Adekar (Béjaïa) - Forêt d’Akfadou: Le Lac noir agonise

Un concert de musique en plein air au Lac noir de la forêt de l’Akfadou. Tel est l’événement saugrenu proposé par une agence intitulée Le Sac à Dos Algérien à ses adhérents pour le vendredi 18 octobre.

Cette idée d’organiser une telle activité a soulevé une vague de colère et d’indignation sur les réseaux sociaux à tel point que les organisateurs se sont vus submergés de commentaires demandant l’annulation pure et simple du concert et le respect de la nature et des animaux qui peuplent ces lieux. Certains défenseurs de la nature, qui ont pris attache avec notre rédaction pour tirer la sonnette d’alarme sur la destruction programmée de ce magnifique site, ont même proposé de se déplacer à l’entrée de la forêt pour faire barrage aux bus de cette étrange excursion.

D’autres adeptes de randonnées pédestres scandalisés par «l’inconscience des organisateurs qui ne pensent qu’à se remplir les poches sans se soucier du bien-être des vrais habitants de la forêt» ont pris soin de prendre attache avec le service des forêts d’Adekar qui aurait à son tour alerté la gendarmerie. Au bout de deux jours de mobilisation, la nouvelle que le concert a été annulé a fini par tomber.

Ceci repose encore une fois le problème de la protection des sites naturels en général et du Lac noir en particulier. Ce lac d’altitude, unique en son genre, est un plan d’eau de près de 10 hectares situé en pleine forêt de l’Akfadou. C’est un biotope fragile qui abrite plusieurs espèces d’animaux et de plantes protégés.

Planté dans les années 1940, un arboretum précieux avec plusieurs espèces comme le sapin de Numidie, le cèdre de l’Atlas, le pin noir, le châtaigner, le houx ou l’aulne glutineux, entoure le lac en plus des majestueux chênes centenaires qui sont endémiques de ce milieu. Partagées sur les réseaux sociaux, les centaines de vidéos et de photos qui montrent la beauté exceptionnelle des lieux attirent de plus en plus de visiteurs désireux d’y passer quelques heures ou une nuit en bivouac.

Victime de son succès auprès des randonneurs, des promeneurs et des amoureux de la nature, le lac est devenu la destination de milliers de touristes dont beaucoup n’ont aucune notion de protection de la nature et de l’environnement. Pis encore, des agences de voyages établies à travers le territoire national proposent des excursions ou des bivouacs au lac pour des sommes allant de 2.000 à 3.000 dinars. La présence de centaines, voire de milliers de touristes a attiré les marchands de casse-croûtes et de souvenirs décidés de profiter de l’aubaine.

Tout un business s’est développé autour de cet écosystème qui paie très cher la beauté de ses paysages. Chaque week-end le malheureux lac devient une véritable foire et un souk bruyant et des inconscients vont jusqu’à pénétrer dans le plan d’eau avec leurs véhicules. En effet, depuis que les terroristes qui infestaient ces lieux sont partis et depuis que la piste qui mène au lac est redevenue praticable ce sont des centaines de véhicules particuliers, de bus et de motos qui déversent leurs touristes du vendredi qui saccagent la pelouse du lac et les alentours en y organisant des parties de foot, des barbecues, des bivouacs et des fêtes en tout genre. Outre la pollution sonore, les visiteurs repartent en laissant derrière eux des montagnes de déchets que de rares associations écologiques viennent ramasser.

Présents sur les lieux vendredi et samedi, certains écologistes nous ont contactés pour signaler que le lac, comme chaque week-end, est pris d’assaut par des centaines de visiteurs et qu’à ce rythme, il ne sera bientôt plus qu’une décharge sauvage ou s’amoncellent détritus, sachets en plastique et bouteilles de bière.


Photo: Le site paye chèrement la beauté de ses paysages

Djamel Alilat