Algérie - Archi'Terre : Festival culturel international de promotion des architectures de terre

Yasmine Terki. Spécialiste en architecte de terre Construire une maison en béton à Timimoun n'a pas de sens



Yasmine Terki. Spécialiste en architecte de terre  Construire une maison en béton à Timimoun n'a pas de sens


Gosto
Bertrand Ollivier Publié dans El Watan le 21 - 05 - 2010
Gratuite, écologique, modulable, renouvelable, la terre est aussi capable de répondre aux normes de confort actuelles. Afin de sensibiliser le public à ce matériau de construction, une exposition itinérante sillonne l'Algérie. Explications.
Parlez-nous de cette semaine de la promotion de l'architecture de terre du 25 au 28 avril dont vous êtes l'initiatrice. A-t-elle eu le succès attendu ?
La manifestation s'est répartie en quatre volets : ateliers d'initiation destinés essentiellement aux étudiants en architecture, conférences avec les plus grands spécialistes mondiaux de l'architecture de terre et présentation au sein de l'EPAU d'une partie de l'exposition « Terres d'Afrique et d'ailleurs » dévoilée au Panaf 2009. Enfin, nous avons organisé un voyage de deux jours à la découverte des ksour algériens auquel étaient conviés les intervenants ainsi qu'une dizaine d'étudiants. Le succès était au-dessus de toute attente.
Pensez-vous que cette initiative fasse de l'Algérie un pays pilote en la matière ?
Sans aucune prétention, les intervenants vous le diront, l'Algérie est très dynamique dans la promotion de l'architecture de terre. Cette semaine de sensibilisation a vu une collaboration des ministères de l'Habitat, de l'Education nationale et de la Culture. La réhabilitation des ksour, sans sensibilisation derrière, ne conduit qu'à rénover des maisons vides, qui se délabreront faute d'usage. Il faut absolument faire comprendre aux populations que l'architecture de terre s'adresse à tous, qu'elle n'est ni trop fragile ni trop archaïque, mais qu'elle est née du bon sens de nos ancêtres et qu'il est tout à fait possible qu'elle réponde aux normes de confort actuelles. Mais l'Algérie n'est pas seule, l'architecture de terre est présente dans tous les continents, et il existe de nombreux programmes régionaux financés par l'Unesco.
Quelles sont les spécificités de l'architecture de terre ?
L'architecture de terre regroupe toutes les méthodes utilisant la terre crue comme matériau de construction. Il en existe plusieurs types. Le pisé, le torchis, l'adobe, et plus récemment la brique de terre comprimée. Chacune varie en fonction des territoires et des traditions. C'est un matériau qui possède énormément d'avantages. La terre est gratuite, écologique, modulable, renouvelable. Nos ancêtres avaient simplement du bon sens. Ils ont fait avec ce que la nature leur offrait.
Mais ces techniques ont-elles toujours les moyens de rivaliser avec les matériaux modernes, béton en tête ?
Alors oui, c'est certes moins résistant que le béton, mais les normes techniques de commercialisation du ciment sont d'une exigence qui frise le ridicule. Aujourd'hui, les constructions de terre ont des avantages inégalables dans certaines régions, notamment au sud. Construire une maison en béton à Timimoun n'a pas de sens. D'un point de vue thermique, la terre est sans égal. La chaleur accumulée le jour est dispensée la nuit, et vice versa pour la fraîcheur emmagasinée la nuit et répandue le jour valent mieux qu'une climatisation. Sans compter que techniquement, il est tout à fait acquis qu'une construction de terre peut compter jusqu'à 9 étages, comme c'est le cas au Yémen. Le seul domaine ou l'architecture de terre ne peut pas rivaliser avec le béton est d'ordre psychologique.
Vous sous-entendez que derrière le béton se cache une forme de reconnaissance sociale ?
L'industrialisation des modes de construction a fait de l'architecture de terre une forme -supposée- dépassée. Dans les années 1930, le « tout béton » a conduit à marginaliser les méthodes ancestrales. Maintenant, les populations locales considèrent que posséder une maison en béton est la panacée, un symbole fort de réussite. Le but de notre initiative est justement de sensibiliser les populations et les futurs architectes sur la nécessité de rétablir ces modes de construction qui n'ont rien à envier aux méthodes dites modernes.
Mais l'idée est-elle simplement de faire revivre des méthodes ancestrales, ou bien de les conduire sur le chemin de la modernité ?
Il y a deux volets dans notre démarche. D'une part, la réhabilitation de notre patrimoine, comme les ksour d'Algérie, mais d'autre part nous souhaitons rendre compatibles ces architectures anciennes avec la modernité. Nous voulons continuer de faire évoluer ces méthodes. La création du BCT (brique de terre crue comprimée) est une formidable évolution dans le domaine de l'architecture de terre. C'est dans ce sens que vont tous nos efforts.

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