Algérie - Parc et sites naturels, zone humides

Classement en aire protégée de Cap Bougaroune-Oued Zhor: Un immense sanctuaire de la biodiversité



Classement en aire protégée de Cap Bougaroune-Oued Zhor: Un immense sanctuaire de la biodiversité




La région, qui demeure assez méconnue des universitaires, recèle un impressionnant couvert végétal, avec en dessous, un sous-bois bien développé et une très riche biodiversité.

Il y a des fois de bonnes nouvelles dans cette wilaya. De très bonnes même. On apprend que l’Etat algérien s’est finalement rendu compte que Skikda abrite une aire naturelle des plus belles, des plus riches et des plus importantes du pays ; celle allant du Cap Bougaroune à Collo jusqu’à Oued Zhor, aux limites frontalières avec la wilaya de Jijel.

«Le projet enregistre de belles avancées», a-t-on appris auprès des services de la direction de l’environnement de la wilaya de Skikda.

«L’étude est actuellement à sa deuxième phase, celle du diagnostic écologique et socio-économique après celle, déjà achevée et relative à l’état initial et à la délimitation. Ces deux phases ont énormément conforté notre volonté de protéger une biodiversité des plus importantes du pays», notent les mêmes services.

Selon les explications fournies, l’aire à protéger se situe le long de l’imposant massif forestier de Collo et s’étend vers le sud. Elle englobe les territoires de sept communes du grand massif: Collo, Béni Zid, Chraïa, Zitouna, Kenouaâ, Ouled Attia, Khenak Mayoune et Oued Zhor et s’étend, initialement, sur une superficie de près de 50.000 ha dépassant de loin le parc national Taza de Jijel.

Le comité de pilotage, à pied d’œuvre depuis plusieurs mois déjà s’est réuni, jeudi dernier pour permettre au bureau d’étude Envi-Consult de Bejaia de présenter la deuxième phase de l’étude et d’enclencher par la même occasion la dernière phase visant à élaborer un plan de gestion.

A la lumière de ces informations, on déduit facilement que le projet a de fortes chances d’aboutir au grand bonheur des écologistes de tous bords.

Mais quelle est l’essence de ce projet ?

Qu’apportera-t-il de plus ?

Et pourquoi donc avoir spécifiquement opté pour cette région ?

Pour répondre à ces questions, on a pris attache avec Rafik Baba Ahmed, universitaire et membre de l’équipe scientifique du bureau Envi-Cosult, que dirige Dr Ahmim Mourad.

«La région étudiée est très particulière de par sa situation, le Cap Bougaroune représente déjà à lui seul le point le plus profond de l’Algérie. Il y existe un impressionnant couvert végétal avec en dessous, un sous-bois bien développé. Malheureusement, c’est une région qui était assez méconnue et qui n’a pas eu la chance d’attirer les universitaires contrairement à d’autres régions du pays. Au départ, on ne disposait que de très peu de connaissances, mais à priori et avec les sorties effectuées et les collectes qu’on a réussi à faire, nous sommes absolument persuadés qu’on est en face d’un sanctuaire de la biodiversité», estime-t-il.

Les premières conclusions de l’étude mentionnent déjà «la présence d’une faune et d’une flore remarquable, se distinguant par la présence d’espèces à valeur patrimoniale certaine, en raison de leur statut de protection, leur endémisme ou leur degré de rareté»

Une reconnaissance mondiale

M. Baba Ahmed a tenu également à mettre en exergue l’immense beauté des paysages.

«Le versant sud du Mont Goufi est pratiquement le plus préservé. Seulement en poussant plus au nord, vers les villages de Ouled Attia et Khenak Mayoune, on retrouve malheureusement les traces du défrichement et les dégâts liés à l’urbanisme, comme partout dans le pays d’ailleurs, néanmoins cela n’enlève en rien à l’importance de cette aire», estime-t-il.

Selon l’étude, cette immense région abrite quelques écosystèmes qui démontrent l’importance des potentialités naturelles. On y trouve, à titre d’exemple, une prédominance des forêts de chêne liège en plus de forêts ou se mélangent le chêne liège, le chêne zen ainsi que des pinèdes.

Cette richesse permet, naturellement, à cette zone d’abriter des plantes remarquables, «soit par leur degré de rareté et endémisme ou en isolats géographiques», précise-t-on dans l’étude.

Un fait qui a permis à la presqu’île de Collo de figurer dans la liste mondiale «des 22 zones importantes pour les plantes (ZIP) identifiées pour le nord de l’Algérie».

Cette diversité constitue un vecteur important permettant de faire de ces lieux un habitat exceptionnel pour une autre richesse; la biodiversité animale.

A titre exclusif, Baba-Ahmed révèle que «sur les 110 espèces de mammifères protégées en Algérie, on a déjà dénombré dans la zone d’étude 30 espèces appartenant à 8 ordres et 18 Familles, soit 27.27% du patrimoine mammalogique du pays et on s’attend à en découvrir d’autres espèces encore».

On apprend ainsi la présence de plusieurs espèces animales comme le serval, déclaré pourtant comme une espèce éteinte, l’hyène rayée, actuellement en danger, la loutre, une espèce très rare qu’il faut préserver en urgence, le phoque moine de la Méditerranée, mondialement protégé et d’autres espèces encore comme le singe magot, la belette, la genette, le porc-épic, le hérisson d’Algérie, la mangouste, le dauphin commun et plusieurs autres espèces de chauve-souris.

A la recherche de la truite de Oued- Zhor

La zone d’étude reste également importante pour l’hivernage des oiseaux, comme le mentionne l’étude qui rapporte qu’en hiver, 49 espèces sont recensées. Mais le clou de cette richesse reste bien sûr, la fameuse truite d’Oued Zhor.

A ce sujet, on apprend qu’il y existe au niveau de ce oued «une truite de souche algérienne, unique représentant de cette espèce de poisson pour l’Afrique du Nord, car il existe aussi une souche Corse.

C’est une espèce très rare et endémique exceptionnelle, existant depuis des millions d’années, les premières études Duméril 1858 stipulent qu’elle est caractérisée particulièrement par sa ponctuation et il dit sur la truite algérienne: Une truite rare, belle et rebelle à forte valeur patrimoniale».

Le projet de cette aire ne se limitera pas à la seule partie terrestre. Une partie marine aura elle aussi à se faire comme le mentionne M. Baba Ahmed «par définition, les aires protégées terrestres se prolongent dans le milieu marin».

Pour conclure, il tiendra à relever que cette biodiversité reste actuellement «sérieusement menacée par les incendies, les défrichements, le surpâturage et l’urbanisation anarchique».

Le projet de classement en aire protégée est donc venu à temps. Il aura, comme le souhaitent ses initiateurs à préserver cette richesse en optant pour «des actions de développement durable des écosystèmes naturels, dans le cadre d’une approche participative».

Il était vraiment temps.


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