Algérie - Revue de Presse



Que retenir de la remise des Fennecs d?Or, l?événement télévisuel phare de cette semaine, sinon qu?au-delà des récompenses symboliques qu?ils ont reçues, la situation de nos artistes, notamment les gens du cinéma, n?a pas évolué d?un iota. Elle est restée dans l?état de précarité dans laquelle on l?a toujours connue malgré les mille et une promesses avancées pour la redresser. Cette cérémonie, qui s?est avérée une fois de plus à l?étroit dans une salle du TNA pas du tout indiquée pour recevoir un événement aussi marquant que la fondation des Fennecs qui la voulait grandiose et fastueuse, a été dominée en fait par les nombreux SOS lancés par les uns et les autres pour doter l?artiste d?un statut qui le sécurise dans son métier et qu?il revendique à chaque fois que l?occasion lui est donnée pour interpeller les pouvoirs publics. C?est le réalisateur Dahmane Ouzid, prix de la meilleure réalisation de l?année avec son feuilleton El Aouda, qui a résumé dans une phrase cinglante les appels de détresse de ses confrères : ? Il ne faut pas des années de réflexion pour rétablir les artistes dans leurs droits, mais juste une signature.? Juste une décision, une question de volonté, cela veut dire dans son esprit que le problème est simple à résoudre mais que sa solution est sujette à des considérations bureaucratiques ou autres que le milieu artistique n?arrive toujours pas à saisir, à comprendre... Entre temps, ce même milieu a l?impression qu?il existe comme un appendice pour servir d?alibi à une politique culturelle dont le contenu et les objectifs n?ont jamais été clarifiés. Ce sentiment de lassitude, voire de fatalisme accepté douloureusement par la corporation se lisait, au demeurant, sur le visage de nos artistes et créateurs présents à la soirée des Fennecs, aux yeux desquels une distinction aussi méritée et méritoire soit-elle ne pouvait en aucun cas compenser les grandes frustrations ressenties. Malgré son air festif, la cérémonie paraissait donc quelque part plombée par les vraies préoccupations de la famille cinématographique pour qui un Fennec ne peut être qu?une parenthèse de circonstance qui ne signifie pas grand-chose dans la vie artistique telle qu?elle est vécue chez nous. Bien sûr que la consécration en soi constitue toujours un plus dans une carrière menée souvent avec la seule arme de la motivation et de l?amour du métier, mais c?est quoi une carrière bâtie sur l?a-peu-près et les incertitudes, c?est quoi un parcours qui commence presque comme un accident et dont la trajectoire reste surtout livrée à toutes les infortunes. Sous les lampions rafraîchis d?une salle qui porte le nom d?une de nos plus glorieuses figures du théâtre, on avait peine à vivre ce terrible paradoxe qui veut qu?on prime les artistes qui se sont le mieux distingués tout le long de l?année tout en sachant qu?ils manquent de leur essentiel pour que la marque de reconnaissance qui leur est adressée ait un sens. La remise des Fennecs n?est-elle pas dans ce cas une simple mise en scène pour faire accroire l?idée qu?en Algérie le cinéma (ou la télévision) se porte bien, la preuve les productions existent, les artistes aussi. A l?heure où il est de bon ton de mettre de son côté tous les atouts pour crédibiliser l?année de la culture arabe organisée par l?Algérie, l?initiative de la fondation présidée par HHC qui n?en est pas à sa première expérience prend forcément l?allure d?une belle opération de marketing. Une entreprise donc qui a tenu à soigner davantage le clinquant et que le réalisateur Bachir Derraïs n?a pas hésité à pourfendre en des termes acides après avoir pris le soin de quitter la salle pour protester contre le manque de professionnalisme flagrant, selon lui, qui a caractérisé l?événement. Cela dit, la remise des Fennecs d?Or qui a eu a souffrir de la coïncidence dans pratiquement le même espace-temps de deux cérémonies analogues mais à la dimension internationale incontestable, en l?occurrence celles des césars français et des oscars américains, une comparaison qui l?ont encore enfoncée dans sa petitesse, a aussi valu par son côté anecdotique. Une animatrice qui en voulant trop bien faire tomba souvent dans l?excès, un maître de cérémonie (Kouiret) qui avait du mal à assumer une tâche visiblement trop ?ingrate? et qui donc cafouilla terriblement tout en gardant le sourire, un demi-fennec pour la meilleure interprétation masculine, sachant que Rachid Farès et Madani Naâmoun ont été obligés de partager le trophée, un bouquet de fleurs au lieu d?une statuette à titre posthume pour l?immense Mohamed Bouamari qui a néanmoins provoqué l?émotion la plus intense de la soirée quand son épouse Fatouma déclara : ?J?aurais aimé qu?il soit là...? Les fausses notes, on les remarque plus facilement. Mais fort heureusement, la soirée des Fennecs n?a pas été négative sur toute la ligne. Promus ou pas, les artistes rassemblés dans une même galère ont d?une certaine manière montré que pour améliorer le sort de la production cinématographique et télévisuelle, en quantité et en qualité, la balle se trouve toujours dans le camp des décideurs. On en reparlera l?année prochaine à la même période...

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