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Le prix du bricolage
Mercredi 29 juillet. Camp de toile Dam Tours, à Souk El Tenine, sur le littoral est de Béjaïa.Il est 18h. Une bagarre éclate entre des jeunes de Béchar, qui y séjournaient depuis 3 jours, et des habitants de la région. Ce qui n'était, au départ, qu'une petite bagarre s'est vite transformée en une bataille rangée, impliquant des dizaines de personnes des deux parties.Pour rétablir l'ordre, il a fallu une intervention musclée de plusieurs heures de la police locale. Afin d'éviter d'autres développements fâcheux à la situation, sur appel du député FFS Chafaâ Bouaïche, qui a donné l'alerte, le ministère de la Jeunesse et des Sports a fait, le lendemain, évacuer les 600 jeunes de Béchar vers un autre camp, à Zéralda.L'origine de la rixe importe peu devant la gravité de l'incident et les commentaires déplacés qui ont suivi dans certains médias et sur les réseaux sociaux.Ce qui s'est passé invite plutôt à voir de plus près les lamentables conditions d'accueil et la mauvaise gestion du dossier par les autorités concernées.Tourisme en fricheIl y a lieu en effet de désigner un coupable à ces évènements, les imputerait-on aux simples «incivilités» du groupe de jeunes de Béchar, à un «racisme» ambiant qui n'a pas lieu d'être qui prend chair et vie sur les lieux touristiques ou, tout simplement, à l'échec d'une gestion approximative d'un secteur du tourisme en friche qui a atteint ses limites et qui demande à faire peau neuve ' Toutes les réponses à ces questions mènent à incriminer la gestion lamentable de ce secteur.Pour ne parler que de Béjaïa, cette destination tant prisée des estivants de toute l'Algérie, qui recèle un potentiel naturel et humain extraordinaire, mais arrêtée dans son ascension par l'absence de projets touristiques plus à même de répondre convenablement aux attentes des vacanciers.L'infrastructure existante est obsolète et ne suffit plus. «L'explosion démographique qu'a connue le pays n'a pas été suivie de l'extension et de la modernisation des infrastructures hôtelières et touristiques», fait remarquer, à juste titre, un spécialiste dans le domaine. Le cas du camp de toile Dam Tours n'en est qu'un infime exemple.De loin, l'endroit a plus l'allure d'un camp de rétention pour migrants clandestins que d'un lieu de vacances où l'on vient se relaxer. L'entrée, jonchée de détritus, donne déjà un avant-goût de la suite.A l'intérieur d'une clôture improbable, s'étendent des rangées de tentes installées sur des dalles difformes en bitume. De fines paillasses visiblement crasseuses et rarement des tapis sont le seul luxe qu'offrent ces tentes, où, nous dit-on, s'entassent les vacanciers par cinq. Quelques tables et chaises blanches sont installées irrégulièrement par endroits.Avant le départ des 600 jeunes de Béchar qui a donné un peu de ballant au cordage, le camp accueillait, dans ces conditions calamiteuses, pour ne pas dire inhumaines, jusqu'à 1800 jeunes du Sud algérien, en provenance de Béchar, Tamanrasset et Adrar.Côté restauration, d'après les témoignages recueillis sur place, la gestion des repas est hasardeuse et la qualité de la nourriture laisse à désirer. «Hier, on ne nous a pas servi le dîner et même quand on a arrive à avoir notre ration, c'est rarement un plat chaud ou une nourriture de qualité», déplore un jeune de Tamanrasset.Un autre jeune de la même wilaya, rencontré sur la plage, enfonce le clou : «Si jamais on rate l'heure de service, on est obligé de rester sur notre faim, ou bien de partager la ration du copain de tente...» Constat donc peu reluisant de ce camp où séjournent depuis le début de l'été, dans le cadre de la mobilité des jeunes Algériens chapeauté par l'Agence nationale algérienne des loisirs de jeunes (Analj), des milliers de jeunes de différentes wilayas, avons-nous constaté.Clochardisation et populismeDes conditions d'accueil qui ne peuvent que donner lieu à l'anarchie et, par contrecoup, à une promiscuité qui peut générer des tensions dont les manifestations peuvent déborder sur le voisinage. «C'est faux, on ne peut encadrer, ni éviter des débordements dans ces conditions surtout quand il s'agit de jeunes, en majorité adolescents et de différentes régions», se plaint un habitant de Tichy qui, lui, ne cède pas aux sirènes des préjugés régionalistes.En effet, par ignorance sans doute et par effet d'entraînement, la subjectivité prend le pas sur la raison, et c'est souvent aux touristes «venus d'ailleurs» qu'on impute à tort la dégradation des plages, les bagarres, ou même la pollution qui est pourtant le propre de toute wilaya, ville, campagne et plage.Même si le phénomène reste restreint et est loin de ternir l'image d'hospitalité et d'ouverture d'esprit légendaire des Béjaouis, certains individus mal informés continuent à faire circuler des préjugés malvenus.Serait-il de même si les jeunes du Sud qu'on a trop longtemps stigmatisés recevaient le traitement approprié dans les camps avec un encadrement et une prise en charge adéquats pour écarter tout risque de débordement ' En serait-il ainsi s'il y avait assez d'infrastructures touristiques pour affronter la massification du tourisme ' En serait-il ainsi s'il y avait une collecte régulière et non occasionnelle des déchets des estivants sur les plages ' Serait-il, enfin, ainsi si le tourisme devenait une préoccupation sérieuse du gouvernement ' Béjaïa, à l'instar de toutes les destinations touristiques de l'Algérie, n'a rien de tout ça.Un appui technique pour renforcer l'attrait naturel des wilayas touristiques s'impose. Un spécialiste du tourisme que nous avons rencontré s'interroge, à son tour, sur le blocage des projets de zones d'extension touristiques (ZET), pensés par l'Etat comme solution afin de sortir le tourisme de sa léthargie : «Les ZET sont en soi une solution qui pourrait s'avérer efficace de par l'ouverture du secteur du tourisme à l'initiative privée. On se demande pourquoi ce blocage à Béjaïa, alors que certains promoteurs ont reçu l'autorisation pour lancer leurs projets.»


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