Algérie - Ecologie

Bouira - Massacre à ciel ouvert de la forêt à Ath Mansour



Bouira - Massacre à ciel ouvert de la forêt à Ath Mansour


Le phénomène de la déforestation a pris des proportions alarmantes à Ath Mansour, à l’est de la wilaya de Bouira. Cette région de la lisière de la chaîne montagneuse des Bibans attire de plus en plus la convoitise. Des individus «insoucieux» se permettent tout dans le but d’accaparer un morceau des terrains défrichés illicitement.

«Ils viennent des communes voisines pour saccager des hectares de la forêt sise dans la région du sud-ouest de la commune. Si le phénomène persiste, nos belles forêts sont vouées à la disparition. Il ne restera que des plaines hideuses et désertes», regrettent les membres de l’Association de développement agricole et de protection de l’environnement (Adapen) Tafsouth, de la commune d’Ath Mansour.

Lors d’une virée effectuée avec les membres de l’association sur le site, le premier constat désolant qui saute aux yeux, ce sont les dizaines d’arbres fraîchement coupés à l’orée de la forêt et laissés sur place. Il s’agit notamment de l’espèce du pin d’Alep, répandu dans ladite zone.

Hocine, écologiste actif de Tafsouth, se penche sur le troc de l’un des arbres coupés pour compter les cernes afin d’avoir une idée sur son âge.

«Ce pin a plus de 90 ans ! Il y en a sûrement ceux qui ont plus parmi les autres arbres abattus», conclut-il, et d’ajouter que tout indique que la coupe a été faite avec une tronçonneuse, vu la précision avec laquelle elle a été effectuée.

En poursuivant la marche à l’intérieur des bois, un nouveau phénomène profile à l’horizon. De petites parcelles de terrain ont été plantées avec de jeunes oliviers. Leur âge ne dépasse pas deux années, selon les constatations des écologistes de l’association.

«C’est ainsi qu’ils procèdent. En plantant des arbres, ils mettent les agents forestiers devant le fait accompli», expliquent nos interlocuteurs.

«Lorsqu’on surprend un individu en train de défricher, la moindre des choses est de le dissuader pour ne plus remettre les pieds sur les lieux. Nous avons adressé des correspondances au directeur général des forêts, nous n’avions eu aucune réaction. Nous nous sommes même entretenus avec lui sur le sujet du mal qui frappe nos forêts à Ath Mansour. Il nous a demandé de lui adresser un recours pour sévir ensuite. Plus tard, nous avons même adressé une correspondance au ministre de l’Agriculture, à l’époque. Deux mois après, une commission, composée d’une armada d’éléments de la Conservation des forêts, dont des cadres, a été dépêchée sur les lieux», dira le président de Tafsouth, qui fait savoir que parmi les décisions prises lors d’une réunion à laquelle ont pris part des membres de ladite commission et des élus locaux, la résiliation de tous les contrats de location des terrains forestiers.

Cependant, deux jours après, l’un des mis en cause avait labouré un terrain suite au renouvellement de son contrat, déplore-t-il. Le vice-P/APC d’Ath Mansour, Meziane Akkouche, a de son côté confirmé les dires des membres de l’association.

«Des bénéficiaires des terrains forestiers en contrat de location ont même déposé des dossiers au niveau de l’APC pour l’obtention des actes de possession. C’est grâce à l’opposition et la plainte de l’association que la procédure a été annulée», témoigne-t-il.

En outre, des citoyens de la commune que nous avons rencontrés pointent aussi du doigt l’inertie des autorités locales face au problème de la déforestation.

«La protection du patrimoine forestier était et demeure le dernier des soucis des APC qui se sont succédé à la tête de la commune. Pourtant ça se passe sur notre territoire», résume un jeune.

Toujours au sud-est de la commune, une large cuvette dénommée Lâazla Oubahloul a été complètement plantée avec des centaines d’oliviers.

«Des citoyens des autres communes ont accaparé l’endroit. Pourtant, nous avons monté un ambitieux projet que nous avons soumis à la direction de l’environnement et qui consiste en la réalisation d’un lac sur la cuvette. Il aurait été d’une grande utilité pour la faune et la flore de la région. Maintenant après le squattage du terrain, on ne sait plus quoi faire», diront avec amertume les bénévoles de Tafsouth.

Dans sa dernière requête adressée jeudi dernier au chef de la circonscription des forêts de la daïra de M’Chedallah, l’association a réclamé aux responsables du secteur de dépêcher ses agents afin d’établir un constat des dégâts occasionnés dans les brefs délais avant la disparition des preuves matérielles des délits commis.

Par ailleurs, mis à part le «défrichement illicite» qui ronge le patrimoine forestier, les feux de forêts, qu’ils soient volontaires ou accidentels, ont ravagé des hectares de tissu végétal de la région durant les dernières années.

Ce qui a contribué à l’accélération de la dégradation de tout l’écosystème déjà fragile de ladite zone. Les répercussions à long terme seraient difficiles à surmonter si des mesures draconiennes ne sont pas prises contre les agresseurs de la nature.

Contacté au sujet des plaintes de l’association Tafsouth, le conservateur des forêts de la wilaya de Bouira dit qu’il ne ménagera aucun effort pour protéger la faune et la flore selon les moyens disponibles.

«Les agents de la circonscription des forêts de la région de M’Chedallah sont à pied d’œuvre pour mettre fin au phénomène du défrichement illicite et les autres atteintes. Idem pour les autres circonscriptions à travers le territoire de la wilaya. Cependant, nous regrettons l’agressivité et les intimidations récurrentes contre nos agents de la part des contrevenants.»

Cependant, le manque de moyens matériels et humains limite le champ d’action et l’efficacité des agents protecteurs de la nature. Face aux contrevenants, les forestiers ne peuvent qu’émettre des procès-verbaux et les déposer au niveau des tribunaux.

A titre de rappel, en décembre de l’année 2018, les agents de la Conservation de Bouira et ceux des autres wilayas avaient observé des sit-in de protestation et une grève pour réclamer la restitution des armes à feu ainsi que d’autres revendications, et ce, pour améliorer leurs conditions de travail.

En ce qui concerne ce qui se passe au niveau des forêts de la commune d’Ath Mansour, le conservateur a tenu à rassurer qu’une enquête est en cours pour démasquer les responsables du désastre écologique.

En dernier lieu, le conservateur révèle qu’une grande opération de reboisement est prévue prochainement au niveau de la même commune.

«Nous avons programmé de planter pas moins de 400 ha pour la reconstitution du patrimoine forestier au niveau de la commune d’Ath Mansour.»



Photo: El Watan environnement

Bouira. Omar Arbane
environnement@elwatan.com


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