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Algérie - Agriculture: Un expert dresse un tableau noir du secteur



Algérie - Agriculture:  Un expert dresse un tableau noir du secteur




La politique agricole publique prônée, jusque-là, a, selon lui, montré ses limites.

Slimane Bedrani, professeur à l’École nationale supérieure d’agronomie, a dressé un réquisitoire enflammé contre la politique agricole prônée actuellement par le gouvernement. Des critiques acerbes et sans ambages ont été formulées par cet expert à l’encontre du département de l’Agriculture.

Le Pr Bedrani a, au cours d’une table ronde sur la sécurité alimentaire en Algérie, brossé un tableau noir du secteur agricole dans notre pays. De prime abord, il relève la faiblesse des rendements agricoles en Algérie en comparaison avec d’autres pays bénéficiant de conditions climatiques similaires.

Pour lui, la politique foncière suivie souffre d’un immobilisme engendrant un nombre important de terres non titrées (sans titres de propriété), alors qu’une autre catégorie est en indivision. Ce qui constitue, constatera le conférencier, “un frein à l’investissement agricole”.

Cette conférence, qu’il a animée hier à l’Institut national d’études de stratégie globale (Inesg), lui a servi de tribune pour lancer un débat qu’il veut académique, voire scientifique, sur l’agriculture algérienne.

Un problème, cependant, lui tient à cœur. Il s’agit du manque de transparence dans la gestion des dépenses dédiées au secteur.

“Pourquoi cache-t-on toutes ces dépenses au ministère de tutelle? Quels sont les montants globaux réels des subventions destinées au lait, à la pomme de terre, le Syrpalac…?”, s’interrogera le Pr Bedrani.

Sa réponse à cette question est cinglante: “On ne veut pas que ces dépenses soient publiées car elles sont mal utilisées.”

Pis encore, il estime que les enveloppes financières déboursées dans le secteur agricole demeurent minimes par rapport aux risques énormes que prend l’agriculteur qui affronte, à la fois, les aléas du climat, les maladies, des budgets insignifiants…

Or, l’État doit impérativement prendre en charge, indiquera-t-il, une partie de ces écueils. Il n’existe, selon lui, aucune donnée avec laquelle l’on peut juger le caractère efficace ou non de la politique agricole. Le Pr Bedrani s’interroge également sur la véracité des statistiques avancées par la tutelle. Au ministère, l’on dénombre 21 millions de bovins.

“Un ministère doit fonctionner comme une entreprise”

Le chiffre est-il vrai ?

Idem pour les 8,5 millions d’hectares qui représentent la surface agricole utile (SAU).

Il se pose aussi la question sur le degré de mécanisation, le niveau d’utilisation des intrants, la production auto-consommée…

“Sans un véritable tableau de bord qui englobe toutes ces données, avec quoi le ministère élabore-t-il sa politique ?”, se demande encore le professeur.

Slimane Bedrani pense qu’un ministère doit fonctionner comme une entreprise avec “des indices clignotant au moindre problème qui surgit”. L’on a l’impression, commentera-t-il, que les responsables réagissent au “feeling”. Autrement dit, la politique mise en œuvre “n’est pas réfléchie à l’avance”.

Abordant la stratégie de commercialisation, l’invité de l’Inesg évoque l’opacité dans laquelle fonctionnent les marchés au détriment des producteurs et des consommateurs. Cet état des lieux concis, mais surtout peu reluisant du secteur de l’agriculture, pose de manière claire la problématique de la sécurité alimentaire dans notre pays. Celle-ci, affirmera-t-il, reste indissociable du développement économique en général.

“Pas de sécurité alimentaire durable sans une économie nationale suffisamment intégrée”, soulignera l’universitaire.

L’autre souci soulevé lors de cette rencontre a trait à la facture alimentaire qui a atteint les 12 milliards de dollars. L’enveloppe des importations ne dépassait pas, en revanche, les 200 millions de dollars en 1970, 2 milliards de dollars en 2000. De ces 12 milliards de dollars, 6 milliards de dollars sont dépensés pour les céréales et 1,5 milliard de dollars pour le lait. La même somme est déboursée respectivement pour l’huile et le sucre. L’on s’attend que cette facture augmente à 15 milliards de dollars en 2017 et à 20 milliards de dollars en 2020.

Avec la chute des prix du pétrole qui réduira certainement les recettes du pays à environ 70 milliards de dollars, l’Algérie pourra-t-elle faire face à toutes ces dépenses faramineuses à l’avenir?

Il faut, suggèrera le Pr Bedrani, une évaluation périodique, régulière et objective des politiques publiques menées en ce moment. C’est la condition sine qua non pour une gouvernance efficiente du secteur agricole.

“Il faut tracer des objectifs mesurables en mettant les moyens à même de les atteindre”, conclura-t-il.

Badreddine Khris

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