Algérie - Andalous

« la Musique Andalouse à Tlemcen »



« la Musique Andalouse à Tlemcen »
LA MUSIQUE ANDALOUSE


« Lorsqu’on prononce l'expression ‘Musique andalouse’, notre premier réflexe nous dirige vers une image décrivant des bonhommes en chéchias rouges, en djellabas et en sandales blanches, jouant du violon en le faisant pivoter sur la cuisse et en entonnant des mélodies avec des voix magnifiques. »
Cette phrase prononcée par un français qui, tout en reconnaissant n’avoir aucune notion sur la musique andalouse, assistait à une représentation musicale effectuée par un orchestre de Tlemcen. Elle symbolise la conception occidentale, à l’exception évidemment de certains spécialistes en la matière, de la musique andalouse.
En fait, cette musique est riche de son histoire, de sa présence depuis son existence, de ses composantes techniques ainsi que des personnages, connus et anonymes, ayant marqué de leur empreinte leur présence dans ses annales. Elle est simplement millénaire.
Pour pouvoir l’apprécier, il faudrait faire connaissance avec ses différents aspects, celui évoquant son origine et son évolution à travers le temps, celui des personnages ayant pu d’abord créer les caractéristiques propres à cette musique, puis ceux ayant participé à son ascension et à sa promotion, soit artistiquement soit littérairement soit même socialement ; enfin son aspect technique répertoriant sa forme, sa composante, sa façon de pratiquer, son instrumentation, ses rythmes, ses accords, et d’autres encore…
C’est un style musical, d’origine arabe, qui a vécu durant des siècles, sous différentes influences et avec de multiples contacts à travers le temps et cela depuis bien avant la naissance de l’Islam, période durant laquelle elle n’avait encore rien ‘d’andalous’. Plus tard et après avoir évolué en tant que « science musicale », en reprenant le terme de rigueur durant le règne de Haroun Rachid sur le royaume et la civilisation arabes, puis perfectionnée par de grands savants tels Ishaq et Ibrahim El Moussili , Yacoub Al Kindi ou Al Farabi, puis avec la conquête de l’occident et la colonisation de l’Andalousie par les musulmans et avec le génie artistique de Zyriab, un musicien musicologue tout autant que savant dans plusieurs domaine, que prit naissance une nouvelle musique . Elle fut, bien plus tard, appelée «musique andalouse » en raison de sa deuxième naissance dans cette terre ibérique.
Cette musique a pu se conserver jusqu’à nos jours, à part quelques défaillances dues essentiellement à la transmission orale qui a toujours fait preuve d’imperfection. Pourtant elle est toujours aussi présente, aussi riche et aussi performante.
L’origine de la musique andalouse trouve ses racines dans la musique arabe bédouine anté-islamique, mais elle doit sa véritable naissance à l’âge d’or de l’époque abbasside (750-847), quand Baghdad était le centre des sciences et des arts. La musique eut un rôle privilégié avec le calife abbasside Al Wathiq (832-847), qui était lui-même chanteur et instrumentiste, très doué au oud (luth). Son palais fut transformé en un grand conservatoire, dirigé par Ishaq Al Mossili (767-850).
