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Biskra, laville ocre
L'émerveillement commence à Ghoufi et ses célèbres balcons taillés dans la roche. Le jour décline car nous avons quitté Batna en fin d'après-midi. Alors le soleil donne des reflets d'or aux arêtes et l'ocre devient scintillante. Nous sommes à plus de 50 kilomètres de Biskra et le paysage annonce la couleur. La nuit est largement tombée quand nous avançons doucement sur la grande avenue illuminée. La saison est propice au tourisme et cette fin novembre qui devait drainer du monde est plutôt calme, la conjoncture étant à la prudence et à la frilosité de la part des tour-opérateurs qui s'empressent de classer tous les pays à la même enseigne. Biskra est un havre de paix. En parcourant la distance, nous avons la nette impression d'avoir enjambé le temps, sans doute à cause des calèches, des vieux cafés, des échoppes des artisans. Comme ce vieux cordonnier penché sur son ouvrage, authentique et altier avec son turban et son cache-poussière. Cela doit faire plus de quarante ans que je n'ai pas vu de cache-poussière, cette longue blouse grise que portaient les pensionnaires des lycées et les portefaix. Alors comme pour défier le temps et le vieux cordonnier, les camionnettes chinoises de l'Ansej grouillent dans les rues de la ville et cela fait quand même un bail qu'elles ont remplacé les diables des portefaix. Ville-tampon entre le Nord et le Sud, Biskra constitue le passage obligé de tout voyageur qui traverse le pays et d'ailleurs on découvre ce statut de carrefour dans... le thé qui est ici plus fort, plus corsé, comme pour annoncer son rang de grande boisson du Sud. La ville est surchargée d'histoire et, de celle des Grecs à celle des Français en passant par les Romains, les Arabo-musulmans et les Ottomans, toutes les civilisations ont laissé leurs empreintes dans cette cité où cohabitent en toute quiétude la supérette ultramoderne avec portes coulissantes en verre et le café maure qui fleure bon le thé à la menthe. La wilaya joue un rôle clé dans l'économie nationale puisqu'elle constitue le principal gisement de dattes et au sortir de la ville les palmeraies s'étendent à perte de vue. Mais c'est Tolga qui détient la palme de la qualité avec la célèbre Deglet Nour, Littéralement « datte de lumière » sans doute en référence à la clarté transparente du fruit. Une immense richesse qui pourrait rapporter gros au pays pour peu que sa production et surtout sa commercialisation à l'étranger, soient mieux organisées puisqu'il se dit que la datte algérienne est vendue sous emballage tunisien... Le mouton d'Ouled Djellal est aussi l'autre richesse de la région et il est quand même dommage que cette ressource soit mal exploitée, confinée à des élevages tribaux servant plus les maquignons que le consommateur. Biskra a d'autres atouts et sa physionomie même constitue un attrait touristique inépuisable. Hormis le fait que la ville ait réussi avec bonheur à marier le traditionnel et le moderne tout en gardant intact son cachet de cité saharienne, elle possède des lieux de détente, des îlots de verdure inexistants ailleurs. Comme Le jardin du 5-Juillet que tout le monde appelle ici Djenen El Beylik et Les Tropiques, magnifique havre de paix, avec une végétation luxuriante, des essences tropicales. L'écrivain André Gide, qui a longtemps séjourné à Biskra, venait s'y reposer et restait de longues heures à l'ombre des arbres majestueux. « De nombreux historiens de l'antiquité ont décrit Biskra et on cite à titre d'exemple Hérodote, Ptolémée, Procope, Ibn Khaldoun... » (in Visions d'Algérie juin 2015). D'ailleurs la ville porte dans ses moindres recoins les bribes d'un passé prestigieux. L'autre endroit d'évasion est sans conteste l'oued Zarzour qui constitue une pièce maîtresse de l'identité de la ville. Tout comme la ville de Sidi Okba qui fut fondée au début du XVIIe siècle dans l'emplacement même de la tombe du célèbre guerrier sise à la mosquée qui porte son nom. Un véritable bijou architectural et dont le minaret compte parmi les plus anciens d'Afrique. En se baladant dans Biskra et ses villages alentour, on est imprégné de son passé prestigieux que ce soit dans la vieille pierre, les arcades séculaires du centre-ville, ses oasis, son architecture spécifique... Il en faut du temps pour visiter tous les sites de la région, M'chounèche, sa poterie et ses tapis tissés aux poils de caprin, Tahouda où fut tué Okba Ibn Nafaâ par la Kahéna, reine berbère... El Ghrous, espace agricole de toute la wilaya. Une immense oasis toute de verdure et de serres, où on cultive tous les légumes écoulés dans la région et même au-delà. Dont le piment, principal ingrédient de la cuisine locale. Et notre hôte, un vénérable hadji nous invite à partager la célèbre chekhchoukha de Biskra. La nuit tombe autour du plat en bois où fume le plat sous de gros morceaux d'agneau. De Ouled Djellal, évidemment.





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