Algérie - Divers sujets sur la littérature

Alger, «Les Bavardages du Seul», Un enchevêtrement d’univers




C’est un roman à tiroirs, à miroirs, un roman hybride où tout se mêle et se distingue à la fois – paradoxalement.

«Un auteur, un livre», le rendez-vous littéraire hebdomadaire initié par le Centre culturel français d’Alger dans le but de promouvoir la littérature algérienne, a accueilli le journaliste et écrivain Mustapha Benfodil pour parler de son livre, Les Bavardages du Seul, un roman qui, paru en 2003 aux éditions Barzakh, a valu à son auteur le prix du meilleur roman algérien de l’année 2004.
S’exprimant sur le titre de son livre, l’invité a souligné : «C’est un titre spontané, qui m’est venu comme une révélation, ce n’est pas recherché ni voulu.» Et d’ajouter : «Le roman renvoie à un registre de langues qui s’y entrechoquent.»
Le roman, un récit de l’étrange où réalité et mythe se mêlent intimement, retrace, dans un style déroutant et sarcastique, voire caricatural, les péripéties d’un personnage qui, longtemps soustrait à la réalité, réintègre le monde des hommes. «Le personnage déambule dans plusieurs univers et ses promenades solitaires sont un parcours initiatique puisqu’il fait l’apprentissage du monde extérieur, il ramasse des langages», a-t-il expliqué, poursuivant que «le roman comprend plusieurs niveaux de langage ; y figurent des registres de langues qui se juxtaposent», constituant des stratifications linguistiques et sémantiques. D’où le titre : plusieurs types de bavardages pour un seul individu.
Ainsi, il s’agit d’un roman à tiroirs, à miroirs, un roman hybride où tout se mêle et se distingue à la fois – paradoxalement. L’écrivain avoue que son livre, qui est une libération de la parole, une parole longtemps confisquée, prise en otage par les instances politiques, est construit de manière consciente et parfois mathématique. «C’est un livre réfléchi. Tout est pensé dans ce roman qui m’a pris cinq ans de travail», a-t-il dit. Cela justifie et définit sa stratégie d’écriture.
Rachid Mokhtari, critique littéraire, a, pour sa part, qualifié le roman de «soliloque à plusieurs voix». Et d’ajouter : «Les Bavardages du Seul, roman de la complexité des tons, des mots et des personnages déroutés et déroutants, est un enchevêtrement d’univers littéraires dans lesquels s’entremêlent la fable, où la réalité crue de l’histoire immédiate du pays se fond dans la ’’préhistoire’’ du mythe de la mort.»
Le roman plonge le lecteur dans la réalité sociopolitique qu’a connue – et connaît – l’Algérie ; c’est une écriture d’événements véridiques mais entourée de mystère et de mythes.
«Il ne sert à rien de dire le réel, le transcrire tel qu’il est», a déclaré l’écrivain, estimant nécessaire de le transgresser pour pouvoir l’appréhender. «Je suis contre une écriture fonctionnelle», a-t-il déclaré.
Ecrit d’une manière «pulvérisante», «ahurissante», le roman pose la question que tout écrivain soucieux d’innover dans son écriture au plan formel se pose : comment écrire un roman moderne ?
L’écrivain, rebelle, use d’une écriture subversive, créatrice. Il décompose, défragmente le récit traditionnel puis reconstruit le tout, l’incorpore dans une incohérence curieusement extraordinaire, singulièrement inattendue et inhabituelle.
Enfin, Rachid Mokhtari estime que l’écriture par laquelle se distingue Mustapha Benfodil est une quête d’«une nouvelle approche de la forme romanesque», qu’elle «s’oriente davantage vers une recherche d’une nouvelle esthétique».


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