Ce dernier peut être considéré comme l’un des « maîtres » - avec Al Farabi (870-950)-, qui ont hissé la musique arabe, malgré son déjà haut niveau, à un degré inégalé de perfection. Zyriab (789-857) en a été le révolutionnaire et est considéré comme le « père » de la musique andalouse. Cet esclave affranchi constitue l’exemple qui exprime d’une façon très claire la destination prise par la musique arabe elle-même. En effet, né à Baghdad, il prit le chemin de l’occident africain en s’arrêtant un moment à Kairouan puis en continuant son chemin vers cette terre nouvellement conquise, l’Andalousie. La musique arabe en fit autant. A son arrivée à Al Jazira (Algesiras), sur le sol Andalou, Zyriab apprit le décès d’Al Hakam I. C’était le Calife qui l’avait invité à venir en son palais, en Andalousie, afin de pouvoir apprécier son art qu’on disait merveilleux. Déçu, Zyriab décida de rebrousser son chemin vers Al Kairaouan, ville dans laquelle il avait trouvé toute sa sérénité, après avoir vécu un calvaire que lui faisait subir son maître Ishaq Al Mossili à Baghdad. Mais Al Mansour, qui était envoyé par le Calife au Maghreb à la recherche de musiciens, et ayant déjà connu la réputation de Zyriab, persuada ce dernier de continuer en lui affirmant que le nouveau monarque, Abderrahmane II (822-852), n’était pas moins mélomane que son père. A Cordoue, Zyriab trouva un accueil somptueux. Abderrahman II le traita avec la plus grande considération et Zyriab le lui rendait très bien d’abord par un comportement des plus raffinés, une élégance digne et des belles manières qui étaient propres à lui, ensuite par le travail musical qu’il effectuait. L’aristocratie arabe d’Andalousie réserva à cet artiste qui était aussi un savant en astronomie et en géographie tout en ayant de profondes connaissances en belles lettres, le meilleur accueil. En parallèle à cela, il devint, sans vraiment le vouloir, l’arbitre de la mode et du savoir-vivre de l’époque. Dans le domaine musical, Zyriab a pu réunir des éléments artistiques et poétiques afin de pouvoir obtenir une musique encore plus performante et plus riche, et il a réussi. La musique, qui se pratiquait sous forme de chansons individuelles et isolées, fut transformée d’abord par les grands musiciens que nous avons cités plus haut en Noubas, successions de chansons et de rythmes allant du plus lent au plus rapide. Puis elle fut perfectionnée par lui, en ajoutant des éléments techniques tels le rajout d’une corde au luth ou la concentration de chaque nouba sur une note principale appelée Mafroudha entre autres. Cette musique nouvellement conçue donc par Zyriab a pu traverser d’abord l’élément géographique puis le temps lui-même puisqu’elle a réussi à parvenir jusqu’à nous, au 21è siècle. Et elle n’est pas prête de cesser de vivre. En effet, après la Reconquista par les Espagnols de leur terre natale, les Arabes furent obligés de fuir l’Inquisition. Ils émigrèrent en Afrique du nord, trouvèrent un accueil chaleureux et s’y installèrent avec leurs bagages et leurs cultures, particulièrement leur musique qui était déjà très connue et très appréciée avant leur venue.
D’après certains spécialistes, l’immigration Andalouse en terre Maghrébine se compose comme suit :
Certains, venant de Séville et de Valence, ont pris racine à Fès, au Maroc. D’autres, venant de Grenade et surtout de Cordoue se sont installés à Tlemcen. Alors que d’autres, issus de Grenade ont préféré s’arrêter à Béjaia. D’autres enfin, venant eux aussi de Séville ont continué leur chemin jusqu’à Constantine, Tunis et Tripoli.
A tout cela, il faut ajouter le fait que des émigrés d’autres villes andalouses, de moindre importance -telles Malaga, Tolède, Alméria, Cartagena- ont pris, eux aussi, racine dans les villes maghrébines sus citées.
Pour conclure ce point important de notre sujet, nous dirons que l’école de Fès, et par-là même celle du Maroc tout entier, est l’école Sévillane, en arabe le « Ishbili », sa culture musicale d’origine étant issue de Séville. Celle de Tlemcen étant l’école de Cordoue (nous nous demandons d’ailleurs pourquoi certains disent «le Gharnati de Tlemcen », faisant allusion à la musique pratiquée dans cette ville) et se nommant en arabe le «kortobi ». Quant à celle d’Alger, elle est de Grenade et est appelée le « Gharnati » en arabe.
A noter que du point de vue technique, ces deux dernières écoles, à savoir Tlemcen et Alger, ont beaucoup de ressemblances du fait que les deux villes qui leur ont fourni leurs cultures, respectivement Cordoue et Grenade, étaient très rapprochées l’une de l’autre, de tous les points de vue, particulièrement artistiques, poétiques et musicaux. Ceci explique donc que Tlemcen et Alger, ayant hérité des musiques Gharnatie et Kortobie, ont beaucoup de ressemblances, surtout concernant les données de base. Cela n’empêche pas que certaines différences éxistent, mais l’élémentaire est pratiquement le même.
