Algérie - A la une

Propagande
«La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures.» Noam ChomskyJe ne sais plus quel homme politique déclarait en pleine campagne électorale, sans doute pour donner mauvaise conscience à ses potentiels électeurs, que le citoyen ne payait que 47% du logement gracieusement construit par l'Etat. Cet homme sympathique avait oublié de dire que le citoyen qui avait la chance d'avoir un boulot ne touchait qu'un salaire misérable, insignifiant par rapport à celui de son homologue européen ou à celui du député pour lequel il n'avait pas voté. Comme il avait oublié aussi que l'automobiliste d'ici a la chance de rouler sur l'autoroute la plus coûteuse au kilomètre linéaire.Cette déclaration, c'est ce qu'on appelle de la propagande. De tous temps, elle paraît comme une chose importante. Son rôle devient de plus en plus prééminent dans chaque entreprise au point qu'elle est devenue quasiment une science. Des hommes ont réfléchi, ont étudié la psychologie humaine, son degré de perception, ses qualités de réception et ses capacités d'assimilation. Ainsi, le consommateur est passé au crible des divers instruments forgés par ces spécialistes: la machine peut ainsi se mettre en marche. La communication, car c'est de cela qu'il s'agit, est devenue la principale préoccupation des entreprises ou des groupements humains qui ont intérêt à vendre un produit, à proposer un programme a priori ou à expliquer une démarche a posteriori. Il est de première évidence que pour communiquer, il faut qu'il y ait au moins trois éléments indispensables: le producteur, le produit et le consommateur. Quand on n'a rien à vendre ou à proposer, la communication devient inutile. Quand le consommateur n'a pas la capacité financière d'acquérir le produit, la communication est vaine! Autant prêcher dans le désert. Si la communication est l'ensemble des moyens fournis par le producteur pour amener l'autre vis-à-vis dans son raisonnement, il faut qu'il y ait d'abord disponibilité du produit.En période de pénurie, il serait absurde de dépenser des efforts inutiles pour «vendre» ce qui ne se vend pas.D'ailleurs, comme les gens ont pu le constater, dans les économies socialistes la communication est réduite à son strict minimum: la publicité est inexistante car la pénurie est la règle dans le système où le volume de la monnaie est supérieur à celui des produits. Pourtant, pour faire passer la pilule, le régime doit communiquer: il émet certains messages afin d'adoucir les contradictions existantes. Les réalisations industrielles, les progrès de l'économie, les faux bilans, les manifestations culturelles grandioses avec une figuration humaine massive, de grandes cérémonies où les discours emphatiques sont reproduits à la une par une presse domestiquée, la perspective de lendemains qui chantent demeure le leitmotiv du pouvoir. De grands portraits du dictateur du moment jalonnent les voies publiques, des statues monumentales ornent les places. Quand tout cela ne suffit pas, un deuxième discours se greffe sur le premier: il compare l'état du pays en question avec celui du voisin qui est, en général, considéré comme un ennemi éternel (à cause certainement des nombreux heurts qui se sont produits dans l'histoire). La comparaison est d'autant plus aisée si la nature des régimes apparaît de prime abord comme différente, si le pays voisin est une monarchie à l'ancienne avec baisemains et courbettes, toute l'attention sera portée sur ce rituel d'un autre âge qui deviendra la cause essentielle de l'arriération économique de la population et le train de vie dispendieux mené par la cour apparaît comme un blasphème aux yeux du commentateur. Mais cela n'est pas aussi simple que cela, car il y a quelque chose qui compte aussi dans la communication: c'est le temps. Quand la situation de la majorité de la population ne s'améliore pas, quand l'augmentation des produits de première nécessité fait apparaître ridicules les mai- gres salaires dont les insignifiants relèvements sont portés par la déesse aux cent bouches, quand le chômage est persistant et que le marché du travail ne reste ouvert que pour une certaine catégorie de personnes, quand la réserve des devises augmente alors qu'une jeunesse désespérée se bouscule désespérément aux portes des légations pour un improbable visa, quand les boat-people cassent dramatiquement une actualité morne, quand la télévision satellitaire dit le contraire de ce qui est raconté sur la chaîne publique, quand Internet élargit les horizons, alors, le député, qui est en campagne, a intérêt à soigner sa communication pour déranger un électeur engoncé dans sa triste quotidienneté.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)