Algérie - Revue de Presse

Et si le ciel recouvrait le pays de bonheurs, en cette nouvelle année.



Publié par Le Soir d’Algérie le 13.01.2021

Par le Pr Baddari Kamel(*)
Le bonheur est quelque chose que l’être humain veut avoir. Il se fixe un but dans la vie pour nourrir l’espoir d’y accéder et se donne un temps généralement long pour l’atteindre. Il fait des études, obtient des diplômes, se marie… et une fois le but atteint, il constate le plus souvent qu’il n’y accède pas totalement mais simplement à une partie, voire une portion congrue du bonheur par rapport à ce qui a été espéré.
L’explication est que le bonheur dépend de plusieurs facteurs sociopolitiques, autrement dit, le bonheur se construit à un niveau collectif et pas seulement à un niveau individuel. Un homme isolé sur une île avec tous les conforts du monde ne peut être heureux. Il a besoin des autres. C’est ce qui fait dire au sociologue que le bonheur se réalise dans la société et qu’il nourrit le groupe. Seul l’État est censé créer les conditions pour le bonheur collectif par des politiques orientées vers le bien-être de sa population en créant les structures sociales et culturelles indispensables à la participation de chacun au bonheur. Nous sommes amenés dans ces quelques lignes à nous questionner sur ce que c’est qu’un Etat heureux et de voir ce qui pourrait consolider son but de rendre sa population heureuse.
Alors, qu’est-ce qu’un État heureux ?
Un État heureux est un État où sa population a atteint un niveau appréciable de participation au bonheur en se sentant à quel point sa vie est proche de celle qu’elle voudrait avoir. Pour renforcer, de la manière la plus accrue, cette manifestation à l’accès au bonheur par sa population, l’État définira des politiques acceptées de tous et des systèmes de gouvernance les plus appropriés en mettant en place les structures et les institutions les plus adaptées. Il est démontré que quelles que soient la culture ou les traditions dans lesquelles il se trouve, l’État doit, pour être heureux, avoir un système électoral efficace qui ne suscite aucun bouillonnement auprès de la population lors des élections. Ce code électoral devra favoriser les référendums populaires et la participation à la vie civique car ceux-ci rendent les citoyens plus heureux en mettant en avant l’utilité qui en découle et la manière dont les résultats sont obtenus. L’État devra mettre en place des structures démocratiques débarrassées dans les faits de toute bureaucratie, menées par des hommes et des femmes ayant comme critères le patriotisme et la compétence. L’État devra aussi doter le pays d’un système de santé offrant des prestations de soins de qualité et doté d’infrastructures, de matériels médicaux et de médicaments répartis sur tout le territoire national, un système éducatif avec une pédagogie douce aussi bien au niveau de l’éducation qu’à ceux professionnel ou universitaire.
L’État devra aussi, pour être plus heureux, réduire les inégalités entre les genres, assurer la répartition équitable, réactive et transparente des richesses tout en cherchant à satisfaire ou améliorer le sort de ceux qui sont les moins satisfaits en créant de la cohésion sociale et, très important, intervenir pour solutionner les crises et non seulement se contenter de les gérer.
Une solution à la crise permet d’anéantir ses méfaits tandis que sa gestion n’est en fait qu’un euphémisme de la persistance de la crise. Les économistes et les sociologues nous enseignent que lorsque la démocratie règne, lorsque la participation à la vie civique et publique est plus importante, lorsqu’on fait appel au civisme et à l’optimisme plutôt qu’à la peur, lorsque les institutions sont stables et légitimes… le bonheur est plus élevé dans le pays, et l’État ne peut être qu’heureux.
La crise, élément de l’anti-bonheur ?
La crise est dans toutes les bouches ! Si le terme bonheur est utilisé en lieu et place de la crise, la société se porterait nettement mieux. La crise est une période où l’individu passe par plusieurs états allant du désespoir, de l’abattement, de la résignation, de la colère, de la frustration... et mettrait l’individu dans une situation où il cède facilement aux tracas de la vie et perd l’appréciation des petites choses de la vie qui créent le bonheur. Il devient stressé et stressant.
