Alger - Revue de Presse



On sait depuis longtemps que la culture ne se résume pas aux arts et à la littérature mais englobe les comportements, les façons de produire et d'échanger, de s'alimenter, de se vêtir, de discuter, etc. Dans ce sens, l'architecture est sans doute l'un des plus puissants révélateurs de la culture ou de l'inculture, de l'acculturation ou de la déculturation. Nous en avons un exemple vivant sous les yeux avec la frénésie actuelle qui s'est emparée des promoteurs et constructeurs pour les façades vitrées. C'est à qui en étendra le plus ! Exit les murs et les fenêtres qui sentent le sous-développement ou la ringardise ! Une façade vitrée, cela fait moderne, avancé, imposant, high-tech ! Les équipements publics, les sièges d'entreprises, les institutions s'évertuent à vitrifier le paysage urbain. Or, à bien regarder à travers ces vitres qui s'efforcent de donner « l'illusion de la transparence », comme disait le sociologue Durkheim, on ne peut y voir qu'un incroyable et lamentable mimétisme, pour ne pas parler de singerie.Ces façades vitrées sont apparues au siècle dernier aux USA et en Europe du Nord pour répondre à un besoin précis d'économie d'énergie. Il s'agissait (et il s'agit toujours) d'accroître avant tout la captation de la lumière naturelle dans des pays à ensoleillement faible et donc de réduire les dépenses d'électricité. L'Algérie manquerait-elle si cruellement de soleil ' Le Sonelgaz nous supplie presque de limiter nos consommations. Or, sous ces véritables serres, dont les baies sont fixes ou ne s'ouvrent généralement qu'étroitement (ce qui a été prévu justement pour des climats glacials), on doit sur-climatiser et dévorer de l'électricité à compteur ouvert pour éviter de griller vivant sans jugement dernier. On doit encore lutter contre la poussière permanente, plus apparente sur les vitres, et choisir entre des façades repoussoirs (déjà que les rues') ou des lavages intensifs aux surcoûts exorbitants. Tout cela, dira-t-on, concerne plus les confrères du supplément Economie que la présente chronique. Exact. Aussi, restons dans notre domaine pour y voir surtout l'espèce d'aveuglement culturel mené avec des matériaux importés à grands frais. Ne parlons pas non plus de sismicité avec ces vitres en épées de Damoclès suspendues sur nos têtes.Aux sud des Etats-Unis, en Californie ou en Floride, on évite les façades vitrées et on privilégie même les bétons de terre stabilisée. Dans ces régions chaudes, où l'héritage hispanique a emprunté à l'Andalousie musulmane, on sait que l'architecture est d'abord conçue en fonction du milieu naturel. Ce n'est pas un hasard d'ailleurs que ce soit à Alger que le père de l'architecture moderne, Le Corbusier, a conçu les brise-soleils qui protègent des rayons les ouvertures de tous les pays chauds de la planète où l'on ne confond pas la transparence avec les apparences et la modernité avec le mimétisme. Mais apparemment, rien n'arrêtera la vitrification. Bientôt Alger ressemblera à un amoncellement de gros micro-ondes. Adieu Alger la Blanche. Bonjour Alger la Branchée. A l'électricité, faute de pensée.
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