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Ahmed Benbitour à Béjaïa: «Les gouvernements doivent s’effacer devant la grandeur de la patrie»


Ahmed Benbitour à Béjaïa: «Les gouvernements doivent s’effacer devant la grandeur de la patrie»


L’ex-chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, ne se considère pas comme avoir fait partie du système dont le mouvement populaire actuel exige le changement radical. «Je ne suis pas arrivé au gouvernement avec Bouteflika», a-t-il répondu à un citoyen qui l’interpellait sur la question, lors d’une conférence-débat organisée jeudi à l’université de Béjaïa.

«Ne croyez pas que j’étais au service de qui que ce soit, j’étais au service de mon pays. Je n’ai pas été promu par un parti politique, ni par une clique quelconque, mais seulement par mes compétences», a déclaré l’ex-chef de gouvernement démissionnaire.

Ministre des Finances en 1994, sous Zeroual, Ahmed Benbitour rappelle qu’il a démissionné de son poste en 1996 pour avoir essuyé le refus du chef de gouvernement d’alors, Ahmed Ouyahia, d’approuver son projet de restructurer le système bancaire.

«En 2000, ce n’était donc pas la première fois que j’avais démissionné du gouvernement», a-t-il dû rappeler.

Cette année-là, il avait démissionné de son poste du deuxième chef de gouvernement (après Smaïl Hamdani) sous l’ère Bouteflika qui «avait insisté» pour qu’il accepte l’offre.

En 2014, l’engagement du président-candidat pour un quatrième mandat avait poussé Ahmed Benbitour à retirer sa candidature, convaincu que les conditions d’alors concouraient plutôt à «une désignation» qu’à une élection.

«Depuis l’indépendance, tous les Présidents sont venus après une désignation par le haut commandement de l’institution militaire, nous n’avons pas eu des élections présidentielles réelles», affirme le conférencier qui assure n’avoir pas été contacté par les tenants du pouvoir en ces temps de tractations sur fond du mouvement populaire.

Ceci n’empêche pas Benbitour d’afficher sa disponibilité à contribuer à la période de transition, «prêt à apporter (son) savoir au service des citoyens».

Mais je ne voudrais pas m’imposer comme étant celui qui les dirige», dit-il, ne précisant pas si le maintien de la révolte pacifique de la rue pourrait lui être rédhibitoire.

L’ancien chargé de mission à la présidence de la République sous Chadli trouve au pouvoir algérien trois caractéristiques: «L’autoritarisme, le patrimonialisme et le paternalisme», le «patrimonialisme» se matérialisant dans «un chef entouré d’un cercle de courtisans qui se font la guéguerre pour lui plaire afin de bénéficier de ses gratifications mais ils considèrent la société comme arriérée et non apte à la politique».

Ces caractéristiques, ajoutées à «la rente et à la prédation dans l’utilisation de celle-ci» construisent un «Etat déliquescent» qui est marqué par, entre autres critères, selon l’orateur, le culte de la personnalité qui, traduit à la réalité algérienne, donne le «fakhamatahou». La déliquescence se manifeste aussi par «l’institutionnalisation de la corruption» et par les agissements d’«un nombre très restreint d’individus qui prennent des décisions stratégiques à la place des institutions habilitées».

«Il y a nécessité de changer tout le système de la gouvernance si on veut venir à bout de la corruption», suggère le conférencier qui résume ainsi la réalité de «l’Etat algérien» qui n’est en fait que celle du régime algérien.

Quelle solution pour une rupture?

«Il y a nécessité de changer tout le système de gouvernance, celui où la grandeur des individus s’amenuise en face des institutions. Dans tous les pays développés, une importance primordiale est donnée à l’institution, il faut que le zaïmisme se plie face aux génies des compétences nationales et à la sueur des bâtisseurs. Les gouvernements doivent s’effacer devant la grandeur de la patrie. C’est à cette gouvernance à laquelle appelle le peuple», soutient l’ex- ministre qui rejette, toutefois, l’option du fédéralisme.

Comment donc y parvenir? Avec la Constitution ou en dehors d’elle?

L’ex-ministre délégué au Trésor, en expliquant sa proposition de sortie de crise, précise l’avoir déclinée en 2011, lorsqu’il alertait sur le risque d’une «pénurie de moyens financiers en 2017» et défendait l’option d’une nouvelle gouvernance.

«J’avais proposé aux gens qui avaient appelé au changement organisent une conférence nationale, en invitant le pouvoir en place à y participer et sortir avec la solution que ce pouvoir ne pourra plus rester, parce qu’il n’est pas capable de sortir le pays de la crise», rappelle-t-il.

La formule d’Ahmed Benbitour est de désigner «cinq personnes qui auront deux missions, la première est de trois mois et consiste à expliquer à la population que le pouvoir en place a accepté de partir pour qu’il n’y ait pas de soulèvement inutile. La deuxième est celle d’établir une feuille de route pour un gouvernement de transition de douze mois». La proposition veut que la composante de ce gouvernement soit «sélectionnée» au bout de trois mois parmi des candidatures à soumettre à un «audit complet» pour garantir d’avoir les «meilleures personnes».

La proposition ne fait pas de la rupture immédiate avec le régime partant une exigence, puisqu’il restera au président de la République d’annoncer officiellement la constitution du gouvernement ainsi sélectionné avant de démissionner.

«Les cinq personnes seraient membres du Haut Conseil de sécurité et auront pour mission de suivre le travail du gouvernement et préparer une feuille de route pour l’élection présidentielle en douze mois» explique-t-il, suggérant que ces élections soient frappées de la condition que «les candidats doivent s’imposer la mise en œuvre d’un programme qui sera préétabli» de façon à éviter de rester dans la crise.

«C’est à nous, peuple, de décider de ce que nous voulons et de mettre en œuvre les décisions nécessaires pour notre développement», résume l’ex- chef de gouvernement.

Porté plus sur le volet économique, Benbitour ne considère pas moins qu’il faut arriver à convaincre le peuple à accepter un plan d’austérité: «Si on veut aller vers une solution, il faut qu’il y ait une parfaite concordance entre la population et les gouvernants, parce qu’il faut qu’ensemble on accepte de passer une période d’austérité.» Défendant, l’opportunité de devoir créer 15 pôles régionaux d’investissement, il plaide pour la mise en place de quatre haut- commissariats, dont ceux pour la «promotion des compétences nationales», «l’éducation citoyenne» et «les politiques énergétiques».


Kamel Medjedoub



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