Ain-Defla - SOCIETE

Fraction louroud, près d’el amra (Aïn defla), 200 familles livrées à la totale précarité




A environ 5 km du chef-lieu de la commune d’El Amra (ex-région de Kherba), distante de 16 km au nord-ouest de la wilaya de Aïn Defla, vivent dans la précarité totale plus de 200 familles.

En empruntant la route étroite et sinueuse légèrement en pente qui mène à la fraction Louroud, on ne peut que constater l’enclavement de cette région. Interrogés sur l’origine de l’appellation de ce bidonville, les habitants ont avancé plusieurs versions. D’aucuns parleront des « fleurs » ou encore de « ressources ». Ce dernier terme se rapproche davantage de la réalité, car cette région est réputée pour la fertilité de ses terres et surtout pour les nombreux cours d’eau qui la traversent tels les affluents Lebhar et Lekbir qui se jettent dans l’oued Lakhmiss. Par ailleurs, un vieux citoyen nous apprendra que les habitants de cette fraction des Beni Boukhaf forment des archs appelés Louroud. C’est dans les années 1990 que la plupart ont quitté leur montagne du côté de Beni Boukhalf dans cette zone frontalière avec la wilaya de Tipaza, qui a été le théâtre de nombreuses incursions terroristes et qui connaît encore de temps à autre de violents accrochages entre les éléments de l’ANP et les groupes armés. D’ailleurs, fera remarquer un citoyen, le risque terroriste n’est pas tout à fait écarté puisque dernièrement, à la suite d’un incendie, des éléments armés ont été observés. Fuyant donc la terreur, ces montagnards ont atterri en cet endroit en plein milieu d’orangeraies dont quelques arbres subsistent encore au milieu des gourbis comme un défi à l’envahisseur. A quelques mètres de là, l’oued Lakhmiss provoque souvent des inondations en hiver comme ce fut le cas en 2001 où toute la zone avait été déclarée sinistrée. En été, ce sont les déchets de toutes sortes que l’on déverse dans son lit qui constituent un véritable foyer de microbes pour cette population aux revenus nuls ou dérisoires.

Un quotidien misérable

Notre arrivée a provoqué une minitempête et les enfants nous ont vite adoptés chacun voulant nous inviter à voir de plus près son dur quotidien, mais également parce que notre venue inopinée a brisé un peu la monotonie de ce début de week-end particulièrement parmi les jeunes que nous avons rencontrés accroupis à l’ombre d’un mur pour se protéger d’un soleil de plomb. Mais par où commencer ? Ici, tous sont unanimes à dire que l’essentiel pour eux, c’est d’abord le droit à un logement décent digne d’un être humain. Or, dans ce baraquement, les bêtes partagent le même espace que leur propriétaire. D’ailleurs pendant que nous bavardions, une chèvre a passé la tête à travers l’entrebâillement d’une porte. Donc, le maître mot, c’est le logement. A ce propos, un autre citoyen accourt chercher des documents. Il s’agit de l’octroi d’une aide à l’habitat rural d’une valeur de 120 000 DA accordée en 1999. Sur le document, on peut lire la mention « Finition d’une habitation » ce à quoi répondent tous les concernés qui s’interrogent : « Mais comment peut-on finir une habitation qui ne répond à aucune norme de construction ? » Et d’ajouter : « 120 000 DA, est-ce de l’argent ? » En réponse, ces bénéficiaires ont demandé aux autorités locales de reconsidérer le montant de l’aide, mais leur proposition est restée lettre morte. Dans la foule, un enseignant prendra la parole : « J’exerce dans l’éducation depuis 21 ans. » Il nous montre son gourbi en ajoutant : « J’ai déposé ma demande de logement en 1989 et j’attends toujours. » En déambulant à travers les ruelles, des odeurs nauséabondes arrivent à nos narines. Ce sont des égouts à ciel ouvert émanant pour la plupart des habitations qui ne possèdent pas de réseau d’évacuation de leurs eaux usées. Les citoyens nous expliquent alors que des travaux ont été effectués avec l’aide de l’APC en 2001, mais de façon médiocre et expéditive, ce qui a donné un véritable gâchis. Un peu partout, de minces canalisations émergent ici et là, des raccordements, faits par les habitants pour amener l’eau d’un forage entouré d’ailleurs d’eaux usées. Selon nos interlocuteurs, l’eau de ce puits est déclarée impropre à la consommation. Mais que faire ? ont-ils ajouté. A propos d’eau justement, ils diront que la principale pompe qui alimente une bonne partie de la région tombe souvent en panne particulièrement en été, ce qui les oblige à aller chercher le liquide ailleurs en utilisant les brouettes et des ânes. Un autre problème se pose en été, c’est celui des incendies qui se déclarent spontanément à cause de la forte chaleur et des matériaux utilisés pour la construction des gourbis. Un vieux, qui a vu récemment son habitation complètement détruite par le feu, dira ne pas avoir eu le soutien des autorités locales de cette commune dont dépend la fraction Louroud. Rappelons que la municipalité d’El Amra connaît, depuis les résultats du scrutin du 8 avril dernier, des déboires à n’en plus finir. Actuellement, c’est le vice-président qui se trouve à la tête de l’APC après la démission de son P/APC. A ce propos, des jeunes diront être victimes de magouilles politicardes, car ils avaient accordé leur voix aux membres du RND dans cette APC FLN tendance pro-Benflis. Cependant, dans la famille Salah Yekhlef un vieux tout en guenilles qui tient absolument à être nommé, on affiche un soutien sans retenue au président Bouteflika. En effet, les mains tremblantes, le vieux exhibe fièrement des cartes portant l’effigie du président et espèrent que ce dernier tiendra ses promesse de campagne et les aidera à améliorer leur situation sociale. Accroché à un mur en toub, mais néanmoins peint à la chaux, un dessin d’enfant accompagne un slogan en faveur de Bouteflika. Ici, vivent plusieurs membres d’une même famille. L’un d’eux père de 7 enfants est contraint de travailler à Alger car ici le chômage bat son plein. Une nouvelle fois, le vieux intervient pour nous faire savoir qu’il paie la bouteille de gaz butane à 200 DA. Un prix qu’il trouve excessif par rapport à ses maigres revenus. Pour l’électricité, le problème ne se pose pas, mais les gens trouvent les factures trop élevées et se débrouillent au système D pour l’avoir. Inutile de dire qu’il n’existe pas ici de réseau téléphonique malgré l’existence d’un PC de gardes communaux et d’une école primaire. Pour effectuer leur opération téléphonique, les gens se déplacent à El Amra. De plus, en l’absence de champ, le portable ne fonctionne pas.

