit à la mode, Hasnaoui
défend une substitution des importations par la production locale de semences.
En quelques interventions publiques, il perturbe des intérêts bien assis en affirmant
qu'il est possible de répondre au besoin du marché en fournissant la pomme de
terre à un prix très raisonnable de 20 dinars et avec des possibilités
d'exporter. Jusque-là, il n'a pas été très écouté, mais sans doute a-t-il eu
tort d'avoir raison un peu trop tôt : les achats de semences coutent entre 70
et 90 millions de dollars par an aux producteurs locaux. Si les idées de
Hasnaoui n'ont pas eu un grand écho chez les responsables, sa popularité est
faite. C'est un «aventurier dans le meilleur sens du terme», explique un
journaliste oranais. «Il a compris que pour réussir, il faut devenir
indépendant, c'est-à-dire maîtriser l'ensemble de la filière où il active y
compris le volet formation». Que ce soit dans le secteur du bâtiment ou dans
l'agriculture, c'est cela la méthode Hasnaoui : maîtriser et innover.
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Posté par : sofiane
Ecrit par : Nadia Hachelaf
Source : www.lequotidien-oran.com