Algérie - Céréales

EL-BAYADH : Enquête sur les labours sauvages



Nul n’ignore que l’ouverture officielle, aussi bien de la chasse, des labours-semailles ou de toute autre campagne, est régie par des arrêtés de wilaya.

Elle est limitée dans le temps et dans l’espace et ses prescriptions sont clairement définies. A l’inverse du nord du pays, frappé en ce début de saison froide par une dure sécheresse, la wilaya d’El-Bayadh, y compris ses régions les plus arides de l’extrême sud, jusqu’aux confins de son territoire, a été gracieusement arrosée durant tout le mois de novembre écoulé, après le passage d’une série d’orages et de chutes de pluies torrentielles. 9 millimètres d’eau ont été enregistrés pour ce seul mois, une exception, en pareille période, durant toute une décennie. Le miracle s’est produit pour des milliers d’éleveurs en quête de pâturages, à la tête de leurs troupeaux d’ovins, venus des wilayate de Djelfa et de Tiaret qui essaiment le sud de la wilaya en cette saison automnale. Des convois de camions chargés de bêtes défilent à longueur de journées sur les pistes de la zone pré-saharienne, soumis par les petits fellahs des daïrate d’El-Bayadh, Boualem et El-Abiodh, au parcours du combattant pour regagner les pâturages du flanc sud des monts des ksours. Ces petits fellahs, bénéficiaires des largesses du programme FNRDA, abusent outrageusement et sans retenue des modalités pratiques de mise en valeur des terres qui leur ont été concédées à titre exclusif et exceptionnel pour le maraîchage, en introduisant la céréaliculture dans leurs activités agricoles par l’emblavure et le labourage de milliers d’hectares de terres. Bien pire encore que cela, ils pratiquent la mise en défens de leurs «territoires» bien au-delà des limites qui leur sont concédées, pour interdire les accès aux pâturages par des labours sauvages.

 Ces mêmes petits fellahs, qui possèdent, grâce au soutien financier de l’Etat par le biais du FNRDA, tous les équipements techniques et le matériel concernant les équipements hydro-électriques, savent pertinemment que même l’activité de la céréaliculture sur leurs parcelles est soumise à des engagements signés par eux, notamment ceux liés à l’utilisation des pivots mobiles pour l’arrosage des champs, ce qui n’est nullement le cas aujourd’hui.

 Pour leurrer les services de la DSA (Direction des services agricoles) et ceux de la Conservation des forêts, une clôture en barbelés, un bassin et un carré d’oignons sur des terres incultes et stériles, ces petits fellahs ne manquent pas d’imagination pour étendre leurs activités agricoles et labourer ainsi des milliers d’hectares et les mettre à l’abri. Cette pratique a fait tâche d’huile sur toute l’étendue des 8 daïrate de la wilaya à vocation foncièrement pastorale, ce qui a fait dire à un éleveur que le mouton ne retrouve plus sa place dans les hautes plaines steppiques. La complaisance des élus communaux, préoccupés par les échéances électorales prochaines, fait qu’ils n’osent pas se risquer sur ce dossier épineux des labours, de peur, nous dit-on, de laisser des plumes. L’exemple le plus frappant de cette menace qui pèse sur les parcours, sur la biodiversité et son équilibre écologique, se situe dans la région M’rires-El-Houdh (El-Bayadh Stitten, El-Oudiene (Boualem), Boukhit, (Bougtob) et Hassi Labiadh (El-Abiodh). Aucune commune n’a été épargnée par ces labours sauvages. Depuis le début du mois de novembre dernier, le soc de la charrue tractée mécaniquement lacère la steppe, devenue la proie de petits fellahs avides d’étendre leurs lopins de terres, imités en cela par des petits fellahs propriétaires de terres «Arch», exception faite de la commune de Kerakda (Brézina) où, selon le maire de la commune, aucune exploitation agricole à des fins de céréaliculture n’a été tolérée. De son côté, la wilaya a mis sur pied des commissions locales pour mettre un terme à cette dégradation massive des terres. 25 cas d’entorse à la mesure d’interdiction des labours ont été recensés par la Conservation des forêts et seront soumis à la justice. Bien au début du mois d’août dernier, le conservateur des forêts s’était opposé seul à des milliers de petits fellahs récalcitrants ainsi qu’aux éleveurs sédentaires, en l’absence des élus locaux indulgents sur la pratique de l’emblavure des terres. Mais lorsque le voile est tombé, les mauvaises intentions des éleveurs n’étaient un secret pour personne et il était d’ailleurs presque trop tard. La transhumance du cheptel dans le sens Nord-Sud était brusquement freinée par le verrouillage systématique des points de passage.

 De son côté, M. Mohamed Ziane, wali de la wilaya, a tapé fort du poing sur la table en interpellant les élus locaux sur la gravité de la situation et l’ampleur prise par les labours sauvages, réitérant son message de fermeté sur la nécessité de mise en défens et de protection des parcours. Mais lorsque ces mêmes élus font la sourde oreille en pensant aux puissants pouvoirs des chefs de tribus et leur poids sur le résultat des urnes, ils ferment les yeux ou détournent leur regard du milieu rural. Le rôle des élus locaux des 22 communes de la wilaya, n’est-il pas d’accorder la priorité à la sauvegarde et à la protection du patrimoine environnemental de leurs communes respectives, pour préserver l’élevage ovin en tant qu’unique ressource vitale des populations nomades ? Mais, comme nous l’a rappelé un ancien éleveur de la région, ces élus locaux sont tous des fils de la steppe et possèdent des moutons et des terres qu’ils préfèrent leur servir de grenier pour leur cheptel, en concluant ainsi par: «A qui veux-tu lire ton Zabor ya Daoud».

 Un nomade c’est le chacun pour soi, et le labourage des terres n’est que le jalonnement des limites territoriales des terres «Arch». Seuls la sécheresse, le gel et les vents de sable pourront atténuer cette pratique. Toutes les opérations de sauvetage des hautes plaines steppiques entreprises en simultanéité par la DSA, la Conservation forestière, la direction de l’Environnement et le HCDS risquent d’être vouées à l’échec. Les labours sauvages ont de fâcheuses conséquences sur l’avenir de la steppe, et il est grand temps pour circonscrire ce fléau qui gangrène les hauts Plateaux.





vous avez raison. ya t il kelkun ki a des photos de la preservation des hauts plateaux
ali - chauffeur - monteal, Canada

25/07/2011 - 17317

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