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C'EST MA VIE Il était une fois la bonne fougasse de ammi Z'biri




Les Guelmis, fins gourmets, notamment ceux ayant une forte mémoire gustative, vous diront que la meilleure pizza de tous les temps à Guelma, ou la bonne fougasse, comme préfèrent l'appeler les citadins, se dégustait au bon vieux temps chez ammi Z'biri, un préparateur-vendeur ambulant.
Sa réputation dépasse largement le cadre de cette cité antique. D'aucuns considèrent que la fougasse de Z'biri est profondément ancrée dans l'univers gastronomique de cette région de l'est algérien. Monsieur Pizza de Guelma vendait son produit dans un petit véhicule traditionnel, aménagé spécialement pour cette activité commerciale, constitué essentiellement d'un coffre tollé dont l'étage inférieur est garni de braise allumée, histoire de conserver la pizza chaude et croustillante pendant toute la journée. Le fameux carrosse de ammi Z'biri est devenu au fil du temps une escale gastronomique savoureuse, il sillonne les principales artères du centre-ville, de la boulangerie de ammi Larbi, dans la rue Larbi-Ben-M'hidi, jusqu'à la placette du centre-ville, en passant par le boulevard Souidani-Boudjemaâ, le café d'Alger, Rahbet Ezeraa, Ali-Chouchanna. Il s'agit là d'un itinéraire que les fins gourmets ont appris par cœur. «La fameuse pizza traditionnelle aux anchois, préparée par mon père, obéit à une recette précise, mais surtout magique, du fait que personne n'a jusqu'à présent pu la réussir, moi y compris. Elle est garnie de tomates fraîches et d'anchois préparés à la maison, sa pâte ne doit pas dépasser les 3 mm d'épaisseur, elle est étalée à la main dans le fameux plateau rectangulaire. Sa cuisson se fait à petit feu dans un four traditionnelle à charbon de bois, chez ammi Larbi, près du faubourg de la gare de Guelma, mon quartier natal, et parfois du côté de Djemaâ Laghriba, chez Mahmoud Ejijli, ammi Bata Neffa», nous révèle Toufik, son fils aîné, qui gère une pizzeria à Guelma depuis plusieurs années. Ce dernier ajoute que «c'est un pied-noir d'origine italienne, installé à l'époque à Guelma, qui lui a appris ce métier, c'était au début des années 1930». Ammi Z'biri s'est également lancé à la fin des années 1960 dans la préparation des caldis, des petits chaussons à base de pâte feuilletée, au fromage ou aux anchois, une denrée s'inspirant des recettes d'origine méditerranéenne et plus particulièrement marseillaise, qui, du coup, a pris la place du casse-croûte typiquement guelmi. Ils se vendaient à l'entracte et devant les sorties du cinéma le Triomphe (ex-Arella) du centre-ville.
«Le carrosse de ammi Z'biri atteint rarement le quartier Bab Es-Souk, sur les hauteurs de la ville. En général, il est pris d'assaut à son arrivée au café d'Alger par des clients enflammés d'un désir ardent de goûter ses délicieuses recettes.»
Les célèbres cris de ammi Z'biri, «caldis, caldis…», font claquer les mâchoires et convoquent illico la salive pavlovienne chez les cinéphiles. Larbi, un boucher autochtone du quartier El-Karmet, se remémore avec émotion le bon vieux temps : «El Hadj Z'biri vendait également sa pizza et ses caldis au stade communal Ali- Abda, au temps de la glorieuse équipe de football, l'Escadron noir de Guelma.» Ces délicieux aliments maison ont fait donc la grande réputation de cette pizzeria ambulante, qui termine rarement sa tournée en ville, pour cause d'écoulement rapide de la totalité de la marchandise en mi-chemin. «Le carrosse de ammi Z'biri atteint rarement le quartier Bab Es-Souk, sur les hauteurs de la ville. En général, il est pris d'assaut à son arrivée au café d'Alger par des clients enflammés d'un désir ardent de goûter ses délicieuses recettes», nous déclare un ancien client. Quoi qu'il en soit, la pizza et les caldis de ammi Z'biri ont eu une grande clientèle dans toute la région de Guelma, qui, au fil du temps, en est restée nostalgique. Les adeptes d'antan de ces mets qui font incontestablement partie du patrimoine culinaire de Calama se souviennent sans doute de leur succulence et des règles d'hygiène irréprochables dans lesquelles travaillait ce grand chef. «Etant un membre de la famille Bouzidi de Guelma, devenir un préparateur-vendeur de pizza fut presque une évidence pour moi, puisque ce métier se transmet chez nous de père en fils», explique Tarek, son petit-fils de trente ans. Dans sa famille, on en est donc à la troisième génération dans cette activité. Ce jeune, qui tient un commerce de pizza en plein centre-ville, nous précise : «C'est un métier très difficile qu'on exerce par amour, donc pas dans l'espoir de gagner beaucoup d'argent. Ce créneau se complique de plus en plus, et la concurrence est aujourd'hui redoutable.» El-Hadj Z'biri, de son vrai nom Bouzidi Kaddour, est né à Guelma en 1920 dans un quartier populaire, sur les hauteurs de la ville ; il a débuté sa carrière professionnelle comme apprenti pâtissier à l'âge de 15 ans dans la célèbre pâtisserie Bonnet, à la rue Sadi-Carnot, devenue après l'indépendance boulevard du 1er Novembre. Elle est occupée aujourd'hui par ammi Elhadj Mohamed Guessoum, qui exerce jusqu'à ce jour la même activité que son prédécesseur. Kaddour Z'biri est décédé à Guelma à l'âge de 83 ans, il laisse derrière lui dix enfants et plus d'une vingtaine de petits-enfants.

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