Algérie - Urbanisme

Allaghane (Béjaïa) - Un site archéologique décapé au bulldozer


Allaghane (Béjaïa) -  Un site archéologique décapé au bulldozer




Situé dans la localité d’Allaghane, commune de Tazmalt, à environ 70 km au sud du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa, le site archéologique de Tavlast a été décapé au bulldozer, mercredi dernier, par une entreprise chinoise activant dans le cadre du projet de la pénétrante qui doit relier Béjaïa à l’autoroute Est-Ouest.

Le site se trouve pourtant sur le versant nord de la vallée de la Soummam, très loin donc du tracé de l’autoroute, mais sur place nous avons appris que l’entreprise chinoise, munie d’une vague autorisation manuscrite, avait pour projet d’y bâtir une base de vie pour ses travailleurs.

Ce sont des habitants de la localité qui sont intervenus pour mettre fin aux travaux de terrassement, quand ils ont découvert que des engins de gros œuvres, notamment des bulldozers et des pelleteuses, s’activaient à décaper cet important site archéologique qui s’étend sur plusieurs hectares.

Sur place, nous avons trouvé des habitants de la localité occupés à recenser les dégâts et à chercher des vestiges que les engins d’excavation auraient mis au jour pour les mettre à l’abri d’éventuels pillards.

Selon Djamel Arezki, membre du collectif d’habitants qui s’est spontanément constitué pour sauver ce site, l’entreprise chinoise derrière ce massacre archéologique ne possédait pas d’autorisation pour accomplir ses travaux, mais tout juste un PV cosigné par un responsable de l’Agence nationale des autoroutes (ANA), un membre de l’APC de Tazmalt et le directeur de la ferme-pilote étatique Mira qui abrite le site en question.

Toujours selon notre interlocuteur, alerté par des citoyens de la localité, le chef de daïra de Tazmalt aurait ordonné l’arrêt immédiat des travaux.

«On ne savait pas qu’il s’agissait d’un site archéologique», aurait-il dit aux dizaines de citoyens qui avaient à cœur de mettre fin à cette destruction d’un patrimoine archéologique et historique.

Pour Djamel Arezki, inspecteur d’éducation et doctorant en sciences sociales à l’EHSS de Paris, spécialisé en anthropologie et ethnologie, le site de Tavalst a été signalé par plusieurs historiens et une étude de la défunte et prestigieuse Revue Africaine lui avait été consacrée.

Il pourrait s’agir d’un limes romain sur l’ancienne voie romaine qui rattachait Saldae (Béjaïa) et Tiklàt (Tubusuptu) à d’autres localités, tout comme il pourrait s’agir d’une cité importante abritant un «évêché».

Au vu de l’étendue du site archéologique où des tombes et des canalisations auraient déjà été mises au jour, par le passé, il pourrait s’agir d’un site de grande envergure.

Il est à signaler que le site n’a jamais fait l’objet de fouilles scientifiques sérieuses.

«En 1990, nous avons constaté que des pillards sévissaient sur le site. Nous avons alors tenté de mettre à l’abri des convoitises certains objets au niveau de la direction de la ferme pilote, où ils se trouvent encore», informe Arezki Djamel.

Sur place, nous avons relevé l’existence de pierres de taille éparpillées sur des dizaines de mètres, des vestiges de poterie ainsi que d’autres traces de maçonnerie également détruites.

Dans une déclaration rédigée par le collectif cité plus haut, les habitants de la localité demandent aux autorités compétentes d’agir dans l’immédiat pour la sauvegarde, la protection, la mise en valeur et le classement de ce site qui fait partie du patrimoine culturel et de la mémoire collective de la région et de la nation.

Photo: Le site archéologique de Tavlast

Djamel Alilat

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