Alger - Revue de Presse

Alger-Tizi Ouzou - Boumerdès : balade historique et touristique Qu’est-il advenu du «melon de Tizi Ouzou»? (7e partie)




Publié par LSA le 18.05.2020
Par Mohamed Arezki Himeur
La description de ce melon fait saliver. Chair fine, très juteuse, mielleuse, sucrée, fondante et parfumée. En un mot, il possède toutes les qualités et propriétés qu’on voudrait trouver dans un fruit, surtout pendant les grandes chaleurs de l’été.

Draâ Ben-Khedda (ex-Mirabeau) : La construction de Draâ-Ben-Khedda était déjà dans l’air en 1873. Le 4 novembre de cette année, il a été signé un arrêté portant «déclaration d’utilité publique pour la création d’un centre (de colonisation, ndlr) à Draâ-Ben-Khedda».(17)
Il a été suivi les années d’après par une série de décrets et d’arrêtés portant sur des expropriations en cascade de «terrains nécessaires» pour l’édification de villages de colonisation de peuplement en Algérie. Draâ Ben-Khedda colonial a vu le jour le 25 octobre 1881. Le nom de Mirabeau lui a été donné par décret du 22 février 1888. Deux jours plus tard, le 24 du même mois, il a été érigé en commune de plein exercice.
Qu’est-il advenu du «melon de Tizi-Ouzou», découvert à Draâ-Ben-Khedda au XIX e siècle ? Il s’agit de deux variétés de ce fruit, inconnues jusque-là. La première est «un melon allongé ayant l’aspect des melons que l’on trouve dans les cultures indigènes de la région de Kabylie. Mais la chair est beaucoup plus fine, très juteuse, mielleuse et très parfumée. C’est à Mirabeau, près de Tizi Ouzou, que nous avons trouvé ce melon avec toutes ses qualités. Ce melon que nous désignerons sous le nom de «melon de Tizi Ouzou» mérite une bonne place dans les cultures, car il est très apprécié par les connaisseurs qui l’ont dégusté», peut-on lire dans une étude publiée en 1899.(18)
La deuxième variété est un «melon vert foncé de forme olivaire ayant quelque analogie avec le melon muscadé des États-Unis d’Amérique. La graine est très petite et d’une forme particulière cylindro-conique et non aplatie. La chair très juteuse, fondante, et aussi sucrée et parfumée, et a toutes les qualités que l’on cherche dans un melon consommé pendant les grandes chaleurs».(19) Ont-ils un lien de «parenté» avec ceux cultivés à Naciria et vendus sur le bord de la route nationale menant vers Tizi Ouzou ? Car, certains d’entre eux présentent des qualités décrites plus haut.

Boukhalfa (ex-Guynemer) : Construit sur une légère inclinaison au pied du massif de Belloua (près de 700 m d’altitude), à l’entrée sud-ouest de Tizi-Ouzou, Boukhalfa n’est plus ce petit bourg d’autrefois. Il est devenu un quartier à part entière de la ville des Genêts qui connaît une forte expansion depuis une vingtaine d’années. Le village colonial de Boukhalfa a été créé en novembre 1873 par un industriel français, Jean Dollfus, pour accueillir des colons alsaciens-lorrains ayant choisi la France, après l’annexion de leurs régions par l’Allemagne en 1871.
Cet ancien maire de Mulhouse (France) avait bénéficié une année auparavant (1872), de la part des autorités coloniales françaises, d’une importante concession de 1 200 hectares de terres pour les besoins de l’édification du village. Il les avait rétrocédés en 1874 à la Société de protection des Alsaciens-Lorrains. Le nom du village, Boukhalfa, a cédé la place, le 25 janvier 1918, à celui de Guynemer (Gorges), aviateur français mort en Belgique quatre mois plus tôt, pendant la Première Guerre mondiale. Le village a repris son nom d’origine à l’indépendance, en 1962. C’est sur une partie de son territoire primitif, Oued Fali, qu’est édifié le nouveau stade de la ville des Genêts.

Oued Fali : En fait, Oued Fali abrite aujourd’hui une nouvelle ville, dont la création visait à désengorger la capitale, étouffée, du Djurdjura. Ce nouveau pôle urbain et pôle d’excellence, en construction, s’étend sur une superficie de 902 hectares, contre 670 hectares prévus initialement. Une fois les travaux achevés il accueillera une population estimée à 70 000 habitants. En plus des 14 000 logements, Oued Fali sera doté de toutes les commodités nécessaires : établissements scolaires, services de l’administration, infrastructures sanitaires, une salle de spectacle d’une capacité de 3 000 places, un stade de 50 000 sièges, un conservatoire de musique, un institut supérieur de musique, etc.
C’est dans cette future ville d’Oued Fali qu’a été construit, en 1911, le premier pont en arc en béton armé réalisé en Algérie. L’ouvrage a été édifié sur la route reliant Tizi Ouzou et Boghni pour la somme de 35 000 francs de l’époque. Le projet a été adopté le 9 avril 1907, lors d’une séance des Délégations financières algériennes. Il a été réalisé entièrement avec des matériaux locaux, dont des produits de la cimenterie de Rivet, actuel Meftah (wilaya de Blida), à environ 30 km au sud-est d’Alger. Le pont, d’une longueur de 22 m, comprenait une voie pour les carrosses et deux trottoirs latéraux pour les piétons. Il a été construit par un certain M. Meley, entrepreneur, sur les plans élaborés par le bureau d’études Maison Considère.

