Algérie - A la une


Le voleur d'appareil
Il se souvient encore de l'année d'ouverture de l'hôtel El Aurassi. C'était en 1975. Nous avons oublié le mois dont lui se rappelle bien. Depuis, il est à l'orée de la retraite, après près de quarante ans de bons et loyaux services. Il a eu tout le temps de connaître l'âge d'or du tourisme et de pleurer pour ce qu'il considère comme une décadence. Le terme est peut être un peu fort mais les temps ne sont plus euphoriques. Comme si tout n'était pas perdu et qu'un jour les beaux jours reviendront. Mais en attendant ' Qui n'avance pas recule, dit-on.L'homme à la mise bien soignée n'a pas recours aux grandes théories. Il se suffit de faits, de souvenirs précis. L'Algérie en ce temps béni n'était certes pas la Grèce, ni la France. On pouvait pourtant croiser des touristes dans nos complexes et les coopérants sillonnaient le pays dans tous les sens. Les premiers arpentaient la Casbah et les campagnes. En une trentaine d'années ou un peu plus, l'homme a vu le pays, la société et le monde changer.Comme tant d'autres, il est parti se former ailleurs pour mieux gérer les établissements hôteliers. Il n'était pas le seul, mais le mot harrag n'existait pas encore. De la lointaine Allemagne, il est revenu vers ces hôtels du Sahara fleurons d'un tourisme qui n'avait pas entamé une descente aux enfers. L'homme parle d'une voix posée comme s'il énonçait de simples vérités. Il a vu beaucoup d'élèves formés dans les instituts de Boussaâda et Tizi Ouzou partir ailleurs. L'amour du métier, la passion ne suffit plus aux jeunes pour qui le monde s'est réduit aux dimensions d'un village. Peu d'entre eux consentent encore à moisir dans des hôtels, même classés 4 ou 5 étoiles, quand le salaire ne suffit pas à vivre décemment. La loi est la loi mais chez le privé, des fois les pourboires dépassent le salaire, lui aurait avoué un maître d'hôtel qui depuis est parti en Tunisie. Le tourisme souffre de plusieurs maux. A quoi servirait-il encore de remuer le couteau dans la plaie ' Il suffira cette fois-ci d'une petite histoire. C'était l'autre jour à Annaba. Un couple de vieux retraités sont venus du Havre promenant leurs silhouettes courbées sur les chemins de la nostalgie. Ils ont retrouvé la maison où l'homme est né. Les nouveaux locataires ont ouvert leur porte et leur c?ur aux visiteurs qui eurent droit à un succulent couscous. Ils ont immortalisé avec leur appareil ces doux moments, se promettant des échanges de visite pour les grands et les petits. Combien le couple est-il resté dans la maisonde rêves ' Deux ou trois heures ou peut être un peu plus ' Le bonheur c'est comme l'argent chez l'amoureux. On ne le compte pas. Le vieil homme avait l'esprit léger en entamant la petite ruelle qui remontait vers le centre-ville. Il a même pris la main de sa petite femme tout aussi guillerette. C'est là qu'ils s'approchèrent d'un jeune homme accoudé à un parapet. Le vieil homme s'approcha de lui et souriant lui demande de prendre le couple en photo. Il tendit l'appareil et retourna vers sa femme qui commençait déjà à prendre la pose. Ni elle ni lui n'ont vu le jeune homme fuir à toutes jambes, emportant l'appareil et fonçant vers une ruelle terne et mal entretenue. Pour l'homme, cela aurait pu être classé dans le registre du fait divers banal et sans graves conséquences. Mais à l'heure où tout se fait pour séduire le touriste étranger, une telle mésaventure est d'un mauvais effet ....


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