Algérie - A la une

Moratoire sur le gaz de schiste



Moratoire sur le gaz de schiste
Week-end publie la lettre adressée au président de la République par les militants anti-gaz de schiste et des extraits des études publiées dans le moratoire.- Fracturation hydraulique et enjeux environnementauxI- La contamination de l'eau1- La contamination des nappes d'eau à travers les espaces annulaires des puits.Le puits reste le principal canal qui pourrait servir de drain pour le cheminement des fluides vers le haut, et jusqu'en surface, comme c'est le cas du puits OKN-32 de Haoud Berkaoui, dans la région d'Ouargla, foré par Total en 1978, et qui menace de polluer les eaux de Ouargla.Pour des raisons physico-chimiques, la qualité de la cimentation des puits à gaz dans le bassin de Timimoune et In Salah a toujours été difficile à réaliser et donc l'étanchéité des tubages n'est jamais parfaite malgré les tentatives de restauration (squeeze).Le gaz peut donc arriver en surface à travers les espaces annulaires qui se mettent en place entre le tubage et le ciment d'une part (micro annulus) et entre le ciment et le réservoir d'autre part (channeling) et à travers le ciment lui- même, qui après la prise, se contracte et devient poreux et perméable au gaz (un constat avéré dans la région). Ces espaces bien visibles sur les diagraphies d'imagerie et les enregistrements acoustiques (VDL) expliquent l'arrivée du gaz en surface constatée dans beaucoup de puits de la région après leur abandon.Dans le cas du gaz de schiste, les 85 à 90% des réserves non récupérées, mélangées aux 20 à 40% du fluide de fracturation laissé dans la roche, exerceront, avec le temps, une pression de plus en plus forte sur les abords immédiats du puits. La répressurisation des espaces annulaires pourrait avoir lieu quelques années après l'abandon du puits et conduirait à la communication inter-zones (cas OKN-32). Il est important de noter que la pression et le débit d'un puits abandonné ne sont jamais nuls.L'abandon d'un puits de gaz de schiste se décide quand son débit journalier n'est plus rentable. Après l'abandon du puits, le gisement continue à travailler pour engendrer la répressurisation en question qui va cisailler le tubage fragilisé par la corrosion, fissurer le ciment, et créer des espaces annulaires le long du puits, faisant ainsi de ce dernier une zone de faiblesse pour la migration verticale du gaz méthane et du cocktail de fracturation.Une étude réalisée, en 2003, par Schlumberger, sur 15 000 puits dans le monde, montre que 5% des puits ont des fuites durant la phase production et 50% ont des fuites 15 ans après l'abandon, etc. L'étude montre qu'à plus long terme (20 -25 ans), tous les puits vieillissent et finissent par laisser fuir les fluides vers la surface, voire les fuites inter-zones. Il est évident que l'occurrence et la vulnérabilité de ce risque vont crescendo avec la densité de forage par unité de surface (des dizaines de milliers de forages à raison de 2 ou 3 forages par km2, effort forage qui reste utopique en Algérie).En Algérie, et compte tenu du coût très élevé de l'exploitation du gaz de schiste et des faibles taux de succès géologique et économique de ce projet, le nombre de puits qui pourraient être forés sera très limité et n'aura pas d'impact mesurable sur l'environnement. Ainsi, nous pouvons conclure que ce projet s'arrêtera de lui-même, un jour, avant même que le nombre de forages n'atteigne un seuil préoccupant. Mais le risque zéro n'existe pas.2- Contamination par la fracturation et les failles préexistantesLe risque de la contamination directe par les fractures naturelles préexistantes et/ou les fractures hydrauliques générées par l'opération de frac, divisent fortement les spécialistes. En effet, il semble très faible pour certains au vu de la géologie de la région. Pour d'autres, l'Albien sera inévitablement menacé par la fracturation.II- Fracturation hydraulique et occupation spatialeLa fracturation hydraulique est actuellement la méthode la plus usitée pour l'exploration et l'exploitation de gaz non conventionnels. C'est une technique destinée à fissurer et micro-fissurer des formations géologiques à faible perméabilité par l'injection d'un fluide à très haute pression ? généralement de l'eau enrichie en agents durs (grains de sable tamisé, ou microbilles de céramique) pour empêcher le réseau de fracture de se refermer sur lui-même au moment de la chute de pression. Afin d'améliorer l'efficacité de la fracturation hydraulique, des additifs sont ajoutés dans l'eau :des biocides destinés à réduire la prolifération bactérienne dans le fluide et dans le puits ; des lubrifiants pour favoriser la pénétration du sable dans les micro- fractures ouvertes par la pression de l'eau ; des détergents pour augmenter la désorption du gaz et donc la productivité des puits. En s'appuyant sur l'expérience acquise en Amérique du Nord, où la fracturation hydraulique à grands volumes est très répandue, Sonatrach et ses partenaires étrangers expérimentent désormais cette technique dans différentes régions en Algérie dans l'exploration du gaz de schiste en débutant par le Sahara, loin des regards.L'observation