Algérie - Gestion, récupération et recyclage des déchets

Centre d’enfouissement technique de Benbadis (Constantine): Le jour d’après




Centre d’enfouissement technique de Benbadis (Constantine):  Le jour d’après




Gestion hasardeuse, décisions intempestives, incompétences: ingrédients d’une catastrophe écologique et de la révolte de la population.

Après les heurts qui l’ont secoué fortement la semaine passée, la commune de Benbadis semblait hier relativement calme. Sur place et sur le site même du centre d’enfouissement technique (CET), principale source du mécontentement populaire, nous avons constaté que rien n’a été entrepris pour remettre sur pied ce centre et c’est une image de grande désolation qui s’offre à nous.

Trois travailleurs étaient présents, le reste étant mutés vers l’ancienne décharge, située à quelques kilomètres pour recevoir tous les déchets de la ville de Constantine et de ses environs, une solution palliative. Le traitement des déchets ménagers obéit à des normes, dont cette décharge n’en dispose pas. Nous avons appris auprès de ces travailleurs que ce qui s’est passé, était prévisible du fait d’une gestion du centre des plus hasardeuses, l’un d’eux nous confie: «Comme vous pouvez le constater, c’est lorsque il y a eu la visite des représentants du ministère que l’on nous a doté de tenues de travail.

Les masques de protection, on ne nous les jamais remit. Nous sommes les premiers à être exposés aux nuisances du centre, pire encore, l’injection que nous devrions faire accuse un retard de deux mois et c’est dire tous les risques sanitaires que nous pourrons connaître, c’est criminel !».

Son collègue, un autre agent nous révèle pour sa part un fait majeur: «C’est extraordinaire, nous venons de découvrir qu’il existe un produit «GV 999- Stabe Bleaching powder» qui élimine toutes ces odeurs mais qui n’a jamais été utilisé, sauf quand il y a eu ces heurts et comme vous pouvez vous rendre compte, nous sommes sur le site même des déchets et aucune odeur n’est perceptible».

En effet, point d’odeur malgré la fumée qui se dégage du monticule faisant office de dépotoir d’ordures ménagères. Ce n’est pas tout, puisque d’autres paramètres viennent se greffer sur la gestion du site, notamment les trois lagunes qui, après décantation du lixiviat (jus des ordures) sont traitées pour éliminer toute la dangerosité de cette eau marâtre.

Les rapports occultés du bureau d’hygiène

A noter que le chef de centre, Tahar Selmane n’a pas voulu nous recevoir, préférant à partir d’un camion, instruire le personnel présent de ne point discuter avec nous et encore moins divulguer la moindre information, Y-avait-il quelque chose à cacher ? Certainement, puisque selon quelques indiscrétions, les représentants du ministère de l’environnement étaient très mécontents de la situation et l’un d’eux avait menacé le directeur de l’environnement, l’accusant de négligences. Pire, les données transmises au ministère étaient erronées, notamment, l’utilisation du produit devant dissiper les odeurs, avait-il souligné.

Voulant en savoir plus auprès de la commune de Benbadis, nous avons appris que le P/APC était en congé, et que son intérimaire avait d’autres occupations et c’est le bureau d’hygiène communal qui nous a livré quelques indications se rapportant au CET, pour cela, l’un des agents de ce service nous montre un épais document, d’une centaine de pages, faisant ressortir toutes les démarches entreprises pour alerter les responsables, au niveau de la wilaya, la direction de l’environnement et même le ministère. En vain, rien n’a été entrepris malgré de nombreuses délégations, venues sur place, composées de représentants de diverses institutions, notamment les services de sécurité, de la direction de l’environnement.

Les photos prises sur le site montrant la gravité de la situation, particulièrement le déversement du lixiviat à partir du centre et allant vers l’oued, n’ont semble-t-il pas convaincu les responsables qui ont péché par un laxisme inexplicable. Selon notre interlocuteur, la catastrophe écologique est un fait avéré, car la commune dispose de 176 puits individuels, 3 puits collectifs et 3 autres agricoles, exposés au poison dégagé par le CET.

Pire encore, le lixiviat qui se déverse a atteint le barrage Bouhamdan de Guelma, affirme notre source du bureau d’hygiène, d’où une inquiétude grandissante de la population qui voit sa source de vie menacée. Plus grave encore, le même agent, bien renseigné sur la situation explique que la nappe phréatique, l’une des plus importantes du pays, risque d’être contaminée, si des mesures urgentes ne sont pas prises.

Le pompier pyromane

Fort de toutes ces données à force de détails, nous avons approché quelques citoyens pour en connaître les raisons d’un tel déchaînement qui a engendré les destructions du site, notamment ce chiffre de 35 milliards et c’est Abdelouahab qui nous dit: «C’est la faute au chef de Daïra qui s’est comporté comme un irresponsable dans la gestion de cette crise, en déclarant au lieutenant-colonel de la gendarmerie et devant nous que la commune de Benbadis était une saleté et que ses habitants en sont encore plus sales.

Il avait ordonné aux éléments de la gendarmerie de nous arroser avec de l’eau, ce qui a mis le feu aux poudres. Pourtant, au début, notre manifestation était pacifique».

Entre temps, la situation au niveau du chef-lieu de la wilaya a atteint un seuil intolérable à cause des ordures ménagères non enlevées durant plusieurs jours faisant monter la tension et faisant apparaître l’inconséquence des autorités locales dans la gestion de ce dossier.

A Benbadis, la population ne veut plus entendre parler de ce CET et tiens à préserver l’environnement de ce village agricole qui n’a rien demandé à la ville.

«Notre commune, connue pour sa vocation agricole, donc pour la pureté de son climat a subit, à cause du centre une altération de l’atmosphère qui a envahi même nos maisons, notre quotidien est synonyme de crasse ce qui a généré des pathologies graves au sein de nos familles, particulièrement les enfants, d’où une psychose qui a mis en émoi toute la population. Selon le médecin chef de l’hôpital de la commune, il y a eu 74 décès, rien que pour cette année, dus au cancer.

Les tumeurs cérébrales chez des enfants de moins de quatre ans ont semé une vraie panique et cela ne peut que s’expliquer par la présence de ce centre qui devait accueillir tous les déchets d’une grande wilaya».

Malgré une relative accalmie à Benbadis, l’un des habitants nous révèle, d’un ton menaçant et déterminé: «Nous vous donnons rendez-vous dans deux semaines, il va y avoir une grande mobilisation citoyenne, puisque nous allons camper en famille pour en finir avec ce centre».

* Photo: Le lixiviat est déversé dans la nature

N. Benouar

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