Suite à tous ces événements donc, les écoles musicales qui ont pris souche au Maghreb sont celle de Fès, de Tlemcen, celle d’Alger (par le biais de Bejaia), celle de Constantine, celle de Tunis et enfin celle de Tripoli. Les trois dernières citées ont la même origine et les mêmes principes d’exécution.
Concernant notre ville, Tlemcen, en premier lieu, il serait utile de rappeler qu'avant la conquête de l’Andalousie par les Arabes, elle était aussi concernée par l’émergence, le développement, puis l’apogée de la musique Arabo-Orientale, comme nous l’avons mentionné précédemment. Ainsi donc, Tlemcen a, pour sa part, également contribué à l’acheminement de cette musique, qui n’avait pas pris, au départ, les formes qu’elle acquit en Andalousie par le biais de Zyriab, vers l’Occident.
Au courant des sept siècles d’occupation arabe en Andalousie, Tlemcen constituait une ville stratégique pour les savants, les commerçants et, en ce qui nous concerne, les artistes qui se déplaçaient de Cordoue, de Grenade, de Séville ou d’autres villes andalouses vers le Maghreb car c’était une terre très accueillante pour les Arabes andalous qui y faisaient une halte. La musique qui venait de l’Andalousie n’était en fin de compte pas tellement ignorée par les Tlemcéniens de l’époque car, les relations entre notre ville et celles d’Andalousie étaient concrètes et effectives. Tout ceci est précisé juste pour montrer que Tlemcen a été une cité très influente dans l’histoire culturelle et civilisationnelle de sa région, et même de toute l’Afrique du Nord.
En second lieu, nous devons noter que la période qui a suivi l’installation à Tlemcen des émigrés arabes d’Andalousie, fuyant la répression espagnole a été marquée par la création, ou plutôt la « Maghrébisation », de la musique amenée par ces derniers à Tlemcen. En effet, par son contact avec une nouvelle communauté, avec de nouvelles mœurs, de nouvelles habitudes, un nouvel état d’esprit, mais tout en gardant ses mêmes principes techniques, la musique andalouse s’est très bien adaptée à son nouvel environnement. Cela l’a rendue encore plus appréciable et plus riche.
Seulement, l’usure du temps, le délaissement et la négligence humaine, les effets du colonialisme ainsi que l’absence de médias qui, n’étant créés que ce dernier siècle, auraient pu jouer un rôle prépondérant dans le maintien et la survie de tout le répertoire musical de l’école Tlemcénienne ; tout cela donc ne pouvait qu’avoir des conséquences négatives.
En effet, des vingt-quatre Noubas (nous verrons dans la partie technique de ce travail ce que ce terme veut dire) existantes, représentant le répertoire initial Tlemcénien, il n’en reste que douze plus ou moins complètes, en plus de quelques autres, incomplètes elles. Cependant, si l’on voyait cette situation sous un autre angle, l’on pourrait affirmer qu’après tant d’obstacles, l’existence aujourd’hui de douze Noubas complètes pourrait être considérée comme une «bénédiction » presque incroyable. Nous devons nous estimer heureux d’avoir en notre possession une musique qui a bravé, des siècles durant, mille et une embûches et obstacles. Nous devons cela, entre autres, à la rigidité de l’école musicale Tlemcénienne dont le principe de base a toujours été le suivant : « Reproduire tel quel ce que l’on a appris ». En d’autres termes, pas de fioritures, aucun «plus », aucune invention, aucune « décoration personnelle » n’étaient tolérés. Et cette rigidité n’a fait que du bien à notre musique.
En parallèle à la musique andalouse, à Tlemcen et avec le temps, de nouveaux styles musicaux sont nés en conséquence de la « cohabitation » de cette merveilleuse musique avec les traditions, les pensées, et forcément les genres lyriques des tribus indigènes. Cependant, il serait très important de préciser que ces nouvelles musiques ont d’abord puisé leurs sources musicales et poétiques, en d’autres termes, leur origine artistique, de la musique «mère » déjà existante, à savoir la musique andalouse. Mais cela bien sûr sans changer ni déranger aucunement cette dernière. Pour citer ces nouveaux styles, considérés comme modernes à l’époque de leur création, nous nommerons le Haouzi, le Aroubi, le Houfi, le Medih, le Gharbi, le Chaabi…Chacun de ces styles a sa propre histoire et ses propres caractéristiques.

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