de l'exploitation actuelle des gaz de schiste aux Etats-Unis montre une densité de puits de l'ordre de 2 à 6 puits au km2. Chacun de ces puits occupe de 1,5 à 2 hectares pendant la période de forage et de fracturation et une surface de 0,4 à 1,2 hectare en phase d'exploitation. Il faut y ajouter les voies d'accès à ces différents puits qui occupent de l'ordre de deux hectares par km2. C'est donc 4 à 20% d'un territoire qui sont artificialisés au cours du forage et 2 à 6% définitivement perdus pour d'autres activités. Cette activité va conduire à une prolifération non maîtrisée de constructions en milieu rural ou périurbain, avec des conséquences importantes en termes d'occupation des sols dans les zones agricoles et urbaines et des conséquences sur l'attrait touristique pour les zones peu peuplées.III- La fracturation hydraulique et gestion de l'eauLa technique de fracturation hydraulique requiert pour chaque puits de gaz de schiste des volumes d'eau très importants entre 10 000 et 20 000m3, (de quoi alimenter jusqu'à 500 habitants par an en milieu rural ou irriguer 5 à 10 ha) auxquels sont mélangés 100 à 150 tonnes de produits chimiques divers et 1000 à 1200 tonnes de sable.L'équipement d'une surface de 10 km2 en puits de gaz de schiste suppose donc l'amenée de 200 000 à 1 200 000 m3 d'eau, de 2000 à 9000 m3 de produits chimiques et de l'ordre de 72 000 tonnes de sable et donc la rotation de plusieurs centaines de camions, avec les nuisances qui y sont associées : bruit, pollution locale, dégradation des routes, émissions de CO2, NOx,...Une grande partie de l'eau injectée va rester dans le sous-sol de fracturation qui va se comporter comme un «réacteur» dans lequel toutes les conditions seront requises (eau, produits chimiques plus ou moins réactifs, catalyseurs, chaleur, pression...) pour que certains composés chimiques réagissent entre eux, parfois en plusieurs étapes, en formant à la sortie de nouveaux produits hautement toxiques. Quant à celle qui est extraite des puits après la fracturation, une partie du mélange va revenir sous forme de boue (100 à 125 m3 par puits), elle est contaminée par les centaines de produits chimiques qui y sont mélangés et par son passage dans la roche mère qui la charge en sels minéraux divers.Les centaines de produits chimiques utilisés comme additifs dans l'opération de fracturation, dont la plupart sont toxiques ou cancérigènes, sont des polluants qui peuvent s'infiltrer dans les nappes phréatiques et contaminer l'eau qui est destinée à la consommation. Les eaux usées qui remontent à la surface, chargées de sels minéraux et de gaz, posent des questions de retraitement qui ne sont pas toutes résolues et émettent des rejets gazeux dont certains sont dangereux pour la santé (en particulier des hydrocarbures cancérigènes).Les eaux qui restent en sous-sol auront tendance à filer dans les zones de moindre résistance, les couches les plus perméables, notamment les aquifères les plus proches qui sont souvent contaminés par des fuites dues à des défauts d'étanchéité des puits, une mauvaise cimentation et la corrosion des tubes d'acier.Il a été constaté aux Etats-Unis sur certains puits des fuites de méthane vers les nappes phréatiques, méthane qu'on retrouve dans l'eau de consommation domestique. En Pennsylvanie, par exemple, où l'on compte plus 80 000 forages, soit un puits actif pour 1,5 km2, l'utilisation sur place de l'eau souterraine a entraîné l'assèchement de plusieurs nappes phréatiques ! On ne peut que s'interroger sur l'avenir écologique de ces régions !Qu'en est-il alors de la nappe albienne à la verticale de laquelle des milliers de forages ont été réalisés et dont certains ont servi à la séquestration géologique du dioxyde de carbone. Sa contamination peut survenir par le biais d'un confinement défaillant des gaz et des fluides suite à une mauvaise cimentation des puits ou à l'apparition de failles, résultat de l'intensification de l'activité sismique due au fracking.L'entreposage, le transport ou les rejets des eaux usées en milieu saharien en dehors de tout contrôle peuvent être une grave source de pollution du sol, du sous-sol et l'environnement dû à une évaporation intensive présentant un danger certain pour la santé humaine!On a trop tendance à oublier que la recharge de la nappe albienne est très lente pour compenser les prélèvements intensifs qui abaissent son niveau et accélèrent le processus de salinisation et la disparition de l'artésianisme.Ses réserves sont essentielles au maintien de la vie au Sahara, ses traditions millénaires pour une agriculture saharienne prometteuse appuyée par la promotion des énergies renouvelables où l'eau est un élément indispensable. Elle risque de devenir, à l'exemple de ce qui se fait aux USA, un grand business ! Il est à noter que la région d'In Salah a déjà été touchée particulièrement par l'utilisation irrationnelle et abusive des ressources en eau ayant accéléré la dégradation de ces milieux naturellement fragiles.