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Pourquoi interroger le passé, l'avenir n'est-il pas plus important '



Pourquoi interroger le passé, l'avenir n'est-il pas plus important '
A. LemiliÀ la limite, il devient de plus en plus rébarbatif de parler de patrimoine, de sa protection, sa préservation sachant qu'à l'exception des vestiges importants il n'existe pas grand-chose qui puisse avoir réellement de l'intérêt et pour les pouvoirs publics, dont c'est pourtant la mission, et les populations qui n'ont à leur tour aucun ancrage avec le passé de leur pays. Pis, elles sont en général, consciemment ou inconsciemment, les plus grandes prédatrices. Il suffirait pour cela de se rendre à hauteur de ces vestiges tels Timgad, Tiddis, Djemila, Cherchell pour en avoir une idée.S'il n'est pas possible de prendre en charge effectivement ce type de patrimoine, il y a tout aussi une autre sorte de patrimoine sur lequel tout le monde gagnerait à y réfléchir. Celui d'abord laissé par la colonisation et dont la réalisation immédiate a déjà été aux premiers jours de l'Indépendance d'en gommer la trace comme si cela suffisait à effacer plus d'un siècle et quart d'occupation accompagné d'exactions et ponctué par une guerre abominable qu'inégale. Ensuite, il y a cet autre patrimoine que l'Etat, depuis la libération du pays, s'est efforcé d'entreprendre à travers des réalisations culturelles et qui n'ont finalement été entretenues que lorsqu'il a existé des organismes, institutions et établissements qui y veillaient et que, par la suite, avec le retrait des personnes qui jusque là ont justement veillé à cette prise en charge. C'est le cas des musées notamment celui de Constantine, dont il faut évoquer cette anecdote concernant l'un de ses responsables, désignés à l'époque par la mouhafadha locale, qui a fait recouvrir de peinture ordinaire une fresque murale datant du début du siècle et immortalisant une scène d'agapes dans une résidence patricienne de Pompéï avant que celle-ci ne soit engloutie après l'éruption du Vésuve. Il y a aussi les salles de cinéma, les cafés maures, les places publiques dévoyées par de nouveaux matériaux, de la ferraille. Bien sûr tout cela au nom du modernisme lequel aurait du bon sauf qu'il s'agit aussi de la maitrise de cet exercice par ceux qui en sont les promoteurs et qui, malheureusement, n'ont aucune compétence en la matière.Autre volet, depuis quelques semaines, à l'est du pays, une société de production cinématographique s'échine à donner le premier coup de manivelle à un film dont l'histoire se situe entre 1960 et 1962. À ce jour, le réalisateur n'est pas arrivé à trouver les décors idoines pour la simple raison que des pans entiers de rues et ruelles datant de l'époque coloniale ont été défigurés par des constructions plus proches de celle dite troglodyte, et ceci avec tout le respect dû à cette forme architecturale remontant à la nuit des temps, que des résidences normales, modestes et tout autant belles montées à la fin du 19e et début de celui qui l'a suivi.Tout cela nous amène à un triste constat, celui qui consiste à souligner que non seulement le secteur cinématographique national manque en réalité d'une grande imagination, mais surtout ne dispose pas d'espaces à même de lui permettre de tourner dans des conditions censées rappeler la période où se déroule une histoire donnée. Et, au-delà des lieux eux-mêmes, l'équipe technique du film n'arrive pas non plus à se «débrouiller» des accessoires autrement dit des ustensiles et autres babioles usuelles datant de la fin de la Guerre de libération. Dans un superbe raccourci, un accessoiriste duquel nous nous sommes rapprochés pour nous enquérir de cette anomalie répondra laconiquement : «Vous savez... depuis 1960 il n'y a pas eu de grand changement et je crois que les accessoires domestiques utilisés à cette époque ne différent pas beaucoup de ceux existants.» C'est vrai : les véhicules moteurs à l'arrière comme une Dauphine, une Jeep Hotchkiss, un brasero, une bouteille de bière Wolf, une théière, une affiche de Brigitte Bardo en bikini, des billes, les pièces de monnaie et les billets de banque, etc. peuvent se négocier à tous les coins de rue.Dans ce même registre, un brocanteur, décédé depuis deux ans, nous avait fait part de son désappointement. Il a adressé une correspondance accompagnée d'une liste d'accessoires à la ministre de la Culture, à la suite d'un abus de confiance dont il a été victime de la part d'une équipe de tournage d'un grand film financé par ledit secteur et partiellement réalisé à Constantine, sur le parcours historique d'une importante figure de la révolution algérienne. Notre interlocuteur ne parvenait plus à récupérer les accessoires authentiques remis à l'équipe de tournage. Ces accessoires remontant parfois jusqu'à la présence turque dans la région et surtout appartenant à la famille de génération en génération. Dans des cas de figure pareils, comment imaginer un seul instant que le patrimoine puisse survivre et surtout être protégé. C'est simple, pour nos concitoyens «hier... c'était un autre jour. Plus important est aujourd'hui».A. L.


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