Coach Vahid, un rêveur en Uchronie !

On savait que Vahid Hallilhodzic est un coach idéaliste. Au sens même de la définition jaurésienne du socialisme. L'ancêtre des socialistes français disait que cela consistait à aller vers l'idéal en maîtrisant le réel. Mais on ignorait en revanche, et jusqu'à la lecture de France Football, que le Bosniaque était un terrien sur Uchronie. Cette planète imaginaire du temps qui n'existe pas. Uchronie est en effet un néologisme du XIXe siècle fondé sur le modèle d'utopie. Avec un «U» négatif et le «chronos» grec qui renvoie au temps. Le mot désigne étymologiquement un non-temps. Des moments même pas perdus mais des instants qui n'existent pas. En littérature, l'auteur d'une uchronie prend comme point de départ une situation historique existante pour en modifier l'issue. Et pour ensuite imaginer les différentes conséquences possibles. Surtout une suite idéale, un résultat rêvé. Ce songe d'un autre cours de l'Histoire, pour imaginer ce qu'elle aurait pu ou dû être, est idéalement exprimé par la célèbre formule «uchronique» de Blaise Pascal : «Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.» Premier exégète de la littérature policière, l'écrivain Régis Messac définit l'Uchronie comme une «Terre inconnue, située à côté ou en dehors du temps, découverte par le philosophe Charles Renouvier, et où sont relégués, comme des vieilles lunes, les événements qui auraient pu arriver, mais ne sont pas arrivés». C'est exactement ce qui est survenu à Cheikh Hallilhodzic qui déclare, en chantant presque Qassaman, que «l'Algérie est la seule qui méritait de gagner le Mondial» au Brésil ! Pour l'ancien et glorieux sélectionneur des Fennecs, le temps est désormais celui des rêves fantasmagoriques et des regrets bien palpables. Mais, saperlipopette ! même l'implacable Allemagne n'aurait pas mérité son quatrième sacre. Titre pourtant conquis, haut la main, et avec la tête et les pieds. Ce voyage en Uchronie, l'Hallihodzic n'est pourtant pas le seul à l'avoir fait. En 1982, nous fûmes des milliers et même des millions à avoir gagné le mondial espagnol avec des «si» uchroniques. Et comme notre vénérable Vahid, en ce temps perdu où on n'a rien gagné finalement, nous avons pensé nous aussi que «l'Algérie est la seule qui méritait de...». Et, à chaque fois, en 1982 comme en 2014, ce sont ces satanés Teutons qui nous ont rendu «uchroniques» en diable ! Mais, comme l'aurait dit le vieux Eugène Saccomano, «on refait le match» ! Et cette fois-ci, c'est coach Vahid qui, après nous avoir fait rêver en temps réel, rêve à son tour a... postériori. «On croit que les rêves, c'est fait pour se réaliser. C'est ça, le problème des rêves : c'est que c'est fait pour être rêvé», disait Coluche.N. K.