- IV- Exploitation des gaz de schistes et contamination de l'air1- Contamination directe par l'évaporation des substances chimiques incorporées dans les liquides de fracturation au cours des différentes étapes d'exploitation des gisements. Sont retrouvés dans l'air des polluants atmosphériques divers : hydrocarbures composés organiques volatils (COV) comme le benzène,, NOx, SOx, O3, particules variées... ;par les torchères, par la fuite des gaz au niveau des sites d'extraction et lors de leur acheminement dans les pipelines ;par les particules fines des diesels des camions ;évaporation des produits chimiques récupérés dans les boues de foragesdans les bacs de décantations.2- Contamination indirecte : par fuites de Methane CH4 qui sont évaluées par certaines études à près de 6%. Cet effet de serre pourrait dépasser de 20% celui du charbon et serait en moyenne 22 fois plus important que celui du CO2.- Impacts sur la santé de l'exploitation des gaz de schisteLa population exposée est celle des travailleurs sur les gisements et des riverains, avec des pics de niveau de pollution au niveau des sites d'activité extractive. L'exposition de l'homme aux agents toxiques se fait en contact de l'air et de l'eau potable pollués.I- Les produits utilisés dans les fluides de fracturation à éliminer impérativement, car responsables d'effets irréversibles.Le benzène, redoutable pour la santé, toxique sélectif de la moelle osseuse en agissant sur les cellules souches il va perturber la synthèse des globules rouges, d'où l'apparition d'anémie plus ou moins irréversible. Son action sur les plaquettes va entraîner des troubles de la coagulation, mais surtout son impact sur les globules blancs peut aboutir à leur reproduction anarchique, d'où l'apparition de leucémies.Le formaldéhyde, en plus de puissantes propriétés irritantes et allergisantes est chez l'homme un cancérogène oro-laryngé et serait impliqué dans l'apparition de leucémie.L'oxyde d'éthylène, dont on comprend mal la présence dans les fluides de fracturation est aussi un fort agent leucémiant. L'acrylamide, en plus d'être un neurotoxique périphérique (polynévrite), il est aussi un cancérogène chez l'homme, ce qui n'est pas le cas des gels de polyacrylamide, couramment utilise? dans les liquides de fracturation.La silice cristalline (SiO2)n qui existe sous différentes formes (Quartz, cristobalite), c'est un irritant et fibrosant pulmonaire puissant (silicose...), mais aussi un cancérogène bronchique qui intervient à l'état de poussières. L'acide sulfurique concentré est un cancérogène bronchique chez l'homme (uniquement sous forme d'aérosol).II- Symptomatologie et signes d'appelParmi les premières, l'étude entreprise dans le Colorado auprès de 5000 personnes vivant pour la plupart dans un rayon de 200 m autour des puits a conclu à une exposition significative aux polluants. L'apparition de symptômes, troubles respiratoires, allergies, maux de tête, saignement de nez, spasmes musculaires, étourdissements, diarrhées, ont incité les services sanitaires à des analyses de l'air puis à des analyses de sang dans lesquelles des taux largement supérieurs à la normale ont été signalés ; autre fait inquiétant, le décès prématuré de bétail et l'apparition surprenante de pluies d'oiseaux morts.Les investigateurs ont proposé plus de 70 recommandations pour réduire ces impacts, mais le rapport n'a jamais été finalisé du fait que la société d'exploitation contestait les conclusions de ce rapport. D'autres études ont suivi, notamment celle de l'Université du Missouri qui confirme l'effet reprotoxique des produits utilisés.La non-rentabilitéDe nombreux experts s'accordent à dire que l'avenir énergétique de l'Algérie n'est pas dans les schistes, mais dans l'optimisation de nos ressources conventionnelles, le développement des énergies renouvelables, dans le mix énergétique et dans les économies d'énergies.En Algérie, la rentabilité du gaz de schiste reste très hypothétique au vu des caractéristiques géologiques des roches ciblées. Il faudra calculer également le coût de l'impact sur l'environnement et la santé, ce qui n'a, jusqu'à aujourd'hui, pas été fait. De plus, le méthane contenu dans les gaz de schistes doit être purifié pour pouvoir être liquéfié, ce qui contribue à un surcoût. Aux Etats-Unis, le prix de revient du Million de BTU est de 10 $, alors que le prix de vente n'est que de 4 $ en signalant que ces prix sont soutenus par l'Etat américain.En fait, les gaz de schiste seraient une véritable bulle spéculative. Nous allons tout simplement gaspiller des milliards de dollars pour le plaisir de voir une torche allumée pendant quelques jours. Ici, nous sommes en Algérie et non pas aux Etats-Unis. Le «bonheur» éphémère des Américains ne peut être transposé aux Algériens.A noter qu'un grand nombre de compagnies pétrolières se désengagent de l'exploitation des gaz de schiste.En fait, la question à poser est la suivante : pourquoi investir dans les gaz de schiste à In Salah ou dans d'autres régions du Sud alors qu'il suffit de creuser pour avoir du gaz conventionnel beaucoup moins coûteux et beaucoup plus rentable ' De plus, la proposition faite par Sonatrach d'approvisionner en gaz de schiste la région d'In Salah en gaz à partir des puits d'exploration est un non-sens.





Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)