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Une Jaguar sur les routes défoncées de Benchergui Journée de campagne à Constantine



Une Jaguar sur les routes défoncées de Benchergui                                    Journée de campagne à Constantine
Au quartier La Piscine le délabrement est total. Jamais pendant cinq ans les élus sortants ne se sont penchés sur les préoccupations
des habitants de ce no man's land constantinois.
Le mouhafedh entend bien rouler les mécaniques. Driss Maghraoui, le nouveau patron du FLN à Constantine, profite largement de la campagne électorale pour imprégner son style. La journée de Mouharam a été consacrée à une sortie de proximité dans les quartiers de l'est de la ville, une zone meurtrie par les années du terrorisme et paupérisée par des décennies d'abandon. Le procédé ne change pas. Tout le monde à bord. Deux bus Toyota aux couleurs du parti sont affrétés pour la campagne. Le cortège compte aussi une dizaine de véhicules, parmi lesquels des voitures de marque, signes ostentatoires de richesse, qui indisposent, y compris des candidats, redoutant de provoquer la population ciblée. Une fois les dernières retouches achevées ' collage d'autocollants sur les pare-brise et distribution des produits de merchandising aux populations ' le cortège s'ébranle. Il est 10h45.
Les klaxons déchirent le calme du quartier Coudiat en ce jour férié. Un tube de stades de football adapté à la promotion du FLN retentit des lecteurs CD, Eh Mamamia ! Quelques dizaines de mètres plus loin, la procession débouche sur le carrefour bouchonné et passe presque inaperçue au milieu des supporters du Mouloudia local venus manifester devant le cabinet du wali leur colère face à la crise qui détruit leur club. L'Etat d'esprit des «Flnistes» est étonnement chargé de confiance. Au point de s'aliéner de la réalité. Parmi les candidats interrogés, tous disent ignorer les révélations faites par Algérie News impliquant Abdelaziz Belkhadem.
La mobilisation est exemplaire. Un seul sujet à l'ordre du jour : gagner les élections. Première halte : le quartier populaire de Sidi M'cid, dit La Piscine, du nom du bassin mythique de Constantine fermé depuis de longues années. Beaucoup parmi les jeunes prétendants aux sièges des assemblées n'ont jamais mis les pieds dans cette partie de la ville. Petit briefing sous le toit de la permanence du quartier avant d'aller au contact de la population. Un DJ se charge d'assourdir l'atmosphère avec les tubes du parti et provoque les déhanchements timides d'un groupe de jeunes. Ce sont surtout les badauds qui s'excitent de l'évènement et viennent ajouter leur allégresse turbulente au brouhaha partisan.
Succès féminin
L'heure de vérité venue, le groupe, parmi lequel se trouvent les têtes de listes et le mouhafedh, s'enfonce dans le quartier. Les candidats s'adressent avec entrain aux passants, distribuent les tracts et offrent des stylos, des pin's et des casquettes. «Votez FLN, votez pour nous et nous règlerons vos problèmes.» La rue ne s'emballe pas, mais certains réagissent, comme ce vieil homme coiffé d'un chapeau russe qui tance les candidats : «Je ne voterai pas parce que je n'ai jamais eu mes droits !»Visiblement déstabilisé, un candidat s'approche de lui et réplique maladroitement, ce qui n'est pas pour convaincre le vieux récalcitrant. D'autres cependant approchent avec succès des citoyens ici et là. Les femmes ont plus de succès.
«Je voterai FLN rien que pour tes beaux yeux», lance un jeune dragueur à une belle jeune membre du cortège. Les citoyens sont plutôt corrects, même ceux qui repoussent les tentatives des candidats, ayant des opinions déjà faites. Un vendeur de fruits et légumes presse le groupe de passer son chemin pour laisser la place à ses clients potentiels. Plus bas, un groupe de jeunes oisifs déchirent les tracts distribués par les visiteurs à peine ces derniers ont-ils tourné le dos. Abbas, Sami et ses amis ne donnent aucune chance aux candidats FLN ni aux autres d'ailleurs.
«Depuis le jour de ma naissance en 1988, la route est dans cet état pitoyable. Nous n'avons ni éclairage public, ni poste de police, ni bureau de poste, ni jardin et encore moins de structure de loisirs. J'habite le quartier La Piscine et toute ma vie, je n'ai nagé qu'une seule fois dans ce bassin», s'indigne Abbas. «A la SAS (un établissement de santé publique) il n'y a même pas de seringues. Ici fini la vie», coupe son copain. «Notre journée se résume à se réveiller, prendre le café et partir passer la journée au centre-ville avant de rentrer à la tombée de la nuit», renchérit Salim.La désolation est totale et se passe de commentaire.
En attendant le développement, des casquettes !
Des tracteurs circulent, des épaves de vieux bus Tata jonchent les ruelles, les visiteurs emportent dans leurs souliers un peu de gadoue et feignent de ne pas faire attention au spectacle. Jamais pendant cinq ans, les élus sortants ne se sont penchés sur les préoccupations de ce no man's land. Et les habitants que nous avons interrogés ne semblent accorder aucun crédit aux nouveaux prétendants.Le cortège s'arrête aussi à la cité Benchergui. Comme à La Piscine, les gens sont froids, sans surprise. Les plus jeunes se bousculent par contre pour obtenir la casquette noire, meilleure offre de campagne. Quelques-uns, curieux, s'approchent de la voiture du mouhafedh pour voir sa marque : une Jaguar !
La présence de la gent féminine laisse une bonne impression sur la rue et crée visiblement une distance de respect. Il faut dire que ce travail de proximité n'est guère aisé. Quelques jours auparavant, des candidats infortunés du RND ont été agressés durant leur sortie à El Khroub et à la cité des Mûriers. C'est le sixième jour de sorties sur le terrain. Les quartiers sont passés au peigne fin. «C'est vrai que nous avons les moyens», reconnaît le deuxième sur la liste APW. Des moyens qui donnent au parti au pouvoir une longueur d'avance sur ses adversaires plutôt timides (beaucoup de partis n'ont pas pu présenter de listes à Constantine faute de candidats).
Le FLN de Constantine croit convaincre aussi en tournant le dos à ses anciens élus, auteurs d'un mandat catastrophique. «Le changement de la liste est une sanction contre les élus sortants. Même s'ils n'ont pas gouverné avec la majorité, ils n'ont pas d'excuse pour le mandat négatif qu'ils viennent de terminer», reconnaît Driss Maghraoui, qui affiche avec beaucoup d'assurance sa préférence pour les jeunes. Un choix qui semble à la mode d'ailleurs chez la majorité des partis en lice pour le rendez-vous du 29 novembre. Avant de rentrer au siège, le groupe s'aventure jusqu'au bourg Loghrab où des discussions à bâtons rompus sont engagées avec les citoyens au café central. La journée prend fin à la cité des Martyrs où l'anarchie, la laideur et la pauvreté sont proéminentes.
Les candidats ont fait les mêmes promesses, la population a montré la même mine indifférente jusqu'à disparition du cortège.


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