Une mariée dans un gourbi

La salle de soins est tenue par un infirmier dont la présence n’est pas permanente selon les témoignages. Rencontré sur place, l’infirmier dira que plusieurs médecins ont été affectés à Louroud depuis 2001 mais sitôt partis, il ne reviennent plus invoquant le problème de l’éloignement. Il ajoutera amer : « Mais être médecin, c’est d’abord manifester un élan d’humanité avant tout. » A propos des pathologies qui existent dans la région,il nous fera savoir qu’elles sont en rapport avec le dur quotidien de cette population à savoir, la gale, la varicelle... Par ailleurs, il révélera que 3717 injections ont été effectuées en 2002 contre 2961 en en 2003. Par miracle, ajoutera notre interlocuteur, pour le moment on n’enregistre par de maladies à transmission hydrique ou de tuberculose, car en l’absence d’un réseau d’assainissement fiable et dans les conditions d’habitat actuelles, la population n’est pas à l’abri de graves maladies. Mais qui sait en l’absence de consultation et de dépistage sachant, comme le soutiendra également l’infirmier, que les gens sont trop pauvres pour se diriger vers les privés. Concernant la scolarité, collégiens et lycéens se dirigent vers leurs établissements situés à environ 6 km. Certains lycéens fréquentent des établissements à Aïn Defla en raison de leur filière. Les parents, quant à eux, déplorent les prix pratiqués par les transporteurs privés qui exigent 10 DA au lieu de 5, selon les intervenants. Une écolière dira ne pas avoir les moyens de s’acheter livres et cahiers. Signalons que beaucoup d’entre eux ont rejoint tardivement les bancs de l’école. Notons que la situation est rendue extrêmement difficile en hiver dans cette région soumise à de violentes rafales de vent et aux inondations en l’absence de murs pour retenir les eaux et d’arbres pour faire barrage aux vents. En quittant Louroud, on croise un cortège nuptial. Déclinant poliment l’invitation d’un membre de la famille du marié, on entendra tout de même sa remarque : « Voyez cette mariée, du reste très jolie dans sa robe blanche, elle franchira dans quelques instants le seuil d’un gourbi. » Mais un autre ajoutera : « Heureusement que les jeunes filles dans cette région ne sont pas exigeantes. » A quelques mètres, se trouve le village socialiste El Qaria inauguré en 1975 par le défunt président Houari Boumediène qui abrite plusieurs familles vivant dans des conditions certes moins difficiles mais tout aussi précaires en raison de la promiscuité qui y règne et de certaines habitations dont la durée de vie est arrivée à terme. En conclusion, il est à espérer que le plan local de l’habitat et de l’urbanisme défini pour une période de cinq années (2004/2008) et dont l’objectif est également la résorption de l’habitat précaire tiendra compte des revendications de la population de Louroud, car pour tout l’or du monde, ces gens-là ne voudraient retourner à la vie montagnarde.

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