Algérie - Parc et sites naturels, zone humides

Virée sur les monts blidéens: Chréa, entre beauté de la nature et abandon



Virée sur les monts blidéens: Chréa, entre beauté de la nature et abandon




La première station de ski d’Afrique n’a de prestigieux que son histoire! Créée dans les années 1920 à plus de 1.500 mètres d’altitude, cette station n’offre plus les attractions et les commodités d’antan. Même si le contexte sécuritaire n’est plus d’actualité, Chréa, car c’est de cette localité montagneuse qu’il s’agit, est volontairement délaissée.

Les touristes y sont rares faute d’infrastructures. Exception faite les week-ends, surtout lorsqu’il y a de la neige! Mais là, les amoureux du tourisme de montagne n’ont droit qu’à un seul «petit» hôtel et quelques restaurants qui essayent, tant bien que mal, d’affronter la crise qui caractérise le secteur du tourisme à Chréa. Chréa, ayant toutes les potentialités naturelles pour être la capitale du tourisme de montagne en Algérie, peine malheureusement à redécoller.

L’autre pays du cèdre après le Liban manque d’animation. Le Liban a fait du cèdre tout un symbole mais à Chréa, l’espèce n’est pas «promue» à sa juste valeur. Un tour sur place, un jour de semaine, est plus que révélateur. La localité offre un décor plus que désertique. Pis, aucune activité rimant avec montagne. Jusqu’à la fin des années 1980, l’activité touristique y marchait à merveille. Eté comme hiver, cette destination ne désemplissait pas.

Durant la saison estivale, des centaines d’enfants y passaient leurs vacances dans le cadre des colonies. De grandes entreprises détenaient, à l’époque, des chalets qui abritaient des colonies de vacances. Il y avait aussi une colonie de vacances dédiée aux enfants de Boufarik qui s’appelait «le petit Boufarikois». Le télésiège est à l’arrêt depuis une vingtaine d’années et aucun programme n’est inscrit pour sa réhabilitation. Et dire que même l’ancien président de la République, Chadli Bendjedid, passait «publiquement» des séjours à Chréa pour se reposer et se ressourcer.

Car le site est plus qu’agréable: denses forêts de cèdre, air pur, vue panoramique sur la plaine de la Mitidja et même le littoral.

«On le voyait se balader en famille. Il était un amoureux de Chréa, à une époque où cette dernière était animée et convoitée par de hautes personnalités nationales et même internationales», se souvient un habitant de cette localité montagneuse.

«Chréa ne désemplissait jamais. Il y avait des ministres, des diplomates… qui ne pouvaient pas se passer de cette destination.
Des circuits touristiques y étaient régulièrement organisés. Aujourd’hui, Chréa est peut-être la dernière station climatique à l’échelle africaine et arabe», ajoute-t-il avec regret.

L’APC de Chréa et les autorités locales évitent de communiquer sur le secteur du tourisme dans cette station climatique pour des raisons qu’on ignore. Bien qu’elle soit une localité à vocation touristique par excellence, la commune de Chréa n’est pas desservie par le transport public.

Pas de moyen de transport

Avant 1990, un bus assurait, au quotidien, la navette Blida-Chréa. Dans les années 1980, cette ligne a été renforcée par le transport par télécabine afin de promouvoir Chréa et offrir aux touristes un voyage à travers lequel ils pouvaient contempler les beaux paysages des hauteurs de Blida. Aussi, ce moyen de transport permettait aux familles et aux jeunes de profiter de la neige à Chréa lorsque la circulation routière devenait impossible ou difficile sur la RN37 (axe Blida-Chréa).

Aujourd’hui, aucun bus n’assure cette navette. Chréa demeure isolée surtout après l’arrêt, il y a quelques années, du transport par télécabine. La télécabine de Blida, construite en 1984 par la société Pomagalski, a été immobilisée pendant seize ans. Ce n’est qu’en 2009 qu’elle a été remise en marche après sa rénovation et sa mise à niveau technologique, et ce, pour 2810 millions de dinars. Mais cela n’a pas duré. La télécabine tombait souvent en panne et elle est à l’arrêt depuis plus de trois ans. Un véritable gâchis! Pour les causes de cette longue panne, certaines sources disent que des câbles ont été endommagés par les feux de forêt, d’autres avancent une panne au niveau de la boîte de vitesse.

Une chose est sûre: la rénovation et la mise à niveau de ce moyen de transport ont consommé énormément d’argent pour rien! Pour Mokhtar Rezoug, directeur des transports de la wilaya de Blida, une entreprise algéro-française sera créée prochainement pour prendre en charge le transport par télécabine: «Ce sera une association entre la société française Poma, le métro d’Alger et l’Etusa. Une fois les procédures relatives aux transferts des biens et du personnel finies, la nouvelle entreprise pourra alors intervenir pour réparer les pannes. La plus grosse panne se situe au niveau du réducteur, l’équivalent d’une boîte de vitesses.»

Concernant le transport par bus, M. Rezoug insiste sur le fait que les transporteurs privés ne sont pas intéressés par la ligne Blida-Chréa qui «n’est pas rentable».

