Ain Témouchent - Domaine de Kéroulis	(Commune de Chentouf, Wilaya de Ain Temouchent)

CHENTOUF : Domaine de Kéroulis en Algérie (ancienne propriété de la famille Germain)



CHENTOUF : Domaine de Kéroulis en Algérie (ancienne propriété de la famille Germain)


Non loin de Témouchent et dépendant de la commune mixte était un douar-commune appelé Souf-et-Tell, « la laine des coteaux près de la mer » ; la laine est le symbole de la richesse, selon la tradition des nomades ; Un nom aux consonances bizarrement bretonnes, le Kéroulis, désignait une forêt voisine, terre domaniale. Des fermes furent créées sur des concessions de 60 hectares, aux environs de 1875-1880. Vers 1914, Robert Germain était possesseur de ces terres destinées primitivement à un centre de colonisation.
Le temps n’est plus celui des milliers d’hectares possédés par la société Anonyme de Kéroulis, c'est-à-dire par la famille Germain. Le domaine de Kéroulis a fini par être nationalisé, dépecé ou réparti entre ses anciens ouvriers. Ne le cherchez plus sur une carte, la commune de Kéroulis a changé de nom, mais vous trouverez facilement sur notre 3ème carte le nom arabe qui est immédiatement à l’Est de ceux d’Ain-Témouchent et de Chabat-El-Ham (« le ravin du carnage »). La photo aérienne du Kéroulis que nous reproduirons dans un autre de photos ne représente qu’une toute petite de l’immense domaine viticole du Kéroulis, fleuron d’une société anonyme cotée en bourse de Paris, en 1961, sans compter qu’il s’est agrandi. Le domaine de keroulis, malgré les résistances de l’administration locale, le domaine fut érigé en commune de plein exercice en 1956-1957, et comme il se doit le directeur du domaine fut élu maire : le plus grand domaine viticole de toute l’Algérie, 1400 hectares d’un seul tenant, propriété de la famille Germain qui possède aussi la société de la Mitidja, dont un domaine situé sur Laferrière est une filiale : magnifique réussite technique ; sur le plan humain.
Robert Germain, viticulteur de la Mitidja, c’est pour planter la vigne qu’il fit défricher systématiquement le terrain par des tacherons espagnols, payés, selon la coutume de la région, par le charbon de bois du défrichement. Le 8 décembre 1919 était fondée la société anonyme des domaines du Kéroulis, au capital de 12 000 actions ; le domaine comptait alors 1050 hectares, dont 5000, le cœur de la propriété, furent plantés en vigne, en quatre ou cinq ans, vraisemblablement de 1914 à 1919 ; ce centre du domaine était dans la plaine, et non sur les coteaux boisés. Dès 1922-1923, le domaine s’agrandit grâce à la location, et plus tard l’achat de terres appartenant au fameux colonel Ben Daoud[1], et à un autre Européen, Hugenin.
Aux environs de la seconde Guerre Mondiale, le domaine s’agrandit encore par l’acquisition de la ferme Saint-Auguste, de sorte que, d’après les renseignements receuilli sur place, sa superficie actuelle est d’environ 2300 hectares, dont 1350 sont plantés en vigne. On aura une idée plus juste de la richesse foncière de la Société Anonyme du Kéroulis et de la famille Germain en ajoutant que dans les communes voisines elle possède, sous une autre raison sociale, le domaine FIMA (financière immobilière agricole) situé sur la commune de Laferrière (162 hectares de vignes et 62 hectares de céréales), et le domaine de la Mitidja, situé sur la commune de Rio-Salado (200 hectares de vigne et 85 de céréales[2]). Par sa puissance financière, la société de Kéroulis est sans doute en Algérie, un Etat dans l’Etat : on le vit lorsque, malgré les administrateurs locaux, elle réussit à imposer, d’en haut, la création de la commune de Kéroulis, dont le maire fut tout naturellement le directeur du domaine. Pour le seul domaine de Kéroulis, la récolte, en 1960, était d’environ 110 000 hectolitres de vins et moût à plus de 13° ; cela faisait, me dit un administrateur de Trémouchent, un bénéfice net de plus d’un milliard d’anciens francs[3].
[1] Grand chef militaire de la « tribu » des Douair qui choisit le parti de la France dès 1832, obtenant d’importantes concessions de terrains séquestrés sur les Ouled-Zair, tribu rebelle. Toute l’Oranie connait un autre colonel Ben Daoud, sans doute descendant du premier, qui se serait suicidé parce qu’un affront, le jour d’une revue militaire, lui aurait appris qu’il n’était pas indigène naturalisé.
[2] La famille Germain a aussi des intérêts dans l’Algérois où, selon la revue Economie et politique de novembre 1955, elle contôlerait d’autres sociétés, Caid-es-Sebt, Sainte-Louise, Bel Hassen, Val-de-Louise, dont les terres couvriraient plus de 6000 hectares, dont 45000 plantées en vigne dans la Mitidja, sans compter les trois domaines »la Mitidja », dont nous avons mentionné le premier, mais dont l’ensemble couvrait, en 19555, 1150 hectares, dont 470 plantés en vigne. Ces sociétés jumelles ont encore des sœurs au Maroc, et, en France même, un domaine de 280 hectares d’arbres fruitiers.
[3] Il me semble que ce chiffre ne peut être atteint que par le revenu d’ensemble des terres, de l’arrondissement appartenant à la famille Germain ou aux sociétés anonymes qu’elles contrôlent. Seuls leurs livres de comptes pourraient nous permettre de le vérifier




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