Algérie - Revue de Presse

Bir El-Djir, commune ou gâchis urbain?




Depuis plus d'une décennie, la commune de Bir El-Djir connaît une mutation urbaine des plus spectaculaires et des plus bigarrées. De nombreux scandales issus de la mauvaise gestion des représentants publics locaux témoignent de cette mutation. Ils se traduisent par une liste allongée de foncier agricole, forestier et urbanisable détourné. Au moment même où les déclarations du président de la République vont en faveur du Développement durable, le foncier agricole et le patrimoine forestier de Bir El-Djir ne cessent d'être sacrifiés et menacés. L'entrée de la commune fait l'objet d'une anarchie spectaculaire, le tronçon Bir El-Djir Fernanville connaît actuellement le lancement de constructions inesthétiques qui ne respectent pas les règles d'urbanisme les plus élémentaires. Sur un autre plan, l'épisode récent des 28 lots dans la forêt de Canastel, fort heureusement abandonnés grâce à la vigilance d'un mouvement associatif local, n'est qu'une goutte d'eau d'espérance dans une gigantesque mare moralement polluée. Cependant, le massacre des arbres centenaires continue sans que les autorités nationales et locales ne réagissent vraiment sur le terrain. A quoi servent nos décideurs, nos politiques et autres si ce n'est pour protéger les citoyens et l'environnement dans lequel ils vivent ? Il est sûr que dans l'état actuel des choses, dans une commune aussi malade que Bir El-Djir, la question de ce qui reste à sauver est complexe. En ce sens, il est regrettable et avec beaucoup d'amertume que cette commune, en raison des nombreux maires qu'elle a connus et qui n'ont jamais été inquiétés, ni pendant ni après leurs mandatures, néanmoins pour la plupart, a quasiment fait table rase de son histoire et donc, de son patrimoine. Bir El-Djir est l'exemple par excellence de la commune totalement amnésique, sans passé valorisé. A quoi tient cette amnésie, cet oubli, ce désintérêt pour les questions de mémoires si ce n'est à l'incompétence de ses décideurs publics locaux? Incontestablement, Bir El-Djir est un véritable gâchis urbain, un gigantesque bidonville issu de l'immoralité des représentants des pouvoirs publics et leur incapacité à mettre une politique locale cohérente aux effets concrets dans la réalité. Cette commune représente ce que nous osons appeler un territoire d'absence de l'Etat que plusieurs facteurs concourent à cristalliser au quotidien. Citons dans ce sens la médiocrité de l'infrastructure viaire, l'accessibilité difficile d'un nombre important de lots habités, l'inexistence des trottoirs et les conflits d'usage qu'ils suscitent, l'abandon de l'espace public, sans oublier le caractère émietté et déstructuré du paysage urbain. Mais surtout l'absence flagrante d'une stratégie communale structurée autour d'une planification productive en terme de qualité de vie et de ce fait, finement ficelée et sans défaillance en vue, et une politique de coordination urbaine capable d'engendrer un paysage agréable, affranchie de l'obsession de répondre aux besoins matériels qui se réalisent souvent au détriment du bien-être du citoyen. Seulement, et il faut le dire, le croisement dans la divergence totale des politiques nationale et locale n'a fait, ces derniers temps, que renflouer le caractère chaotique et désordonné de la commune. Preuve est le programme AADL qui n'a pas tenu compte de la préservation de l'environnement et de l'esthétique urbaine de l'entrée de ville. Ce programme a pris racine à l'emplacement d'une forêt abandonnée comme tant d'autres forêts de la wilaya et d'arbres centenaires. Aujourd'hui, d'autres constructions établies sur du foncier agricole avilissent le site. Dès lors, s'imposent deux ou trois questions: 1- celle des limites des politiques nationales relatives à la notion d'intérêt national qui figure dans le code de l'urbanisme par rapport à la nécessité de défendre l'intérêt local, censé être plus proche et des attentes et des demandes des populations. Cette question peut être éventuellement abordée de l'angle de l'esthétique des paysages locaux, public et urbain. 2- le rôle des communes, mais surtout la qualité des maires et les conditions d'accès à ce type de poste. En ce sens, il nous semble nécessaire d'accompagner les assemblés communales, vraisemblablement antidémocrates par leur fonctionnement actuel, par des conseils de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement, composés d'architectes d'Etat et libéraux, d'urbanistes de tous azimuts, de sociologues, de chercheurs universitaires et de représentants associatifs des riverains qui auraient pouvoir de contrebalancer le pouvoir solitairement abusif des ministres, des interférences des walis et des maires en vue de bien signifier et dans le sens le plus démocratique du mot, la notion d'intérêt public. 3- donc encourager la participation du grand public dans la gestion de sa propre commune par la valorisation de son droit de regard sur la gestion communale et plus particulièrement celles des budgets des communes. Il nous semble que c'est cette transparence qu'il faudrait absolument invoquer et évoquer si nous voulons, tous ensemble, réellement nous attaquer au fléau de la corruption qui gangrène l'hiérarchie politico administrative. Ce qui signifie que la participation du public ne doit pas être seulement et seulement évoquée au cours des périodes des élections législatives et présidentielles et les enjeux de course et de maintien au pouvoir. Ainsi donc, si les assemblées communales semblent incapables dans la réalité comme dans le cas de la commune de Bir El-Djir de répondre aux attentes des citoyens en matière de création de cadre de vie confortable, il est nécessaire de donner aux associations le droit d'agir sur les décisions des officines des pouvoirs publics locaux et nationaux, et de ce fait-là, de créer des forums publics actifs où toute la communauté locale serait appelée à participer à l'esquisse de son propre avenir. Ce qui permettrait, au préalable, aux citoyens de ne plus subir la médiocrité des décisions locales, de refuser sur le tas la condamnation à disparition des forêts et des arbres centenaires, de contraindre les maires et leurs gents à abandonner les projets d'architecture et d'urbanisme jugés par les professionnels tels que médiocres et d'encourager le sens du civisme au quotidien loin des intérêts cupides des politiques. N'est-il jamais donc temps de repenser l'urbanisme dans notre pays et de poser la question de l'architecture en dehors de l'effet discutable des politiques autoritaires?
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