Algérie - Radio et télévision

Chaînes privées arabes : et l’Algérie ? Le ciel du maghreb convoité


Imaginez un match de foot Chelsea-FC Barcelone retransmis à 20h sur une chaîne de télé algérienne. Inconcevable ? Pas tant que ça… En dix ans, la multiplication des chaînes privées à destination du public arabe il en existe quelque 200 sur le satellite dont l’incontournable Al Jazeera, depuis peu en version anglaise a bouleversé le paysage audiovisuel.

En particulier au Maghreb où les investisseurs lorgnent avec envie cet énorme gâteau publicitaire évalué à 300 millions d’euros cette année et 700 millions en 2009. Les Marocains ne s’y sont pas trompés : le 1er décembre, Medi 1 Sat, la première chaîne privée du pays, a été inaugurée. Ses ambitions : diffuser, depuis Tanger, de l’information en continu et s’autoproclamer très vite " première chaîne d’information du grand Maghreb et de la communauté maghrébine en Europe ". Même la Tunisie, depuis 2005, a la sienne : Hannibal TV. Mercredi 6, à son tour, la France lançait une autre chaîne consacrée à l’actualité, mais cette fois sur Internet, France 24, promettant d’ores et déjà un canal en arabe pour 2007. Indifférente à l’effervescence générale, l’Algérie refuse pour l’instant, d’après les déclarations du ministre de la communication, de s’ouvrir aux chaînes privées ou semi-publiques. " La raison en est toute simple : ce type de média dérangerait le pouvoir en place, explique un proche du ministère de la communication. Le gouvernement garde un souvenir amer de la chaîne de Khalifa qui causa beaucoup de tort à Abdelaziz Bouteflika. " D’après un ancien journaliste de l’Entreprise nationale de télévision, cette crispation serait due à la mentalité des dirigeants algériens qui ont connu le maquis. " Pour eux, mieux vaut trois quotidiens qui les critiquent qu’une image télé négative passée en boucle. Pourquoi Al-Djazira a ouvert son bureau régional au Maroc ? Parce que l’Algérie n’en a pas voulu. Résultat : on a laissé partir des millions de dollars et des milliers d’emploi mais et surtout, les messages que l’Algérie tient à faire passer -sur les relations entre le nord et le sud, le Sahara occidental… ne sont pas représentés pendant qu’on laisse la parole aux opinions marocaines. " L’Algérie pourra-t-elle résister longtemps aux sirènes de l’audiovisuel ? Evidemment non, assurent en chœur les professionnels du secteur. " Un pays ne peut se faire respecter que s’il a les moyens d’être influent, comme le prouve l’expérience du Qatar avec Al-Djazira, analyse Pierre Casalta, le patron de Médi 1 Sat. A notre époque, il est contre productif de vouloir " bunkeriser " l’information, car le citoyen va la chercher ailleurs. " D’autre part, les retombées économiques liées aux 80 millions de téléspectateurs du Maghreb dont 35 millions en Algérie et à la très forte audience en France- ont de quoi séduire. " Ce n’est pas un hasard si les chaînes du Moyen-Orient ont des bureaux régionaux au Maghreb, poursuit-il. Dans les années à venir le Maghreb constituera un ensemble puissant, et celui qui s’y imposera est celui qui saura occuper la place le premier. " Dans les bureaux de l’Entreprise nationale de télévision, un cadre dédramatise. " Même si la tendance n’est pas à l’ouverture, nous avons les moyens de garder notre public en lui proposant un produit unique 100% algérien : films, documentaires, sport… N’oublions pas que Canal Algérie est la première chaîne arabe regardée en France. " Cinq chaînes thématiques -jeunesse et sport, business, savoir, tamazight et région centre- finalisées mais pour l’instant non autorisées, devraient à l’avenir redynamiser la télé algérienne. A défaut de lui rendre son statut originel de reine de l’information. " Cinquième télévision publique à être diffusée par satellite, l’Entv était dans les années 90 à la pointe de l’information dans le monde arabe et une des rares télés présentes sur le terrain pendant la guerre du Golfe ", rappelle un ancien journaliste de la maison. Mais assurer la couverture de l’actualité 24 heures sur 24 coûte cher. " Trop cher !, se défend un cadre de l’Entv. Nos trois chaînes fonctionnent avec 30 millions d’euros par an. France 24 dispose de 88 millions et Al Jazeera de 500 millions ! " Sollicité pour répondre à nos questions, le ministre de la communication reste injoignable. " Le champ médiatique algérien est en train de s’asphyxier. La Mauritanie, avec ses nombreux projets, va nous dépasser ! , ironise l’ancien journaliste de l’Entv. Mais je suis sûr que tôt ou tard, l’Algérie devra s’ouvrir au privé. " A charge des politiques de le comprendre. " Et de tirer des leçons de l’histoire, conclut-il. Soixante-dix ans de télé propagande en Europe de l’est n’ont pas empêché le mur de Berlin de tomber... "




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