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Bab Edrague, mon amour



Bab Edrague, mon amour
Jeudi, 9h : Bab El Oued traîne encore la patte dans cette grasse matinée providentielle. La tête dans les étoiles et la mer dans le dos, le quartier se fait une raison à défaut de vivre d'autres palpitations à une autre cadence. C'est raté, mais tout le monde s'en doutait un peu. La fièvre est une levure capricieuse qui ne prend pas toujours. Ici comme ailleurs, on ne fait pas du volume avec du vent. Alors, on se frotte les yeux par acquit de conscience.On sait les images qui vont s'offrir à la vue, on les connaît par c?ur. Le dos offert à la mer et la tête en bouillie, on fait semblant de quêter un renouveau factice dans une journée mortelle de banalité. «Tu ne vas pas voter '» Celui qui a lancé la question est un personnage de science-fiction, on ne voit d'ailleurs pas à qui il s'adressait. A moins que ce ne soit à l'homme invisible. Au café ce matin, l'ambiance ressemble à une? ambiance de café de Bab El Oued. Vers dix heures, on a «repéré» quelqu'un qui arrivait avec de l'encre indélébile sur le doigt. Ici, on peut avoir le dos tourné à la mer et la tête dans les étoiles, on ne peut rien cacher. On ne veut rien cacher, non plus.Et on n'oublie jamais de rire. Le bonhomme avait levé son doigt taché d'encre indélébile pour demander son café. Autour de lui, on n'avait pas besoin d'autant d'exubérance pour le remarquer.11 h passées d'une vingtaine de minutes : Sofiane fait les cent pas sur l'esplanade de la plage artificielle à La Madrague. Quelques jours auparavant, il avait appelé sur Facebook à un pique-nique républicain le jour du vote.L'idée était de réunir des Algériens de divers horizons politiques et culturels, les votants, les non-votants et tous les autres pour un moment de détente dans un pays assis sur un brasier. En maître de cérémonie scrupuleux, il allait d'une discussion de présentation avec les premiers arrivés à l'attente vigilante d'une arrivée nouvelle. Entre les deux, il ne manquait pas de rappeler à l'ordre le fiston un tantinet turbulent sur l'esplanade.Le groupe commence à prendre forme sur l'escalier séparant l'esplanade de la plage. On sort déjà les sandwiches et les invitations se lancent, entre des présentations chaleureuses et des retrouvailles entendues. On prend des photos pendant que quelques apartés refont déjà le monde. Ici, le monde Algérie a pris des couleurs. Une femme belle comme le jour exhibe en souriant à la mer les six bulletins de vote : avant de venir, j'ai voté «blanc». Un homme montre ses dix doigts : aucune trace d'encre indélébile. Les deux croisent spontanément leurs mains pour offrir au zoom d'un appareil photo une esthétique de la différence à immortaliser par l'image.Deux heures, peut-être plus, de générosité et de bonne humeur partagées. On a parlé des élections et de la disproportion du sable sur la plage, on a ri de bon c?ur et bu à deux dans le même gobelet, on s'est regardé dans les yeux et on a regardé ensemble dans la même direction.La vie est belle même s'il faut quand même partir. Les enfants sont fatigués et il y en a qui sont venus de loin. Beaucoup se retrouveront à une terrasse de La Madrague pour «re» refaire le monde dans une deuxième mi-temps du même esprit, seul le décor ayant changé. Enfin, le décor intérieur. Dehors, la mer est toujours bleue et le soleil entame un déclin apaisé. Le jeudi 17 avril, c'était aussi ça et c'est déjà beaucoup.laouarisliman@gmail.com





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