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Spleen des Français (3) : le désenchantement européen - Dans les sondages, forte montée de l'euroscepticisme



L'Europe ! L'Europe ! L'Europe !» ironisait en son temps le Général de gaulle, moquant ceux des Français qui sautaient «comme des cabris» à son évocation. Dans tous les cas de figure, l'Union européenne (UE) a beaucoup déçu et ne recueille plus guère de fans. Dans un sondage de Libération avant les élections européennes de juin dernier, 49% des personnes interrogés évoquent au sujet de l'UE, «quelque chose de négatif», contre 45% qui estiment le contraire. 58% la jugent comme «une contrainte», contre 32% qui la considèrent comme un atout. C'est également pour 52% des Français, une «contrainte pénalisante» sur le plan politique, contre 37% qui la juge «bénéfique».

Sur le plan économique, en revanche, 60 % des sondés sont contre une sortie de l'UE, 28 % sont pour, 12 % ne se prononcent pas. Quant à une sortie de l'euro, 59 % refusent cette éventualité mais 29 % y sont d'ores et déjà favorables. C'est souvent l'expression d'un réalisme contraint : sortir, mais que faire d'autre ? L'Europe à 28 pays ? «A l'avenir, géographiquement», 64 % préféreraient que «l'Union européenne se recentre sur certains pays (six pays fondateurs ou pays de la zone euro)», 21 % qu'elle «reste telle qu'elle est aujourd'hui», 7 % seulement qu'elle «s'élargisse à de nouveaux pays».

Un autre sondage de l'IFOP à la même époque, confirmait l'amenuisement du sentiment pro-européen à l'échelle du contient : 74% des Français exprimait leur méfiance à l'égard de l'Union européenne, tout juste devant les Britanniques (73%), les Espagnols (60%), les Belges (55%), les Italiens (52%). Même les Allemands, pourtant grands vainqueurs de l'actuelle construction européenne, sont 50% à exprimer leur défiance à l'UE !

Ce désenchantement, progressif mais continu, s'explique aisément. La Banque Centrale Européenne (BCE) qui contrôle l'Euro, n'a qu'une ligne : l'économie de l'offre pour qui le seul moteur de croissance réside dans une plus grande compétitivité et liberté des entreprises. Cette instance, dominée par l'Allemagne, a su imposer aux états-membres, ses obsessions depuis au moins trois décennies : réduction des déficits budgétaires, pression sur les salaires, ouverture des frontières économiques, y compris extra-européennes… Au résultat, la machine économique ne redémarre pas.

Du coup, sur l'ensemble de l'année 2013, la zone euro est en récession déflationniste, avec un PIB en baisse de -0,4%. Moins spectaculaire que l'inflation galopante, la déflation est tout aussi dangereuse car elle crée un cercle vicieux dont il est difficile de sortir : face à des prix qui baissent, les consommateurs diffèrent leurs achats, les entreprises réduisent leur production, baissent la masse salariale, suppriment des emplois. Ce qui n'empêche pas l'UE et les principaux gouvernements de s'accrocher à leurs dogmes néolibéraux.

INUTILE DEMOCRATIE

L'Union européenne n'a pas de politique étrangère. Contrairement aux Etats-Unis, à la Chine, à la Russie et à bien d'autres grands pays, l'Europe prise par une grosse fatigue et malgré sa situation de zone géographique la plus riche du monde, a décidé de plus être une «puissance» autre qu'économique, une sorte de «Grande Suisse». Sa diplomatie commune se résume pour l'essentielle à des déclarations lénifiantes mais verbales : défense de la démocratie, coopération entre les peuples, etc. … Seuls deux pays, l'Angleterre et la France considèrent les questions de défense comme stratégiques et les interventions françaises en Afrique ne sont considérés par nos principaux voisins que comme «des restes du colonialisme». Plus inquiétant est l'absence d'analyses et de réponses communes à l'évolution des grandes régions frontalières qui traversent des situations souvent explosives. On a peiné à trouver des positions communes européennes sur la crise au Proche et Moyen-Orient (Israël/ Palestine, Syrie, Irak... ), les «révolutions arabes», de même pour la Libye et la région sahélienne. La Turquie pourtant très demandeuse d'une intégration à l'UE, s'est vue plusieurs fois claqué au nez la porte d'entrée de ce «club de pays chrétiens». Rappelons à ce propos que le drapeau de l'Union européenne officiellement laïque, et ses douze étoiles sur fond bleu, est une reprise de la bannière de la Vierge Marie. Il fut adopté en 1955, le jour de la fête chrétienne de l'Immaculée conception…

Il n'a pas davantage de visions communes sur l'Est de l'Europe. Si les premiers pays de l'ex-bloc soviétique (Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie..) furent accueillis chaleureusement, l'intégration, inachevée, des pays balkaniques fut beaucoup plus difficile et les Européens sont aujourd'hui très réticents a accepter la candidature de l'Ukraine ou de la Géorgie. Réalisme économique, certes, mais il ne faut surtout pas fâcher le voisin russe… Sur ce dernier dossier, l'Allemagne mène d'ailleurs une politique diplomatique séparée, marquée par une grande «realpolitik».

Sur le plan de son fonctionnement général, il est piquant de noter que la grande majorité des instances européennes, grandes pourvoyeuses de décrets, lois, directives et circulaires en tous genres, et qui s'appliquent à tous, ne sont pas, à l'exception d'un Parlement européen sans grands pouvoirs, des instances élues.

Depuis l'échec en France et des référendums sur l'élargissement de l'Europe en 1992, et sur la Constitution européenne (2005), les autorités européennes ne cachent d'ailleurs pas leur méfiance devant l'expression démocratique des citoyens, ceux-ci considérés en coulisse comme velléitaires, inconstants et ignorants. Les grandes décisions stratégiques sont trop complexes pour être confiées aux petits peuples… La meilleure preuve ? Les négociations actuelles pour un traité de libre-échange avec les Etats d'Amérique du Nord, menées par les Etats-Unis et l'UE, se déroulent dans une stricte confidentialité, bien à l'écart des citoyens et même des Etats-membres !


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