C’est à l’identique pour un État. Celui-ci perd son indépendance dans ses relations avec les autres États. Présenté en tant que tel, le passage de la crise au bonheur n’est pas un simple fait de substitution. Bien plus que cela. Si les portes de sortie d’une crise sont expliquées dans les livres et enseignées à l’université, lorsqu’on n’arrive pas à trouver la porte de sortie, c’est qu’il y a une carence dans les approches, postures et attitudes à adopter face à une crise. Une crise qui persiste réunit tous les ingrédients de l’anti-bonheur.
À notre humble avis, on arrive à cette situation lorsqu’on se contente de gérer la crise au lieu de la solutionner. Il faut combattre la notion de frustration relative, ouvrir la voie à une conception plus sociologique du bien-être basée sur le collectif et pas sur l’individuel. Mais combattre une crise n’est pas simplement le fait du gouvernant, autrement dit l’État est-il responsable du bonheur de chacun ? L’État est appelé à cet égard à révéler ce que sa population veut, ce qui la rend heureuse. Il ne s’agit pas d’apporter une solution systématique à tous les domaines mais toujours envisager l’intervention de façon pragmatique en fonction de l’adaptabilité et des résultats obtenus pour chaque problème.
L’autre facteur du bonheur : l’université et la recherche scientifique
Depuis Eureka jusqu’à l’invention du vaccin anti-Covid, la recherche scientifique maîtrisée et bien pensée a toujours été un élément du bonheur de la population car toute recherche est une aventure et que les gens aventureux sont les plus heureux.
L’État heureux est celui qui permet à l’étudiant, au chercheur et à l’enseignant, en fait une part très importante de sa population, de gravir des échelons avec motivation, de sortir de la routine et de la fragilité dans lesquels ils se retrouveraient s’ils étaient démunis de ce facteur indispensable au développement et au bonheur du pays.
L’efficacité d’une recherche scientifique n’est pas réduite à des montants et à des crédits colossaux. La prise en charge rationnelle des ressources humaines existantes et l’utilisation intelligente des possibilités de la diaspora peuvent être des conditions pour une recherche scientifique efficace, qui aide le pays à faire le bon choix et à concrétiser les options politiques, socio-économiques, culturelles et techniques qu’il fait pour son développement.
Tout comme elle lui permet d’atteindre au moins les objectifs suivants : connaître et maîtriser ses possibilités, ses richesses, ses potentialités et ses faiblesses, développer, innover et adapter ce qui existe, participer au progrès mondial des connaissances…
En conclusion
Le bonheur est quelque chose qui se vit et qui s’accomplit par la satisfaction matérielle et la relation avec les autres car on n’est jamais heureux sans les autres.
Un État heureux est celui qui permet que s’édifient les qualités d’un individu heureux, à savoir la détermination, le sens du contrôle, l’optimisme et la motivation, la stabilité émotionnelle et de conscience et, enfin, la qualité des relations sociales. Tout au long de ces quelques lignes, nous nous sommes intéressés à la relation bonheur et politique. Si l’État n’est pas responsable du bonheur de chacun, il est, en revanche, responsable des conditions à mettre en place pour que chacun puisse construire son bonheur dans la société.
Alors, in fine, en cette nouvelle année que nous espérons la meilleure pour notre pays, nous souhaitons à chaque lecteur du quotidien Le Soir d’Algérie de recevoir des évènements heureux et qu’il sache se tourner vers eux à la manière du tournesol qui reçoit la lumière et se tourne vers elle, ce qui donne de la joie au cœur de la fleur et des rayons de soleil à ses pétales.
K. B.
(*) Professeur des universités. Expert de l’ESRS et conduite du changement.

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