Tizi-Ouzou (Oppidium romain) : Elle est à la fois chef-lieu de la wilaya et de la commune. Son nom signifie col du genêt, une plante qui pousse autour de la cité. La ville a été fondée le 25 octobre 1858 et érigée en commune de plein exercice en décembre 1873. Le territoire sur lequel elle est bâtie appartenait à la tribu des Amraoua, installée sur la rive gauche de l’oued Sébaou. Ses membres étaient connus comme étant d’«excellents cavaliers» et réputés «pour leur valeur militaire».(20)
Après l’invasion turque, «le centre de Tizi-Ouzou, créé dès 1640, devint dès lors un poste de commandement de premier ordre. Après avoir servi de simple poste d’observation aux agents turcs et de résidence aux Aït Boukhettouch, il passera plus tard entre les mains des Aït Kassi qui en feront le centre de leur zone d’action. L’importance du poste tant au point de vue militaire que politique date donc du milieu du XVIIIe siècle. Devenu point de ralliement pour les Amraoua, Cheraga, un village autour du Bordj, se créa. Ce fut alors que le dey d’Alger, le nommé Ali Khodja, voulant donner toute l’extension voulue au nouveau centre, autorisa, pour le placer à Tizi-Ouzou même, le transfert du marché Sebt, qui, primitivement, se tenait à Draâ-Ben-Khedda (Mirabeau), en aval de Boukhalfa».(21) Ce marché n’existe plus. Des bâtisses, dont un établissement scolaire et une remarquable bibliothèque, sont édifiées sur son emplacement. «Souk sebt» (marché du samedi) est délocalisé vers Tala Athmane, sur la route d’Azazga, et se tient désormais le vendredi. Une initiative visant à désengorger la ville.
Tizi-Ouzou comprend aujourd’hui cinq grands secteurs : le village ancien, taddart des autochtones des Amraoua, le village européen bâti sur les ruines d’un bordj ottoman, lui-même édifié sur des ruines romaines, la nouvelle ville au sud dont les premières constructions ont commencé durant les années 1970 et le nouveau quartier en plein construction à Oued Fali. Elle compte au bas mot 160 000 habitants. Elle dispose d’une université, de plusieurs facultés, instituts, collèges et lycées, d’une maison de la culture, d’une bibliothèque fréquentée notamment par des lycéens et des étudiants des deux sexes.
Tizi-Ouzou est, malheureusement, moins bien nantie en matière de sites touristiques et monuments historiques : une belle et imposante bâtisse de la famille Aït Kaci datant du XIXe siècle, quelques mosquées, dont celle très ancienne de Lalla Saada, des fontaines datant de l’occupation turque, le mausolée de Sidi Belloua qui surplombe la ville (près de 700 m d’altitude), une maison de l’artisanat bien achalandée. Elle compte également deux musées : l’un dédié au moudjahid, l’autre, installé dans l’ancienne bâtisse de la mairie, réservé aux objets historiques et culturels de la wilaya de Tizi Ouzou. La ville mérite une halte et une visite. Elle abrite aussi quelques maisons anciennes, dont une, minuscule, située sur la route de Redjaouna, est classée patrimoine historique.
L’avenue Abane-Ramdane, ex-Grande-Rue, qui est la toute première artère de la cité, a perdu de son charme. Elle est amochée par les deux trémies creusées à ses deux extrémités. Un gâchis pour l’esthétique de l’avenue qui est, toute proportion gardée, l’équivalent de la rue Ben M’hidi ou de celle de Didouche-Mourad pour Alger.
M. A. H.

Sources :
(17) Bulletin officiel du gouvernement de l’Algérie, volume 15, imprimerie de l’Association ouvrière, Aillaud et Cie, Alger, 1874.
(18) Bulletin agricole de l’Algérie et de la Tunisie, volume 5, 1899, imprimerie typographique et lithographique Giralt, Alger-Mustapha, 1899.
(19) Bulletin agricole de l’Algérie et de la Tunisie, volume 5, 1899, imprimerie typographique et lithographique Giralt, Alger-Mustapha, 1899.
(20) La grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, Tome 2.
(21) Le Djurdjura à travers l’histoire. Depuis l’Antiquité jusqu’à 1830, publié en 1925 par Amar Ou Saïd Boulifa (1861-1931).

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