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En Algérie, l’éveil politique de toute une génération



En Algérie, l’éveil politique de toute une génération


À Alger, manifestation monstre contre la décision du président algérien Abdelaziz Bouteflika de reporter les élections. Photo AFP

Mobilisés dans la rue contre le maintien au pouvoir de Abdelaziz Bouteflika, les jeunes se forment en parallèle aux questions politiques, dans la perspective d’une transition démocratique.

Le regard studieux camouflé derrière des lunettes noires, Nassima griffonne quelques mots-clefs à l’encre rouge sur un carnet. « Je suis novice en politique mais je refais mon retard », chuchote la jeune femme de 23 ans, qui avoue avoir pris connaissance de la Constitution algérienne cette semaine seulement. « Je l’ai enfin lue en entier et j’y ai appris beaucoup de choses sur nos droits et nos devoirs. Je comprends mieux le mécontentement populaire », admet l’étudiante en cinquième année, installée dans l’une des dernières rangées de l’amphithéâtre de l’École d’architecture et d’urbanisme d’Alger (EPAU).

Dans cet espace conçu par le Brésilien Oscar Niemeyer et construit en béton armé, ils sont une cinquantaine d’étudiants à suivre tout aussi attentivement la conférence, qui clôt un cycle inédit de débats sur la crise politique que traverse le pays depuis le 22 février dernier. Un programme d’une semaine entièrement élaboré par un groupe d’étudiants volontaires, issus de l’EPAU. « Cet après-midi, nous échangeons autour de la démocratisation de l’architecture. Nous avons organisé les précédents jours des ateliers sur la représentativité pendant les périodes transitoires ou encore sur la définition de certains concepts constitutionnels », souligne Camélia, qui fait partie de l’équipe d’organisation. « Nous ne sommes ni un comité ni un syndicat. Tout s’est fait de façon très spontanée. Nous sommes seulement un regroupement d’étudiants désireux de combler un manque d’informations et de connaissances sur les enjeux actuels », précise l’étudiante de 23 ans, aux boucles brunes volumineuses. À ses côtés, Zaky, habillé d’une parka bleue, renchérit : « Nous ne voulons ni orienter ni encadrer le mouvement de contestation, mais seulement offrir un espace transgénérationnel et pluridisciplinaire d’échanges de savoirs et d’opinions pour aider des étudiants qui étaient dans le flou », explique le jeune homme aux cheveux châtain.Dès l’émergence du soulèvement populaire contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat, puis contre la décision du chef d’État d’annuler l’élection présidentielle, prévue le 18 avril, et de se maintenir à son poste indéfiniment, les étudiants ont été en première ligne. Ils sont des dizaines de milliers, si ce n’est des centaines, à se mobiliser quotidiennement contre le statu quo politique, dans lequel le pays est engoncé depuis 1999 et l’accession au pouvoir de Abdelaziz Bouteflika. Outre la tenue de marches imposantes dans les rues, les étudiants ont décidé d’occuper les campus universitaires, et ce malgré la fermeture des établissements pour cause de vacances anticipées. Une mesure décidée dans la précipitation le 9 mars courant par le ministère de l’Enseignement supérieur. « Le gouvernement a décidé de changer le calendrier des vacances du jour au lendemain, en fermant manu militari les restaurants universitaires et en stoppant le transport pour étudiant, afin d’affaiblir le mouvement populaire de contestation et marginaliser les étudiants. Mais ça n’a pas fonctionné. Pour la première fois de ma carrière, j’ai vu des étudiants refuser des vacances ! » sourit Halim, professeur de technologie au regard bleu azur, qui enseigne à Tlemcen, à environ 500 km à l’ouest d’Alger. « Nous ne sommes pas en vacances mais en grève », insiste ainsi Camélia.

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