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Quand la couleur du carrelage donne la température politique du pays


Quand la couleur du carrelage donne la température politique du pays
Involontairement, la place principale de Tiaret aura plusieurs connotations idéologiques à cause de la? couleur rouge de son carrelage.Lorsqu'un maire de Tiaret inaugurait son mandat par la réfection des trottoirs, en pleine Révolution agraire des années 1970, il n'imaginait certainement pas les orientations symboliques qu'aurait la couleur du carrelage de la place de la ville au gré des soubresauts de la politique algérienne.L'histoire rocambolesque de La place rouge de Tiaret est délicieusement relatée par Farid Benramdane, toponymiste et chercheur au Crasc, dans un numéro de la revue Insanyat. Tout a commencé lorsque l'APC de Tiaret, dépendant de l'ex-parti unique, décide de mettre en place un carrelage neuf sur les trottoirs qui, d'après M. Benramdane, n'en avait même pas besoin.Portant le nom d'Emile Loubet, président de la République française (de 1899 à 1906) durant la période coloniale, cet espace a été rebaptisé place de la Victoire. Lorsqu'elle a été couverte d'un carrelage rouge, précise Farid Benramdane, en pleine lutte politique autour de la Révolution agraire, les éléments politiques les plus actifs de l'époque, du PAGS (Parti de l'avant-garde socialiste, héritier du Parti communiste algérien) et de la gauche du FLN, plus ou moins marxisante, vont être, sans qu'on puisse identifier exactement les auteurs, à l'origine d'une dénomination nouvelle : la place Rouge, allusion évidemment faite à la célèbre place Rouge de Moscou.Plus tard, les autorités choisiront de «re-re-baptiser cet espace du nom de place du 17 Octobre 1961 (allusion à la journée de l'émigration), mais les habitants ne retiendront que le mois d'octobre, en référence à la Révolution bolchevique de 1917. La dénomination spontanée place Rouge prenait ainsi, aux yeux des habitants, toute sa légitimité.» La coïncidence événementielle (octobre 1917/octobre 1961), écrit Benramdane, «va resémantiser les glissements opérés dans l'appellation orale, en renforçant le raccourci, non sans humour et plaisir, des ??fréquentateurs'' de la place Rouge, communément appelés par les autorités de l'époque ??Nass ta'a la place Rouge'' (les gens de la place Rouge)».Avec la montée de l'islamisme politique au début des années 1990, les éléments du FIS, élus à la municipalité, décident de changer le carrelage rouge, lui préférant la couleur verte de l'islam qui justifierait l'appellation El Sahatu el Khadraâ, la place Verte).Ils organisent, par la même occasion, de grandes ablutions collectives pour «purifier» la place. La nouvelle dénomination a-t-elle subsisté ' «Non, dit Farid Benramdane. La raison déterminante n'a été ni politique, ni idéologique, ni militaire, mais... climatologique.Le nouveau carrelage, de couleur verte mais de mauvaise qualité, s'est détérioré. Il a fini par prendre progressivement ? le (mauvais) temps aidant ? l'un des plus froids et rudes d'Algérie ? une couleur marron argile, rougeâtre, carrément... ??rouge'' pour certains et pour la suite de l'histoire de la région. Les groupes s'y rencontrent, se forment et se déforment chaque fin de semaine et s'y donnent rendez-vous, comme d'habitude, y compris les plus irréductibles, en discourant définitivement : ??On se rencontre, comme d'habitude... OK... fi La place Rouge,inch Allah !''»




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