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Un deuxième «20 Août 1955» occulté




Un deuxième «20 Août 1955» occulté
De ce commando, il ne reste aujourd'hui que deux survivants : Laïfa Mohamed, dit «Bata» et Bellizidia Hacène, dit «Ahcen».Historiquement parlant, Skikda sera éternellement identifiée aux massacres du 20 Août 1955. Ce n'est qu'une reconnaissance aux sacrifices des jeunes révolutionnaires skikdis qui avaient bravé, ce jour-là, toutes les peurs pour offrir à leur pays l'une de ses plus glorieuses pages de la Révolution. La ville porte depuis, comme un honneur, les suites madiatico-politiques d'un tel évènement dont l'importance et la charge émotionnelle allaient aussi couvrir beaucoup d'autres faits d'armes que cette même ville a vécues.Skikda est la ville du 20 Août 1955, c'est vrai, mais c'est aussi la ville du 1er Juin 1956. Une date restée longtemps oubliée et qu'on n'a jamais voulu célébrer en dépit de l'immense sacrifice d'un commando composé d'une vingtaine de jeunes skikdis, qui s'étaient attaqués, ce jour-là, à une ville garnison.De ce commando, il ne reste aujourd'hui que deux survivants : Laïfa Mohamed, dit «Bata» et Bellizidia Hacène, dit «Ahcen». «Bata», qui reste toujours réservé lorsqu'il s'agit d'évoquer son parcours révolutionnaire, accepte de revenir sur cette glorieuse page de l'histoire de Skikda. Pour Bellizidia, il a fallu toute la fougue persuasive du Moudjahid Balaska, pour le convaincre de parler et de transmettre fidèlement cette histoire aux jeunes générations.D'abord, il faut situer l'évènement dans son contexte. Skikda en 1956 n'avait pas encore pansé ses plaies. L'odeur de la mort laissée par les tueries du 20 Août 1955 couvre encore la ville et sa banlieue. Aux maquis, que ce soit à El Alia à l'Est ou à Laifate et Zouit à l'Ouest, les jeunes skikdis qui avaient rejoint la Révolution attendent les ordres.Une autre précision; le nombre exacte des membres de ce commando reste à déterminer. Bellizidia témoigne qu'ils étaient 18.Ils les nomme «Bouthelja Abdelhamid, dit Dilinger, Bengharsallah Messsaoud, dit Petit Messaoud, Louzat Hocine, dit Zanzi, Hambarek Mokhtar, Daalache Messaoud, Hamrouche Hammoudi, Saci Boulferkat, Salah Daoud, dit le Gaucher, Merzouk Ali, Boussaboua Mohamed, Sahraoui Amar, Zattout Amar, Naghmouche Mohamed, Chebli Hacene, Djouamaa Rabah, Behim Hocine, Bellizidia Hacene et Laifa Mohamed, dit «Bata». Pour Laïfa Mohamed et en plus de ces 18 jeunes, il cite aussi le nom de son accompagnateur «Ali Merzoug».Les faitsLes témoignages de Laïfa et Bellizidia se recoupent quant au déroulement de cette opération commando. Ils citent tous deux Zighoud Youcef et Ziguet Smaïl qui auraient décidé de mener une opération choc contre quelques cibles militaires dans la ville. «Tous ceux qui ont pris part à ce commando l'ont fait en tant que volontaires. Nous avions estimé qu'en tant que Skikdis, nous devions retourner à notre ville et y mener cette opération», rapportentLaïfa et Bellizidia.L'opération consistait, selon les mêmes sources à s'attaquer, à midi pile, au commissariat central, à quelques bars fréquentés par les militaires et d'abattre aussi le garde champêtre du Faubourg, un quartier connu pourtant pour être l'un des plus sécurisé, vu la présence massive de gendarmes.Laïfa, en compagnie d'Ali Merzoug s'est attaqué à la caserne située alors près des pompiers. «On a tiré plusieurs coups de feu avant de replier et jeter une bombe au bar dit Lihoudia (la juive). On a par la suite emprunté une ruelle du quartier Napolitain pour regagner la porte des Aurès et rejoindre le maquis.C'est en arrivant au Quartier Napolitain qu'un civil nous a tiré dessus à partir du balcon». Laïfa a été grièvement blessé. Une balle lui a traversé l'épaule et un de ses poumons. Il a continué à marcher pour déjouer l'attention des militaires et est finalement arrivé à la porte des Aurès, puis les Quatre-routes et de là, il a rejoint le maquis. Il sera par la suite évacué vers Tunis où il subira une ablation du poumon perforé.Bellizidia, lui, a été désigné pour jeter des bombes dans un bar non loin de l'hôtel de ville. Il en témoigne :«j'ai jeté la bombe. La déflagration a été intense. Je ne me suis pas enfui. J'ai retiré mon arme pour me protéger au cas où les militaires tenteraient de m'abattre. Les français n'ont pas dit la vérité à propos du nombre des victimes de cet attentat. Moi je sais qu'ils étaient sept militaires.» Il poursuit : «dans ma fuite vers la porte des Aurès, j'ai rencontré Laïfa Mohamed, blessé et qui tirait en l'air.»Le 02 juin, la «Dépêche de Constantine» titrait à sa Une : «Sanglant échec d'un raid terroriste sur Philippeville. Un commando rebelle anéanti» Ce qui n'était en fait qu'une propagande coloniale car seuls cinq jeunes skikdis seront tués ; Boutelja, Bengharsallah, Louzat, Hambarek et Daalach. Les 14 autres réussiront à déjouer l'étau policier et militaire et regagneront le maquis donnant à Skikda l'une de ses plus glorieuses pages de l'histoire de la Révolution.Aujourd'hui, le devoir de mémoire envers cette jeunesse devrait nous interpeller. Au lieu de donner encore la parole à des personnes qui n'étaient même pas présentes lors de tels évènements, il serait urgent de laisser des héros comme Laïfa Mohamed et Bellizidia Ahcene raconter ce qu'ils ont vécu et vu dans leur propre ville.



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