Des locaux abandonnés

Dans les années 1980, les autorités locales de la commune de Chréa ont décidé d’aménager un grand espace pour le rendre plus touristique. Le marché était détenu par des Bulgares. Ainsi, une grande place avec des gradins, style théâtre de plein air, a été réalisée pour abriter des activités culturelles et touristiques. Dans le même site, onze locaux commerciaux ont été construits pour booster le commerce touristique (artisanat, restauration…).

L’inauguration de ce projet a eu lieu en 1987. Mais il n’a été profitable ni pour la commune ni pour les touristes. Les évènements d’Octobre 1988, puis la situation sécuritaire des années 1990 a porté un coup au secteur touristique à Chréa. A ce jour, sur les onze locaux, deux seulement sont opérationnels: un café et un restaurant.

«Les bénéficiaires de ces locaux ont eu leur décision, délivrée par l’APC de Chréa, en 1987. Mais la plupart d’entre eux n’ont jamais activé. Les autorités locales doivent intervenir pour établir des mises en demeure. Sinon, ces locaux seront attribués à ceux qui veulent travailler», insiste un restaurateur de Chréa, qui souhaite avoir un local pour l’aménager en dortoir.

En dehors des locaux, plusieurs beaux chalets, appartenant à l’APC de Chréa, sont aussi abandonnés et nécessitent des réfections. Leur état reflète la négligence dont souffre l’autre pays du cèdre. L’hôtel appartenant à la famille Amrane, datant des années 1980, reste inachevé (environ 80%). D’une superficie de 3.580 m², dont 1.800 m² bâtis, cette infrastructure de 36 chambres et de cinq niveaux a été délaissée dans les années 1990 pour cause d’insécurité, à ce jour.

Le calvaire des investisseurs

Le président Abdelaziz Bouteflika avait promis, dans le cadre des programmes quinquennaux, un développement sans précédent du secteur touristique. Mais à Chréa, c’est surtout la régression qui est la plus visible. Croyant à un discours officiel faisant état de la volonté des pouvoirs publics quant au développement du secteur du tourisme à Chréa, Brahimi Sid Ahmed, investisseur, s’est heurté à une réalité plus qu’amère. Il a investi son argent (avec l’aide de la banque et de l’Ansej), en association avec son fils, pour réaliser un restaurant, qui s’avère non rentable. Pour décorer son chalet, il a tout fait pour rester fidèle à l’architecture montagnarde. Il a utilisé de la pierre bleue de Chréa et la pierre jaune ramenée de Yakouren (Kabylie). Aujourd’hui, il regrette cela d’autant qu’il est malade chronique.

«Au début, j’ai beaucoup cru à la volonté de l’Etat pour ce qui est du développement de Chréa. Mais le discours officiel n’était finalement qu’une fausse promesse», regrette-t-il.

«Je comptais beaucoup sur le transport par télécabine. Mais c’est en panne depuis des années. A Chréa, pas de transport public. Un véritable paradoxe dans une zone touristique. Mis à part le week-end, on chôme le reste du temps», poursuit-il.

Un chômage qui peut parfois être au rendez-vous même le week-end pour «démission des autorités locales».

«Dernièrement, Chréa est restée sans électricité tout un week-end. On n’a même pas pris la peine (allusion faite à Sonelgaz) de nous aviser pour qu’on prenne nos précautions. Du coup, on a perdu beaucoup de clients ce jour-là. Et comme un malheur ne vient jamais seul, les services des travaux publics ont pris beaucoup de retard pour libérer la route de la neige. Alors que c’est pendant cette période qu’on est censés renflouer nos caisses. Certains de nos clients nous appellent pour des réservations, mais nous rappellent pour s’excuser car ils trouvent la route fermée. Ils font alors demi-tour à mi-chemin. Pourtant, les services concernés ont le matériel qu’il faut», déplore-t-il.

Il ajoute que les coupures du téléphone fixe sont légion et l’intervention d’Algérie Télécom tarde. Le réseau de téléphonie mobile n’est pas en reste, il est souvent en dérangement.

Selon le même interlocuteur, à Chréa, les toilettes sont fréquemment bouchées car le réseau d’assainissement est défaillant.

«Je me démène pour ramener les agents de l’ONA pour déboucher les sanitaires. Il est inadmissible qu’un investisseur qui s’occupe de gastronomie et de tourisme de manière générale s’occupe de ce genre de problèmes récurrents».

Et comme un malheur ne vient jamais seul, la pression de la banque pèse lourdement sur l’investisseur en question.

«Le CPA exige son argent alors que Chréa manque cruellement de touristes. Aucune aide de la part de l’Etat. Le téléphérique est à l’arrêt depuis belle lurette. Pas de moyens de transport public. De plus, il y a de fortes intempéries en hiver et des feux de forêt ravageurs en été. Tout cela n’est pas pris en compte, malheureusement, par ma banque.»

Un autre aubergiste évoque le manque d’eau: «J’ai honte de recevoir des touristes parce qu’il n’y a pas d’eau dans les toilettes! Je possède un petit dortoir mais je ne peux pas l’utiliser. Imaginez la réaction d’un touriste qui veut prendre sa douche le matin et ne trouve pas d’eau! Ramener de l’eau d’ailleurs me coûte cher et c’est au détriment de mon temps aussi. Un problème de plus qui nous décourage…» 

Mohamed Benzerga

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